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Roubina Juwaheer : « Rendre l’université entrepreneuriale »
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Roubina Juwaheer : « Rendre l’université entrepreneuriale »

Le triumvirat chargé de gérer l’université de Maurice (UOM) est désormais au complet avec l’arrivée imminente de Roubina Juwaheer comme pro-vice chancelière à la tête du département de Planning et Ressources. Une «business-like approach», c’est ce dont elle veut pour l’UOM.
Le 1er avril est une date mémorable pour Roubina Juwaheer. Car c’est un 1er avril qu’elle a fait son entrée à l’UOM en tant que chargée de cours de marketing. C’était il y a 23 ans. C’est aussi mardi, et toujours un 1er avril, que cette professeure agrégée prendra ses fonctions en tant que pro-vice chancelière, responsable du département Planning et Ressources, en remplacement du démissionnaire britannique Paul Currant. «Non, je ne jetterai pas l’éponge au bout de six mois !», réplique-t-elle en riant. «J’ai bien l’intention de rester», affirme cette Vacoassienne de naissance, qui a fêté ses 47 ans jeudi.
Roubina Juwaheer est la troisième fille des cinq enfants de feu Prem Hurrynag, enseignant d’histoire et ancien directeur adjoint au Mahatma Gandhi Institute (MGI). Il croyait en l’éducation de ses filles et les a poussées à aller plus loin dans leurs études supérieures. C’est ainsi qu’il a orienté son aînée, portée pour les sciences, vers l’enseignement de la biologie, sa cadette Bélinda vers la Library Science, filière pourtant peu connue à l’époque et qui a fait d’elle aujourd’hui la responsable de la Bibliothèque nationale.
Quant à sa benjamine Roubina, après avoir complété des études secondaires en comptabilité, économie et littérature anglaise au MGI, elle obtient une bourse indienne et décroche une licence en commerce auprès de l’Université de New Delhi. Dès qu’elle termine, elle veut rentrer. Son père l’encourage à rester et à faire une maîtrise car à l’époque, les détenteurs de maîtrise sont rares à Maurice. Elle l’écoute et décroche un Master in Business Administration avec spécialisation en marketing. «Dans les modules proposés, il y avait le tourisme et ce secteur en plein essor à Maurice m’intéressait beaucoup.» Son mémoire de maîtrise porte sur les moyens d’améliorer le climat des affaires entre l’Inde et Maurice.
C’est en juillet 1990 qu’elle regagne l’île dans l’espoir de trouver de l’embauche dans le marketing. En attendant, elle s’occupe en acceptant un stage à la Union Bank devenue depuis Bank One. Elle n’y reste pas longtemps ayant décroché un emploi d’assistante administrative auprès du gouverneur de la Banque de Maurice. Au bout de quatre mois, elle fait acte de candidature lorsqu’elle voit des communiqués de l’UOM cherchant des chargés de cours en gestion/marketing. Elle ignore si l’enseignement lui conviendra. Ce qui lui fait accepter le poste proposé au départ, c’est la possibilité de faire son doctorat.
Roubina Juwaheer n’oubliera jamais son premier cours au niveau du diplôme en marketing et dispensé aux étudiants à temps partiel. «C’était tous des hommes plus âgés que moi, qui avaient déjà la pratique de l’industrie et qui posaient des tas de questions.» Ce qui joue en sa faveur, c’est le fait que ses professeurs d’université en Inde avaient tous étudié dans des universités américaines comme Harvard et Stanford et lui avaient transmis leur rigueur dans la préparation de ses cours. Bien vite, elle se découvre un amour pour l’enseignement.
En 1992, elle épouse Kiran Juwaheer, directeur général de Shell Mauritius, rebaptisée Vivo depuis 2006. Elle s’investit beaucoup au niveau professionnel et à ses cours de marketing pur, s’ajoutent le marketing en tourisme, la qualité du service dans le secteur touristique et la communication en marketing et publicités. Elle fait aussi de la recherche, notamment sur la qualité du service dans l’industrie de l’hospitalité et en marketing écologique. Peu après, Kiran Juwaheer est muté en Tunisie et Roubina qui est déjà mère d’un fils, prend un congé sans solde pour l’accompagner. Elle en profite pour faire sa proposition de recherche doctorale en analyse de la qualité du service dans les hôtels à Maurice.
