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Rama Sithanen: «La personne qui dit pouvoir baisser la TVA ment»

18 novembre 2009, 08:08

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Dans cet entretien qu’il a accordé à Radio One, le 17 novembre, Rama Sithanen met beaucoup d’accent sur ce qui a été accompli jusqu’ici. Pas besoin d’être trop volontariste, car il estime que l’Alliance sociale est sûre de gagner les prochaines législatives…

Est-ce que vous vous dites «enfin le jour J», Rama Sithanen?

Oui et non, c’est mon 5ème budget depuis 2005. Et si nous incluons le Stimulus Package que le Premier ministre (PM) et moi-même avions présenté en décembre 2008, ce sera le 6ème budget. Nous avons fait notre travail. C’est la ligne droite, c’est le grand jour où nous exposerons trois volets. Dans un premier temps, le bilan du gouvernement, depuis notre investiture, dans les secteurs de l’économie, du social et de la protection de l’environnement. Ensuite, une analyse de ce nous aurons à faire. Il paraît que la crise est derrière nous et il faut maintenant gérer la reprise. Et finalement, les mesures qui s’imposent pour résoudre les problèmes liés à la reprise et ajuster les problèmes structurels de l’économie.

Résoudre les problèmes, est-ce là les objectifs que vous vous êtes fixés en prenant le portefeuille des Finances? Etes-vous satisfait du travail abattu?

Voyez ce que disent les personnes et les institutions indépendantes, Hillary Clinton, la Banque mondiale, l’Union européenne… Elles sont unanimes: grâce à la réforme de l’économie, grâce à l’Additional Stimulus Package (ASP), nous avons réussi à sortir l’économie d’une situation extrêmement difficile. Je me rappelle de ce que disait l’ancien Premier ministre, l’honorable Paul Bérenger. Il disait que l’économie de notre pays était en état d’urgence, que la crise était sans précédent et la situation dramatique. C’est ce que nous avons hérité dès notre accession au pouvoir en juillet 2005. La croissance était à son plus bas niveau les dettes élevées le déficit très élevé il y avait des surprises un peu partout dans les placards le chômage était en hausse les investissements en baisse et nous étions à la fin d’un cycle économique. Nous avons pris des décisions courageuses et novatrices. Nous avons réussi à renverser la vapeur. Et aujourd’hui, malgré la crise internationale, notre économie se porte mieux, comparée à 2005. La croissance est bonne malgré une situation extrêmement difficile. Nous avons créé 40 000 emplois en quatre ans comparés à 20 000 emplois en 5 ans sous l’ancien régime. Le taux de chômage était de 10%, nous l’avons baissé, mais aujourd’hui, il a légèrement augmenté. L’investissement a augmenté, le Foreign Direct Investment est à Rs 10 milliards par an, comparé à Rs 1 milliard. Pour la première fois dans l’historie de Maurice, notre réserve dépasse les Rs 100 milliards, ce qui représente près de 43 semaines d’importations. Nous avons réalisé un travail remarquable dans le secteur de l’économie. Mais nous avons également fait beaucoup pour le social. Nous avons donné à nos aînés le transport gratuit nous avons restauré la pension universelle pour toutes les vielles personnes nous avons donné aux étudiants le transport gratuit nous avons accordé des subsides de Rs 1,3 milliard pour que les prix de la farine, du pain et du gaz ménager n’augmentent pas 10 000 familles sont devenues propriétaires de leurs maisons CHA nous avons dépensé près d’un milliard de roupies pour les petits planteurs des projets d’irrigation, de préparation de terrains et d’épierrage des champs. Les éleveurs de porcs ont reçu Rs 300 000 chacun pour faire face à leur problème, notamment la fièvre porcine. Nous avons beaucoup fait pour le social. Mais le plus important pour combattre la pauvreté, il faut donner du travail à la population. Nous avons créé 40 000 emplois et aujourd’hui nous nous retrouvons dans une situation où il n’y a pratiquement plus de chômage parmi les hommes. Chez les femmes, il en est autrement puisqu’on a enregistré à peu près 40 000 pertes d’emploi entre 2000 et 2005. Nous avons pu en absorber une bonne partie. Si vous prenez le contexte international, nous avons été malchanceux. Nous avons hérité d’une situation difficile. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, c’était la fin de l’accord multifibre, on nous a annoncé que le prix du sucre allait baisser par 36%. Immédiatement après, c’était l’augmentation des cours des produits pétroliers. Après ce fut au tour des produits alimentaires. Et finalement, c’était la crise financière, la plus grande crise économique depuis 1930. Sept événements qui se sont succédé et qui ont joué contre nous. Malgré tout cela, nous nous sommes défendus. Nous avons sauvé la mise. Aujourd’hui, que ce soit sur le plan économique ou social, nous avons fait d’énormes progrès.

