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Razack Peeroo, speaker de l’assemblée nationale : «raffiner le kreol avant de l’introduire au parlement»
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Razack Peeroo, speaker de l’assemblée nationale : «raffiner le kreol avant de l’introduire au parlement»

Le nouveau « Speaker », Razack Peeroo, affirme que dans l’exercice de ses fonctions, il ne sera redevable envers personne, ni même celui qui l’a mis à ce poste. Chaque député, dit- il, est un représentant du peuple et devra être traité avec respect. Il assure que les règles de l’Assemblée nationale seront appliquées à tous de la même manière.
L’on avait cru que vous aviez fait vos adieux à la politique. A quoi doit- on votre retour à l’Assemblée nationale ?
Quand j’ai entendu dire que mon nom était cité pour le poste de Speaker , je me suis dit, pourquoi pas ? Pour moi, être Speaker n’a rien à voir avec la glorification personnelle. C’est une façon pour moi de servir. Un Speaker dirige les débats parlementaires en respectant les droits de tout le monde à l’Assemblée.
Car un député, qu’il soit de l’opposition ou du gouvernement, est un représentant du peuple et c’est le peuple qui s’exprime à travers lui. Un Speaker protège la démocratie à travers les débats démocratiques.
Le « Speaker » n’étant, lui- même, pas un élu, est- ce que cela ne lui enlève pas la légitimité de « contrôler » les représentants du peuple ?
Le problème avec un Speaker élu est qu’il ne peut plus s’acquitter de ses responsabilités envers ses mandants. En outre, un Speaker élu appartient à un parti comme député il a en tant qu’élu d’un parti au pouvoir, une certaine faiblesse, car il est redevable envers son parti. Mais, un député non élu, même s’il a été politicien comme moi, n’aura pas d’excuse pour ne pas être juste. Il doit impérativement être reconnu comme une personne juste.
Vous avez fait de l’impartialité, votre thème, mais malgré le fait que vous n’appartenez plus à un parti politique, c’est le Premier ministre qui vous nomme. Est- ce que cela ne vous rend pas redevable envers lui ?
N’oubliez pas que c’est l’Assemblée qui m’a élu à l’unanimité.
Pas à l’unanimité, puisque le MMM a choisi de ne pas assister à votre élection !
Ils n’étaient pas à l’Assemblée à ce moment- là, mais lors de leurs discours sur le budget supplémentaire, ils ont fait savoir qu’ils soutenaient mon élection. Ils ont dit ce qu’ils pensaient à la presse. Et cela m’a fait très plaisir d’avoir été élu par les membres des grands partis, de même que ceux des partis de minorité.
Je peux vous dire que je ferai de mon mieux pour que chaque membre de cet auguste Assemblée ait l’occasion de nous faire entendre la voix de l’électorat.
Pour moi, la démocratie est sacrée. Ce principe doit transcender les clivages de la politique partisane.
Question taboue : quand le « leader of the house », c’est- à- dire le Premier ministre, dépasse les bornes, allez- vous le reprendre ?
Je viens de vous dire que je considère tous les membres de l’Assemblée comme des égaux, puisqu’ils représentent, à part égale, la population du pays. J’appliquerai les règles selon ce principe. Je suis responsable envers l’Assemblée nationale, dont les membres sont élus démocratiquement. Je suis le serviteur de l’Assemblée.
Même si vous pourriez être mal vu par le Premier ministre ?
Quand on est Speaker , ce n’est pas une question d’être bien vu ou mal vu par quiconque. Il s’agit de faire fonctionner l’Assemblée, de permettre le débat et de le faire de manière juste et équitable, selon les Standing Orders de l’Assemblée nationale. Et s’il faut prendre une décision à l’encontre de n’importe quel membre, il faut que celle- ci soit prise dans le fair-play et en son âme et conscience. Et, si une décision est prise pour le bien d’un débat démocratique, il ne devrait pas y avoir de problèmes.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a eu beaucoup de frustration ces derniers temps chez l’opposition, puisque les ministres et même le Premier ministre ont tendance à ne pas répondre quand ils sont embarrassés…
Il ne faut pas mal comprendre les responsabilités d’un Speaker . Il est un arbitre il est là pour régler le jeu démocratique à l’Assemblée. Selon des principes parlementaires bien établis, le Speaker n’a pas son mot à dire sur les responsabilités des ministres et députés.
