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René Leclézio : « Il y a une surcapacité dans les centres commerciaux actuellement »

7 novembre 2011, 09:29

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Le directeur de Promotion et Développement estime que 2012 va être une mauvaise année pour les centres commerciaux. « Les milliards d’investissements réalisés dans ce secteur vont commencer à être absorbés vers 2013 ou même 2014 », estime-t-il.

Vous qui êtes un pionnier dans la gestion des « shoppings centres de luxe » avec le Caudan Waterfront, comment voyez-vous l’emergence de centres de shopping et autres ‘’mall’’ dans tous les champs de cannes ?

Il faut savoir tout d’abord que pour ce genre de shopping centre, la barre de viabilité est haut placée : chaque roupie d’investissement pour faire ces complexes doit générer une roupie de ventes effectives.

Si nous investissons Rs 10 milliards dans de tels centres, cela doit rapporter Rs 10 milliards de ventes dans les trois prochaines années. A Maurice, il y a Rs 75 milliards de ventes au détail environ chaque année en très peu de temps, nous avons investi dans environ 15 % de la surface de ventes.

Cela dit, le commerce de proximité n’est pas mort pour autant. Il y aura encore une cohabitation des grandes surfaces et des boutiques de quartier pour pas mal d’années encore.

Le pouvoir d’achat moyen des Mauriciens est encore faible. Pour le moment, il y a une surcapacité au niveau de l’offre, mais ce n’est pas insurmontable.

Si Bagatelle absorbe 5 % des ventes à Maurice ce ne sera pas dramatique. Ils ont l’air de comprendre le marché. Avec leurs nouvelles enseignes, on ne sait pas comment cela va marcher. Il y aura beaucoup de compétition durant de nombreuses années encore.

Pensez-vous que le pouvoir d’achat des Mauriciens tels qu’il est actuellement pourra rendre tous ces centres économiquement viables ?

A un moment donné, oui. Pour le moment, il y a une surcapacité. Cela marche comme pour l’immobilier. Il appartient aux banques de freiner leurs investissements dans ce secteur. Et puis cela va repartir.

Un projet immobilier ou commercial prend trois à quatre ans pour voir le jour. C’est à ce moment-là qu’on constate la surcapacité. L’immobilier – je parle des murs uniquement – est un des marchés les plus compétitifs qui soient.

Pour ce qui est de la bouffe, l’essentiel c’est d’arriver à différencier les commerces et les marques.

Quand on voit la faillite de certains centres commerciaux, on se pose néanmoins des questions…

La différenciation entre les centres qui marchent et d’autres qui périclitent est une question de temps. Cela dépend des commerces. 2012 va être une mauvaise année. Les milliards d’investissements réalisés dans ce secteur vont commencer à être absorbés vers 2013 ou même 2014.

Je prédis que nous allons devoir vivre avec une surcapacité dans ce domaine pour trois ans au mois. Le pouvoir d’achat des Mauriciens doit augmenter pour pouvoir absorber toutes ces nouvelles offres. A condition qu’il n’y ait pas de nouveaux développements d’ici là. Et, à ce titre, il faut que les banques revoient leurs stratégies et élargissent leur loan book vers d’autres secteurs.

Pour ce qui est de la faillite de certains centres, il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu : les facilités d’accès, le parking. Une stratégie de proximité n’est pas en opposition avec les grands centres. On a vu que cela marche en Amérique avec Walmart qui s’est implanté là où personne d’autre ne voulait aller. Toutes proportions gardées, cela a été la même stratégie de proximité qu’a jouée Winners.

Tous ces petits magasins de proximité permettent au bout du compte de développer une grosse centrale d’achat qui permet d’obtenir les meilleurs prix. C’est une stratégie opposée à la création d’une méga structure qu’on souhaite transformer en un village artificiel.

En 1996, quand on avait ouvert le Caudan, les gens disaient que cela ne marcherait pas. On avait pourtant des atouts : être situé en plein centre de Port-Louis et en bord de mer.

Est-ce que ces développements dans le domaine du shopping sont un début de concrétisation de l’idée de faire de Maurice un paradis du shopping hors-taxe ?

Je ne sais pas, ou plutôt, je n’en suis pas sûr. Selon les statistiques officielles, les touristes ont acheté pour Rs 5 milliards de marchandises hors du circuit hôtelier. Ce n’est pas cette goutte d’eau qui fera de Maurice un paradis du shopping. On est loin du compte.

Pourquoi les gens viendraient à Maurice pour faire du shopping ? Johannesburg, Dubaii, Singapour ou Kuala Lumpur sont des hubs. Pas Maurice.

Quel modèle de développement économique préférez-vous : celui qui passe par l’industrie et l’exportation ou celui des services ?

L’industrie avait bien marché à un moment où il fallait créer des jobs pour des gens sans qualification. Mais l’avenir de Maurice est maintenant dans les services. L’ouverture au savoir-faire étranger est essentielle pour l’avenir de notre pays.

Il y a un excellent article dans le Financial Times qui explique pourquoi les jobs perdus dans l’industrie américaine sont perdus pour toujours. En Chine, une armée de travailleurs est disposée à travailler pour deux dollars par heure (Rs 30 par heure, soit Rs 240 pour une journee de huit heures). Des millions d’autres sont disposés à travailler pour 64 cents seulement (Rs 20 environ).

Propos recueillis par Stéphane Saminaden

 

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