Publicité

Rama Valayden : «L’amateurisme a tué la réputation de l’île Maurice»

17 juillet 2012, 06:22

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

L’homme de loi et ex-Attorney General estime que la police devrait dépendre d’un ministère à plein temps. Il s’élève fortement contre toute possibilité d’éliminer le système de jury.


? Que doit-on faire pour que la brutalité policière cesse ?

Il faut instituer une culture des droits humains. Dans la majorité des cas, on croit que la violence résout les problèmes. Nous avons partout un degré de violence très élevé. Nous avons, dans notre vocabulaire, beaucoup de jurons. Il n’y a pas beaucoup de pays qui ont été formés sur l’esclavage et l’engagisme, les deux plus grandes brutalités physiques contre la personne humaine. Il y a un gros travail sociologique à faire sur cette question. Nos institutions sont encore faibles, même celles qui ont été mises en place pour combattre ce genre d’excès. Ensuite, les gens dans des positions de décision se prennent pour des misie konn tou. Zot ki omniscient.

? Quid de la police ?

Oui, il y a aussi la police. Il y a une culture de solidarité qui, dans un système centralisé à outrance et discriminé, fait que personne ne peut parler. Et là où il y aura le silence et l’obscurité, ces mauvaises pratiques sont nourries et renforcées. Il y a beaucoup qui pensent que pour avoir des informations, il faut faire usage de la violence. Il y a également une culture d’impunité. Après l’affaire Azie, il n’y a pas eu de leçons tirées. Dans l’affaire Harte, les policiers disent qu’ils ont la conscience claire. Cela veut dire quoi ? Même Hitler avait une conscience claire.

? Après le verdict, qu’attendez-vous des autorités ?

J’attends une véritable réforme de la police. Elle doit avoir un syndicat. Il faut former les policiers dans le cadre des droits humains, mais aussi scientifiquement. Je peux continuer ainsi. Mais est-ce que tout cela sera mis en pratique ? Je suis conscient que nous avons un mur devant nous. S’il y a un crime demain, les gens ne réagiront pas avec des principes. L’amateurisme a tué la réputation de l’île Maurice.

? La National Human Rights Commission (NHRC) sera réformée…

Mais si la NHCR ne peut faire d’enquête sur les cas en cours, cela ne vaut pas la peine. Voulons-nous vraiment un pays des droits humains ou un Singapour bâtard ? Avec tout ce qu’il y a de mauvais. On est en train de «singapouriser» notre système, jusqu’à notre judiciaire.
La force de Maurice, c’est sa démocratie. Maintenant, on veut éliminer le jury. Alors qu’il nous a montré qu’il y a des choses qui ne marchent pas. C’est le rejet à 9-0 d’un système. Est-ce qu’on veut vraiment en tirer des leçons ? Je ne crois pas. Nous gérons un état de crise en pensant que cela passera. Cela aurait dû se faire dans le cadre d’un débat démocratique et pas revu en fonction d’un damage limitation exercise. Il n’y a rien de profond.

? Vous avez critiqué la Mauritius Crimes Investigation Team et le Police Complaints Bureau…

Le problème est plus profond. Il y a un malaise au niveau de la police. Il n’y a pas de promotion de manière transparente, il y a des examens sans syllabus… Mais encore une fois, on fera du wall papering. La NHRC n’est pas fonctionnelle. Ce n’est pas normal qu’on reste à la tête d’une institution pendant aussi longtemps.

? Depuis des années, on parle de filmer les interrogatoires, mais cela n’est pas encore une réalité. Pourquoi, selon vous ?

Ce ne sera pas la solution miracle. Cela diminuera les formes de brutalité. On n’a pas eu assez de volonté politique et au niveau des institutions pour le faire. On est tous en train de faillir.

? Quelles sont les institutions faibles dont vous parlez ?

Nous ne tirons pas les leçons. Beaucoup sont dans leurs périodes de dentition. L’Independent Commission against Corruption, l’Equal Opportunities Commission… Même pour l’Audit, on aurait dû avoir un rapport, après trois mois, pour savoir ce qui s’est passé. C’est pour ça que je me suis retiré car ce genre de propos dérange les intérêts privés d’une clique qui a des ramifications un peu partout.

? Il y a eu beaucoup d’allégations de brutalité policière, mais les coupables n’ont jamais été trouvés…

Si, on connaît les coupables. Mais on n’a pas voulu prendre de sanctions. Des cas sont devant la Cour. Mais il n’y a pas de volonté. La police doit devenir un ministère à plein-temps. Elle ne peut plus être centralisée. Il faut de la transparence. Et il faut instituer un Select Committee, comme c’est le cas pour l’ICAC, au niveau de l’Assemblée nationale. Mais savez-vous qu’en ce moment ils n’ont pas d’uniforme, de chaussures ?

Propos recueillis par Michel CHUI CHUN LAM

 

Publicité