L’amoureux de la démocratie que vous êtes n’est pas chagriné quand il constate que tous ne jouent pas le jeu de la démocratie ?
( Hésitations…) Je ne suis pas là pour juger. Le Speaker n’a pas le droit de se mêler des raisons qui poussent des membres à ne pas répondre et encore moins des réponses elles- mêmes.
Mais si un « Speaker » réalise qu’un ministre est en train d’éviter une question, il peut permettre des questions supplémentaires de l’opposition pour que ces derniers essaient de tirer les vers du nez du ministre ?
Naturellement, il faut donner l’occasion à tout le monde de poser des questions, mais il est très important de ne pas aller au- delà des Standing Orders. Si la question est pertinente au sujet évoqué, je ne vois aucun problème, mais on ne peut pas se servir d’une question pour des raisons bassement politique.
Une question parlementaire n’est pas l’occasion de dire n’importe quoi. C’est une quête d’information. C’est aussi une façon de faire bouger les choses car, quand on pose une question parlementaire, on donne l’impression qu’une certaine action est nécessaire. Voilà les deux principes à la base d’une question parlementaire et aussi longtemps que les questions vont dans ce sens, le membre aura la protection du Speaker .
Si le « Speaker » ne peut rien faire, en l’absence du « Freedom of Information Act », le Parlement reste le seul forum où des réponses peuvent être obtenues. C’est quand même dommage que certains ne jouent pas le jeu, non ?
Que chacun assume ses responsabilités.
Vous remettez les pieds au Parlement après 12 ans. Que pensez- vous du niveau des débats ?
Ce ne serait pas juste de porter un jugement, je n’ai eu l’occasion de présider qu’une seule séance jusqu’ici ( NdlR, l’entretien a été réalisé jeudi) et je suis satisfait. Vous savez, quand j’étais backbencher ou même ministre, je prenais l’habitude de me rendre régulièrement à la bibliothèque de l’Assemblée pour lire les discours des grands parlementaires mauriciens c’est beau et cela ne peut qu’enrichir le député. Cela donne une idée du type de débats qu’on avait à l’époque et surtout comment débattre à l’Assemblée.
Maurice a eu de grands parlementaires.
C’est ce que vous recommandez aux jeunes députés ?
Oui, je le leur suggère. Il faut lire beaucoup. Pas que les débats, mais il faut savoir ce qui se passe ailleurs, sinon l’on se renferme sur soi. La politique n’est pas qu’une question de se mettre sur un camion et de dire des choses. Pour devenir un parlementaire avisé, il faut lire beaucoup.
Mais l’observateur avisé que vous êtes, sait très bien que les députés que nous avons n’ont pas le même calibre !
Je ne peux pas dire cela. Nous avons de très bons politiciens, même s’il est vrai qu’il y a des choses qui ont changé. C’est cela la démocratie, c’est le peuple qui décide.
Mais je crois que cela ne fera pas de mal aux membres d’apprendre à être de bons parlementaires.
Il y a eu beaucoup de débats sur l’introduction du kreol au Parlement. Qu’en pensez- vous ?
Je vois le sens de la proposition puisque je conçois qu’il y a des gens qui ont des difficultés à s’exprimer en français ou en anglais.
C’est comme en Cour, quand des témoins s’expriment en kreol.
Selon moi, le danger d’utiliser le kreol au Parlement – je préfère le terme « morisyen » – est que la langue elle- même n’est pas bien défi nie, bien rodée. C’est une langue qui facilite le dérapage, peut- être à cause de son origine, car elle s’est développée dans la résistance. Il faudrait peut- être raffiner la langue avant de l’introduire au Parlement.
Vous avez été nommé « Speaker » à un moment politiquement très intéressant et vous présiderez sûrement bientôt les débats sur la réforme électorale et la II e République…
Je ne suis pas au courant de tout cela. Ce qui m’intéresse, c’est le bon fonctionnement de l’Assemblée. Je laisse la politique aux politiciens. Le Speaker n’est pas politicien. ( Rires…) Je suis l’arbitre, je regarde le jeu, I don’t score.
Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
 
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