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Sada Reddi: « La majorité des descendants de coolies n’accordent pas d’importance à cette date»

2 novembre 2009, 08:44

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L’historien répond à nos questions dans le cadre du 175ème anniversaire de l’arrivée des travailleurs engagés ou coolies à Maurice, commémorée le 2 novembre.

Quelle est l’importance de cette commémoration, selon vous?

Les laboureurs indiens ont posé les pieds sur l’île en petits groupes– en 1825, 1829, 1830, 1831… Mais le 2 novembre 1835 est symbolique parce que la Commission d’enquête a commencé à compiler les arrivées à partir de cette date.

Plus de 450 000 travailleurs sont arrivés d’Inde entre 1834 et 1920. Ils ont pris le bateau de trois ports, celui de Bombay, de Calcutta et de Madras, pour venir à Maurice. Ils ont débarqué à l’Aapravasi Ghat à Port-Louis. Ces coolies étaient payés pour leur travail. Ils pouvaient aussi acheter des biens.

Pourquoi les Anglais avaient-ils besoin de ces travailleurs?

Ils sont arrivés avant même l’émancipation des esclaves. Premièrement, les propriétaires d’établissements sucriers d’alors anticipaient l’abolition de l’esclavage. Ils prirent la précaution de faire venir des laboureurs qui les remplaceraient dans les champs de cannes.

Deuxièmement, pendant tout le 19 siècle, Maurice a connu une révolution sucrière. Cette industrie était en pleine expansion. Les propriétaires d’établissements sucriers augmentaient la superficie des terres sous plantation de cannes à sucre. Ils ouvraient également d’autres usines. La croissance de cette industrie demandait davantage de travailleurs.

Comment ont vécu ces laboureurs?

A l’époque, le système capitaliste existait déjà. Ces laboureurs travaillaient beaucoup mais gagnaient peu d’argent. Les conditions de travail et de vie étaient difficiles. Le fait qu’ils venaient d’un pays agricole et entraient dans un autre, où le système de plantation se fait à l’échelle industrielle, n’a pas rendu l’adaptation facile. C’était un différent rythme de travail pour eux.

Heureusement qu’il y avait déjà, à cette époque, une communauté de commerçants tamouls et gujratis à Maurice, qui a été d’un grand soutien moral aux immigrants.

Aujourd’hui, comment est-ce que leurs descendants perçoivent cette date?

Malheureusement, la majorité d’entre eux n’y attachent pas grande importance.

Pourquoi, selon vous?

D’une part, parce que les Mauriciens en général n’ont pas une culture de l’histoire. D’autre part, parce que l’arrivée à l’Aapravasi Ghat ne représente qu’un bref passage dans la mémoire des travailleurs engagés eux-mêmes.

Ce qui a marqué la vie de l’immigrant indien, c’est sa vie dans les camps sucriers, ainsi que les conditions de travail et de vie.

Quelle est la différence entre l’engagisme et l’esclavage?

Les travailleurs engagés jouissaient d’une liberté relative. Disons qu’à la fin de leur contrat, ils étaient libres. Mais ce qu’il faille souligner est que lorsqu’ils arrivaient à Maurice, les coolies venaient avec leur capital culturel et social, sur lequel ils pouvaient rebâtir leur vie. Tandis que l’esclave avait été dépossédé de tout: sa famille, sa langue, sa religion et sa culture… Les esclaves ont été déracinés de leurs pays par la force.

Que pensez-vous des auditions sur l’engagisme et l’esclavage qu’organisent la Commission Justice et Vérité?

C’est une bonne initiative de cette institution de donner l’occasion aux gens de raconter ces époques-là, selon leurs expériences personnelles. Ils peuvent donc contribuer à l’histoire de l’île. Car jusqu’à présent, elle a été décrite plutôt par les historiens et les académiciens.

Je suis en contact avec la Commission Justice et Vérité. Des bruits que j’ai entendus dernièrement, il paraît que ceux qui viennent témoigner au niveau de l’engagisme ne sont pas nombreux.

C’est bizarre, vous ne trouvez pas?

Peut-être que les descendants de coolies n’ont rien à dire à ce sujet. Peut-être que cela ne les intéresse pas. Ou encore, peut-être qu’ils n’ont rien à ajouter à leur histoire.

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