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Razack Peeroo : « Dès que l’intégrité d’un ministre est remise en question, il doit démissionner »
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Razack Peeroo : « Dès que l’intégrité d’un ministre est remise en question, il doit démissionner »

? La cour en Inde n’a pas hésité à donner son opinion sur une affaire de corruption impliquant le ministre indien des Télécommunications. Or, à Maurice, le judiciaire ne s’implique pas. Qu’en est-il ?
Quand le judiciaire donne son opinion à l’exécutif, il est en train de lui dicter et il n’a pas le droit de faire cela. Ce à quoi vous faites référence n’est pas une règle générale mais un principe d’exception. Ce qui est plus dans la norme, serait l’activisme judiciaire, où un juge fait des commentaires, identifie des lacunes dans la loi mais dans le cadre d’un jugement rendu.
? Donc, un citoyen ne pourrait pas contester une décision de l’exécutif ?
Si c’est une décision administrative, le contribuable devrait pouvoir questionner cette décision. Son locus standi devrait être le fait qu’il paie des impôts. Malheureusement, ici la Cour suprême décourage cette pratique.
Personnellement, je pense qu’un citoyen dans un état démocratique, qui finance le gouvernement à travers ses impôts, devrait pouvoir contester une décision de l’exécutif par voie de Judicial Review.
? Pensez-vous que la cour craint que les gens abusent de ce pouvoir ?
Peut-on détruire un droit fondamental juste par ce qu’un ou deux fous abuseront de ce pouvoir ? C’est un prétexte facile. Il y a des garde-fous contre des demandes farfelues.
? Quel serait alors le recours du citoyen qui, par exemple, veut que lumière soit faite sur l’affaire «MedPoint» mais qui ne fait pas confiance à l’ICAC ?
(Silence…) Nous avons beaucoup de leçons à apprendre de l’Inde. Ils ont un judiciaire qui a un courage extraordinaire... Laba lot sa.
? Vous voulez dire qu’ici notre judiciaire n’a pas de courage ?
Je ne dis pas cela. Je ne dis rien. (Silence) Je suis d’accord sur le principe de séparation des pouvoirs. Le judiciaire ne peut pas s’ingérer dans les affaires de l’exécutif.
? Dans ce cas, comment fait-on pour rendre le pouvoir «accountable» ? Est-ce que la seule façon de faire est que l’opposition pose des questions au Parlement ?
(Hausse le ton…) Mais où voyez-vous l’accountability à Maurice ? Qui rend des comptes ici ? Le principe de rendre des comptes au peuple n’est qu’une théorie !
? Mais que dit la loi ?
Il n’y a pas de loi. C’est politique. Quand on a pris des engagements envers le peuple, on a la responsabilité de lui rendre des comptes. Mais, à Maurice, il n’y a pas de bipolarisation des partis.
Avec ce système politique dans lequel tous les partis ont été en alliance ensemble et que l’opposition ne veut que rejoindre le gouvernement, la démocratie et le système démocratique du pays s’en sont trouvés faussés. Où voyez-vous un gouvernement alternatif à Maurice ? Il n’y en a pas ! Le système démocratique westminstérien n’existe pas à Maurice. En Angleterre, oui puisque ce sera soit les travaillistes, soit les conservateurs au pouvoir jamais les deux ensemble. Ici, tout est basé sur le pouvoirisme.
Avez-vous déjà vu un politicien démissionner sur une question de principes ?
? Je vois des politiciens qui font face à toutes sortes d’allégations et qui font comme si de rien n’était !
Vous savez, ce que c’est que d’avoir des principes ? Du moment où l’intégrité, où la crédibilité d’un parlementaire est remise en question, il doit step down. Ce n’est pas la personne qui compte, mais la fonction. Je le dis en tant qu’ancien ministre qui a pratiqué ce qu’il prêche. Dès qu’il y a une brèche dans la confiance qui lie un représentant au peuple, le parlementaire doit se retirer.
? Le Premier ministre répète depuis un moment que dès qu’il y a un «prima facie case» sur un de ses ministres, il lui demandera de démissionner… …
C’est vrai.
? Le principe ne devrait-il pas être celui que vous avez expliqué plus haut ? Que puisque l’ICAC enquête, les ministres concernés devraient «step down» en attendant la fi n de l’enquête pour ne pas l’entraver ?
Cette décision aurait dû venir de la personne elle-même. On n’attend pas une invitation pour step down. On le fait volontairement parce qu’il y a une enquête.
? Mais si la personne en question n’a aucun sens de l’éthique, le Premier ministre n’aurait-il pas dû lui demander de partir ?
(Hésitations…) Le Premier ministre ne peut pas prendre de décisions à la place de la personne puisqu’il existe la présomption d’innocence.
Mais, pour moi, en politique cette présomption n’existe pas.
? Donc, suivant votre logique, entre deux élections, un gouvernement peut faire ce qu’il veut et la presse et l’opinion publique peuvent crier tant qu’elles veulent mais elles ne pourront rien contre la décision ? Où voyez-vous le peuple en train de crier ?
Nous avons un peuple indolent. L’on aurait cru qu’en donnant l’éducation gratuite au peuple mauricien, il aurait élargi son horizon, qu’il aurait réagi. Ici, c’est comme regarder le film Three Idiots : «All is well…» (Sourire béat.)
? Quelle est votre opinion sur l’ICAC ?
Que dire de l’ICAC si ce n’est qu’un groupe parlementaire le contrôle ? Une institution comme l’ICAC aurait dû être indépendante à 100 %. Il faut changer la loi et donner son indépendance totale à l’ICAC.
? Vous ne lui faites pas confiance ?
Disons que cela me donne à réfléchir.
Vous savez quel genre d’enquête l’ICAC fait ? Un couple dont l’époux vendait du poisson, a économisé Rs 750 000 durant toute sa vie, pour acheter un lopin de terre.
L’ICAC est en train de les poursuivre par ce qu’ils ont fait une transaction en cash de plus de Rs 500 000. C’est cela l’ICAC. Il n’y a pas de filets pour les requins, seulement pour les petits poissons.
 
Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
 
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