Publicité

Ram Seegobin: «Il y aura une remontée du communalisme lors de la prochaine campagne électorale»

18 août 2009, 06:23

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Le dirigeant du parti Lalit livre sa réflexion sur la situation politique générale.

Comment est-ce que vous analysez cette période pré-électorale? A votre avis, y-a-t-il des éléments spécifiques à la campagne à venir, comparées à d’autres périodes électorales?

C’est d’abord étonnant que nous soyons en période pré-électorale. Etant donné que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, avait annoncé qu’en 2009, l’économie serait la priorité de son gouvernement, et que c’est en 2010 que des élections seraient organisées, au mois d’août. Mais, c’est vrai que le discours du PM, lors des poses de premières pierres ou des fêtes culturelles, sont très électoralistes.

Nous sommes, donc, effectivement en période pré-électorale. Nous voyons que le Mouvement Militant Mauricien (MMM) a déjà commencé à travailler sur sa liste de candidats. Bien sûr, ceci commence à créer des remous. Le Mouvement Socialiste Militant (MSM) est, lui aussi, en période pré-électorale. Toutefois, il semblerait que ce parti soit perdu sur un terrain entre l’opposition et l’espoir d’une alliance avec le Parti Travailliste (PTr).

Je pense que tout cela se précisera au fur et à mesure. C’est une période floue parce que nous ne savons pas qui sont les blocs qui s’aligneront. A ce stade, les Mauriciens ont du mal à comprendre quelles configurations se présenteront pour les élections générales, lesquelles auront lieu probablement l’an prochain.

Donc, vous pressentez les élections pour 2010, malgré les rumeurs qu’elles se tiendraient fin 2009?

Oui, la période pré-électorale sera assez longue. Je sens que les élections ne viendront pas tout de suite. La période pré-électorale s’allongera pour un bon laps de temps avant les réelles échéances.

Selon vous, quels sont les thèmes qui marqueront la campagne électorale et quels sont ceux qui devraient dominer le débat?

Evidemment, quand nous observons la campagne du MMM depuis un certain temps, nous comprenons que ce parti axe sa campagne principalement sur la fraude, la corruption, le «mismanagement» à la State Trading Corporation (STC), à Air Mauritius, ainsi que sur le «hedging».

Du côté de l’Alliance sociale, on concentre toutes les attaques sur Paul Bérenger, leader du MMM.

Cependant, ce qui m’inquiète le plus, c’est que j’anticipe une remontée du communalisme, un peu du style de 1983. Surtout, avec l’arrivée du père Grégoire qui prend des positions politiques.

Nous voyons aussi que le projet de construction de la Ring Road autour de la capitale entraîne des réflexes communaux quant à ce tracé chez les habitants de Vallée Pitot et de Cité La Cure.

Ce qui devrait être l’enjeu de cette campagne, c’est la façon dont l’Alliance sociale a géré la crise économique. Je ne fais pas référence uniquement à la crise financière de ces deux dernières années, vu que Maurice traverse une crise systémique, dans l’industrie sucrière, le textile, les secteurs alimentaire et énergique, depuis 2005. La crise financière et la récession mondiale sont venues après. Ce qu’il faut vérifier, c’est si l’Alliance sociale a tiré les bonnes leçons.

Quelles leçons?

Une remise en question est nécessaire, particulièrement sur l’économie ultralibérale que le ministre des Finances, Rama Sithanen, est en train d’appliquer. L’Alliance sociale doit tirer des leçons concernant la fragilité des secteurs textile et touristique. Nous avons fait face au chikungunya, la fièvre dengue et, maintenant, nous faisons face à la grippe A H1N1. Tout cela fragilise le secteur touristique, par exemple. Il ne faut pas que nous y mettions toutes nos ressources.

Je pense aussi que l’Alliance sociale devra fournir des explications par rapport à l’environnement. Le gouvernement a-t-il pris, pendant ces derniers quatre ans, en considération les facteurs environnementaux– la dégradation de l’environnement au niveau local et mondial?

Pensez-vous que l’électeur qui ira voter pour les prochaines élections sera le même que lors des précédentes élections?

L’électeur sera plus ou moins le même. Mais c’est vrai que nous ignorons ce qui se passera lors de l’exercice du découpage des circonscriptions. L’Electoral Boundaries Commission travaille actuellement sur un rapport concernant le découpage électoral. Une fois finalisé, ce rapport sera présenté au Parlement. Il sera accepté ou rejeté… Quoique déjà, il y a des réactions purement communales autour de cet exercice. Certains ont fait des propositions à la Commission en tenant compte de l’équilibre communal.