Evidemment, je suis le premier à dire que nous devrons mieux faire pour améliorer la qualité de vie des Mauriciens, plus particulièrement de la classe moyenne et des personnes qui se trouvent au bas de l’échelle salariale. Et là également, nous avons créé la National Empowerment Foundation (NEF). Des dizaines de milliers de nos concitoyens ont bénéficié du soutien de la NEF, que ce soit des femmes, des jeunes ou des chômeurs. Cela notamment dans le cadre de notre objectif d’éradication de la pauvreté extrême. Une des mesures dont je suis très fier, c’est concernant les tous petits. Des enfants âgés de 3–4 ans qui ne pouvaient pas aller à l’école maternelle parce qu’ils étaient pauvres sont aujourd’hui scolarisés. Nous leur avons offert un repas, nous avons sollicité des adultes pour les accompagner et nous leur avons donné du matériel scolaire. Nous avons réussi, à travers la CRS (Corporate social responsability), à faire de sorte que tous les promoteurs d’IRS payent 200 000 roupies par villa, dans le seul but d’aider les pauvres. Que ce soit au Morne, ou dans la région de Flacq.  La CSR a par ailleurs été rendue obligatoire pour toutes les compagnies profitables. Elles consacrent 2%, de leurs profits après taxe au financement de projets de développement social et environnemental. Prenez l’exemple du Decentralised Coorporation Programme où plusieurs personnes à Maurice comme à Rodrigues ont bénéficié de dons. Beaucoup de progrès malgré une situation de crise au niveau international.

C’est un tableau de l’économie florissante mais comment réagissez-vous lorsque les gens parlent d’érosion du pouvoir d’achat? Leurs attentes ne se résument-elles pas à régler les problèmes du quotidien, plus particulièrement l’alimentation qui constitue une bonne partie du budget familial?

C’est la première fois depuis 15 ans que le gouvernement n’augmente pas la TVA ou la Sales Tax. Tous les gouvernements qui se sont succédé l’ont fait. Nous nous sommes refusé de le faire pour la bonne et simple raison que si vous augmentez la TVA, vous affectez la classe moyenne et les personnes pauvres. L’ancien régime l’a augmenté par 50%, passant de 10% à 12% et de 12% à 15%. Nous avons agi différemment sans rallonger la liste des produits frappés par la TVA, cela pour protéger la population. Il faut que vous le sachiez, nous avons enlevé toute la taxe qui pesait sur les denrées de base sur lesquels il n’y a pas de TVA non plus. Nous avons enlevé toutes les taxes possibles, les Customs Duties, les Import Duties. Et sur la majorité des produits de première nécessité, pas de TVA. Nous avons été plus loin pour soulager la difficulté de la population. Nous avons presque doublé les subsides sur la farine pour éviter la hausse des prix de la farine et du pain. La bouteille de gaz ménager coûte à peu près Rs 550, mais vous la payez à seulement Rs 300, car elle est subventionnée par l’Etat. Nous avons donné le transport gratuit aux veilles personnes et aux étudiants. Un père et une mère de famille avec deux enfants scolarisés savent très bien combien ce que cela représente. C’est le gouvernement qui le paie. Nous avons restauré la pension universelle aux personnes âgées. Le nombre de contribuables a baissé par 50%. L’argent reste donc dans votre poche et vous améliorez ainsi votre pouvoir d’achat. Les autres qui payent la taxe ne payent que 15%. Par ailleurs, nous avons amélioré l’Income Support Programme. 100 000 personnes qui recevaient Rs 40 chacun, touchent maintenant Rs 100.
Il y a un équilibre entre le social, l’économie et la protection de l’environnement. Bien sûr, les gens veulent plus. Voyez les propositions qui m’ont été soumises. Evidemment, ils veulent que nous vidions la caisse. Mais la situation sera extrêmement pénible par la suite. Nous devons être responsables. Il faut d’abord créer la richesse pour la partager ensuite d’une façon juste et équitable. Tout le monde doit pouvoir bénéficier de la richesse nationale.

Vous n’avez pas touché à la TVA pendant 5 ans. Pouvons-nous attendre que vous la baissiez maintenant?

La personne qui dit pouvoir baisser la TVA ment.

Les économistes le disent pourtant?

Ils ne comprennent rien. Je vous pose la question. Où trouverais-je l’argent pour payer l’éducation gratuite, la santé gratuite, la pension de vieillesse? Où trouverais-je l’argent pour rembourser les dettes, pour payer les salaires de tous les fonctionnaires, des employés des municipalités, des conseils de districts, et des corps paraétatiques? Où trouverons-nous l’argent pour le logement social, pour protéger l’environnement ? Si vous prenez l’argent que nous dépensons sur l’éducation, sur la santé, sur la sécurité sociale, sur le logement, sur la NDU, sur la police, sur le remboursement de la dette et sur les salaires que nous payons, on est bien en dessous  de ce que nous recevons, comme recettes. Les gouvernements qui nous ont précédés ne l’ont pas fait, mais ils ont fait le contraire. Certaines personnes sont là que pour faire de la démagogie. Pour la première fois, depuis 5 ans, un gouvernement n’augmente pas la TVA.