Lorsque les Juwaheer regagnent le pays un an plus tard, Roubina reprend ses cours et interroge les hôteliers de 22 établissements aux différentes étoiles, ainsi que les touristes. À l’époque, ces derniers trouvent que la seule chose qui fait défaut à Maurice est une gestion environnementale saine sous forme de traitement d’eaux usées et de recyclage. Des changements en ce sens sont intervenus dans l’industrie depuis, précise Roubina Juwaheer, qui est nommée Senior Lecturer en l’an 2000. Cette année-là est aussi celle d’un nouveau déménagement outre-mer, c’est-à-dire au Kenya cette fois, car son mari y est muté. La famille s’est agrandie avec l’arrivée d’un autre fi ls et d’une fille. Elle met deux ans à consolider la rédaction de sa thèse qu’elle soumet à son retour au pays en 2002.
Le système d’évaluation étant ce qu’il est à l’UOM, c’est en 2004 qu’elle obtient son doctorat. L’année suivante, elle est nommée chef du département de Management pour deux ans. Très prolifique au niveau de la recherche, avec notamment une importante étude sur la qualité du service dans les hôpitaux en comparaison avec celle offerte par les cliniques, elle se fait publier à l’international par plusieurs revues spécialisées, tant et plus qu’elle décide de faire acte de candidature pour obtenir l’agrégation de professeure. C’est chose faite en 2005.
Trois ans plus tard et en raison de sa séniorité, Roubina Juwaheer est nommée doyenne de la faculté de management jusqu’à 2011. Si grimper dans la hiérarchie universitaire lui donne moins de temps pour enseigner, elle trouve le moyen de poursuivre ses recherches. En 2010 et 2011, deux occasions se présentent à elle et vont lui permettre par la suite de briguer le poste de provice chancelière responsable du Planning et Ressources, à savoir, la formation qu’elle a suivie en «Financial sustainability for higher education institutions» à Trinité et Tobago et ses trois mois de direction du Regional Multi-Disciplinary Centre of Excellence, bureau régional financé par l’Union européenne et destiné à assurer des formations sur l’intégration régionale en Afrique. «Déjà en 2010, lors de cette formation à Trinité et Tobago, il était requis des instituts d’enseignement supérieur qu’ils cherchent à autofinancer une bonne partie de leurs recherches. En sus de cela, mes trois mois dans le bureau régional d’Ebène m’ont fait côtoyer des hauts cadres de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international et à me familiariser au climat des affaires, à la gestion financière, à la facilitation des échanges commerciaux et à la façon de développer des projets dans l’optique d’obtenir des financements.»
C’est donc forte de son expertise et de toutes ces expériences qu’à la démission de Paul Currant en tant que pro-vice chancelier, elle décide de faire acte de candidature et elle est choisie. Sachant que ses nouvelles responsabilités ne seront pas de tout repos, Roubina Juwaheer se sent malgré tout prête à relever le défi . «Je sais que ce sera dur parfois mais je me sens suffisamment préparée pour y arriver.» Elle privilégiera la gestion participative. «Il faut vraiment promouvoir l’esprit d’équipe entre professionnels. Chaque manager de département sera encouragé à donner son avis et j’accepterai même qu’on agree to disagree mais à la fin, c’est moi qui trancherai.P»
S’il y a une chose qu’elle ne tolérera pas, c’est qu’on salit la réputation de l’UOM. «Lors de mes différents déplacements à l’étranger et même à Maurice, j’ai pu mesurer à quel point l’UOM jouit d’une très bonne image. Nous devons capitaliser dessus. Malgré nos hauts et nos bas, je ne vais pas accepter que l’on parle mal de cette institution. La vice-chancelière, le pro-vice chancelier Academia et moi avons été doyens presque en même temps et nous nous donnons trois ans pour améliorer tout ce qui doit l’être à l’UOM. Le conseil donne le ton des axes à développer et nous gèrerons. Nous ferons du strategic rethinking et nous viendrons avec des projets phares. Ce que je peux vous assurer, c’est que de mon côté, je me battrai pour trouver des financements et faire en sorte que l’UOM ait une business-like approach comme toutes les plus grandes universités au monde. Les fonds existent et les bailleurs de fonds sont prêts à financer. Mais cela doit être un win-win situation…»
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