Finalement, nous ne savons pas s’il y aura découpage ou non. Evidemment, entre deux élections, certains jeunes, qui n’ont pas voté lors des dernières consultations, le feront cette fois. Mais, en général, ce sera le même électorat, avec des changements mineurs ici et là.

En parlant du communalisme, est-ce le politicien qui impose son discours sectaire ou est-ce qu’il l’adapte en fonction de l’électeur?

Clairement, les politiciens dans les partis traditionnels se servent de ce réflexe communal et castéiste. Mais ils répondent également aux attentes de l’électorat. A mon avis, ce sont certaines associations communalo-religieuses, représentant des communautés spécifiques, qui exercent une pression. Il existe une sorte de dialectique entre le discours du politicien et ce que ces associations communalo-religieuses créent au sein de l’électorat.

Etes-vous de ceux qui pensent que Navin Ramgoolam et son parti, le PTr, ont déjà gagné les prochaines élections?

Absolument pas. Jusqu’à présent, au niveau des sondages et de l’opinion publique, Navin Ramgoolam et son gouvernement de l’Alliance sociale ont beaucoup profité des faiblesses de l’opposition. Cette dernière n’a pas été en mesure de défier ce gouvernement sur plusieurs sujets. Elle s’est focalisée sur les questions telles: «quelle alliance?» ou «qui sera le prochain Premier ministre?»

Or, lors de la prochaine campagne électorale, l’Alliance sociale devra défendre son bilan, qui n’est pas exactement positif. Il faudra que l’Alliance sociale s’explique sur la démocratisation de l’économie. L’a-t-elle réussi ou a-t-elle fait le contraire? Il faudra qu’elle justifie le recul qu’il y a eu dans le système éducatif. L’ancien gouvernement avait apporté des réformes valables que l’actuel gouvernement a balayées d’un revers de la main. Le gouvernement présent devra faire face à son échec total dans le domaine énergétique. L’Alliance sociale devra répondre sur tous ces thèmes et, à ce moment là, on se rendra compte que les sondages seront un peu dépassés.

Comment est-ce que les partis, tels que Lalit, aborderont les prochaines échéances électorales?

Lalit participe à chaque campagne électorale. Parfois, nous prenons la décision de présenter un candidat, mais ce n’est pas automatique. Vu qu’à Lalit, nous ne nous considérons pas comme un parti électoraliste. Toutefois, les élections représentent le seul moyen d’amener le progrès.
Nous faisons notre travail en permanence. Entre deux élections, nous menons des campagnes. Et lors d’une campagne électorale, nous intervenons parce que les gens sont alors plus intéressés par les débats politiques.

Pour la prochaine campagne électorale, nous allons souligner la nécessité d’une remise en question sur le type de développement qu’il y a eu jusqu’à présent. Par exemple, sur la logique ultralibérale qui nous plonge dans une terrible crise. Nous ferons campagne sur la dépendance de Maurice sur les marchés externes, sur le tourisme et sa fragilité, entre autres. Nous intensifierons notre campagne, que nous menons depuis un certain temps, sur la diversification dans l’agriculture, en mettant l’accent sur la production alimentaire et la nécessité de développer l’industrie agroalimentaire, les sources d’énergie renouvelable telle que l’éolienne ou le solaire.

Mais principalement, nous remettrons en cause le système capitaliste, et susciterons une réflexion sur des économies alternatives. Nous avons déjà un programme, que nous appliquons constamment. Dans notre campagne, nous viserons la création d’un mouvement large et fort pour soutenir notre programme. La décision de présenter un candidat, nous l’envisagerons en temps et lieu.

Finalement, que pensez-vous de l’idée d’un Code de Conduite pour des campagnes transparentes?

Je ne crois pas que le Code de Conduite aura force de loi. Le Code de Conduite ne restera qu’un Code de Conduite. Les Codes de Conduite qui sont respectés en public et ignorés en privé ne sont pas utiles.

A la place, il faudrait que l’Electoral Supervisory Commission (ESC) ait les moyens d’appliquer les lois en vigueur en termes de dépenses électorales. Aujourd’hui, s’il y a une fraude, il faut attendre qu’un candidat aille en Cour pour le dénoncer. Pourquoi l’ESC n’a-t-elle pas les moyens de dire qu’une élection, dans une circonscription donnée, n’est pas régulière? Elle appliquerait alors la loi si, par exemple, les dépenses électorales ont dépassé le plafond permis par la loi. L’ESC pourrait avoir les moyens d’enquêter et prendre les actions nécessaires…

 

Publicité