En réponse à une PNQ sur la compensation salariale, vous parliez d’une politique budgétaire globale. Est-ce qu’une compensation est envisageable? D’où votre rencontre avec le PM?

Je rencontre le PM tous les jours depuis trois semaines. Nous nous entendons à plus de 100% sur tous les sujets.

Nous sommes dans une période de transition, l’année financière allait auparavant du 1er juillet au 30 juin et maintenant elle est du 1er janvier au 31 décembre. Nous sommes à cheval entre deux périodes. Le National Pay Council (NPC) qui s’est réuni cette année a accordé une compensation qui couvre la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010. Ce qui veut logiquement dire que la compensation pour la période janvier à juin 2010 a été déjà décidée par le NPC. L’inflation pour l’année 2009, entre le 1er janvier et 30 décembre, oscille entre 2,7 et 2,8%. Or, la compensation pour les 6 premiers mois a été déjà accordée, alors que l’inflation oscille  entre 1,7 et 1,8% pour les 6 derniers mois de l’année, ce qui est très bas. Plusieurs options s’imposent à nous: La compensation de janvier à juin a été payée. Nous faisons face à un problème de gestion et évidemment à un problème de procédure. Nous annoncerons une décision demain. (Ndlr: cette interview a été réalisée hier après-midi).

Nous entrons dans une année électorale, ne faudrait-il pas faire plaisir à vos électeurs?

Nous bénéficions de trois avantages. Le PM, Navin Ramgoolam, a le vent en poupe. Les Mauriciens le veulent à la tête du pays pour les 5 ans à venir. L’Alliance Sociale est forte. L’opposition, quant à elle, est en désarroi et très faible. Tous sont unanimes à dire que nous avons su gérer la crise d’une façon remarquable et nous n’avons pas payé cher en termes de déficits et de dettes. Comme l’a dit le PM, la semaine dernière, nous retournerons au pouvoir à l’issue des prochaines élections législatives. C’est une certitude. Pourquoi alors hypothéquer l’avenir par des largesses injustifiées. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation difficile parce que nous  n’avons pas été responsables dans la gestion de l’économie.

Vous l’avez dit, vous retournerez aux affaires, il n’est donc pas nécessaire de faire plaisir aux Mauriciens?

Nous allons être responsables et comme l’a dit le PM, nous remporterons les prochaines législatives mais nous devons être responsables. Nous ne pouvons pas nous piéger avec une bombe qui nous éclatera à la figure.

Vous êtes conscient que la population s’est serrée la ceinture pendant 5 ans?

C’est vous qui le dites. Toutes les mesures que nous avons prises nous ont coûté cher. Aucun gouvernement n’a investit Rs 5 milliards dans un Empowerment  Programme pour les personnes pauvres. Je comprends que le quotidien des citoyens doit être amélioré, mais il faut être responsable. Tout ce que nous sommes en train de dire, c’est que contrairement à l’ancien gouvernement, nous avons beaucoup fait pour l’économie et le social. Toutefois, vous le savez, on ne fait jamais assez pour aider les gens en difficulté. On ne fait jamais assez pour les sortir de cette situation où ils pensent qu’ils doivent avoir plus, à vrai dire, c’est une bonne aspiration.

Concernant le Stimulus Package, le secteur privé parle d’un retrait en douceur. Etes-vous en position de pouvoir l’enlever aujourd’hui?

Nous le dirons le mercredi 18 novembre. Nous avons beaucoup écouté. Il faut savoir que le SP implique beaucoup de mesures. Nous nous retrouvons dans une situation où il faut faire l’équilibre entre la crise qui est apparemment derrière nous, et la reprise qui s’annonce timide, lente et molle. Il faut donc arroser la reprise, la soutenir pour créer l’emploi et pour pouvoir protéger la population comme nous l’avons dit. Nous devons soutenir le SP qui coûte beaucoup d’argent. Nous devons également baisser la taxe, augmenter les dépenses et aider les entreprises directement. En conséquence, la dette et le déficit augmentent, et le problème quand il y a trop d’argent en circulation, c’est l’inflation. Prenez l’exemple de l’Angleterre: leur déficit, leur dette ont augmenté. Si nous faisons de même, ce sont nos enfants et nos petits enfants ou la génération future qui devra payer.  Donc nous devrons faire l’équilibre entre ces deux situations.  Continuer à arroser la croissance pour créer l’emploi et aider la population et être responsable dans la politique du déficit budgétaire et de la dette.

Que dites-vous à vos détracteurs qui vous accusent de ne pas mener une politique à visage humain?

Je trouve étrange que les gens qui sont nés riches, qui ne travaillent pas, et qui vivent heureux, viennent me montrer ce que c’est le social. Je méprise et dédaigne ces gens-là. Et jamais un gouvernement n’a autant travaillé pour le social que ce présent gouvernement. Pourquoi n’ont-ils pas introduit la CSR obligatoire? Les slogans creux viennent de ces personnes qui ne défendent que leurs intérêts personnels. Je ne perdrais pas mon temps avec les personnes qui font dans la démagogie.

Voir l''''interview de Jean-Luc Emile.

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