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Salonee Nirsimloo-Lallah - Artiste-peintre : La dernière soeur

22 mars 2014, 08:23

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Salonee Nirsimloo-Lallah - Artiste-peintre : La dernière soeur

Si elle a longtemps tenu ses toiles loin du regard public, ce n’est pas faute d’envie. «Mes responsabilités professionnelles dans le département informatique et à la tête d’une importante unité d’opérations au sein d’une grande banque, mes deux enfants, et le kathak ont pris le dessus. Mais pendant toutes ces années, je n’ai jamais cessé de peindre», confie Salonee Nirsimloo-Lallah, entre deux recommandations aux hommes de main venus l’aider à accrocher ses tableaux dans la salle de l’Alliance française.

 
Exposer leurs trois filles à tous les courants d’idées et à tous les modes d’expression, c’est l’objectif qu’ont toujours poursuivi Balgopal Nirsimloo et son épouse Saraswaty. Les Nirsimloo, planteurs de Trois-Boutiques, sont des érudits adorant la lecture, la musique, l’art. C’est dans la grande maison de la cour familiale que naissent, avec deux ans et demi d’écart, Soorya qui deviendra Soorya Gayan, Salonee aujourd’hui Salonee Lallah et Ananda Devi qui a pris le nom d’Ananda Devi Anenden.
 
Pour que ses filles aient la meilleure éducation possible, Balgopal Nirsimloo déménagent à Curepipe afin que les filles puissent fréquenter le Couvent de Lorette. Notant que Soorya adore la danse, il l’inscrit ainsi que ses soeurs aux cours de kathak dispensés par le couple Nandkishore. Soorya et Salonee se mettent aussi au sitar. Ananda Devi s’essaie au piano mais ce qui l’intéresse, c’est l’écriture.
 
«C’est sans doute mon père qui a dû me mettre du papier et de la peinture à l’eau entre les mains. J’avais probablement dessiné sur les murs», présume Salonee Nirsimloo-Lallah qui se voit peindre depuis toute petite. La peinture devient vite une passion. N’aimant pas faire comme tout le monde, elle trouve la classe d’art ennuyeuse, surtout lorsqu’il faut dessiner une nature morte.
 
Dans la bibliothèque paternelle, il y a des livres distrayants mais aussi des ouvrages sur la musique, l’art, les grands peintres. Ce sont justement ces livres que Salonee Nirsimloo-Lallah dévore. «J’ai grandi dans l’univers des peintres tels que Vincent Van Gogh, Paul Gauguin et Amedeo Modigliani. En découvrant leur univers artistique et leur vie, il y a eu comme un écho résonnant en moi.» Elle se met à peindre de plus belle.
 
Salonee Nirsimloo-Lallah, qui est réfractaire aux ordres, décide d’arrêter l’école après la Form V et de suivre des cours de ‘A’ Level à la maison. Ses parents ne s’y opposent pas. Comme les instruments à cordes aplatissent les doigts, elle abandonne le sitar et la guitare mais continue avec le kathak.
 
Soorya s’envoye pour la London School of Economics. En attendant de rejoindre son aînée à Londres, Salonee Nirsimloo-Lallah suit un cours d’art par correspondance en vue d’intégrer une grande école de peinture à Paris.
 
«Les professeurs ont toujours été élogieux à mon égard, trouvant mes peintures très émouvantes». Au moment où elle s’apprête à passer ses examens, l’école discontinue les cours. Qu’à cela ne tienne puisqu’elle a déjà terminé le cursus.
 
Pour se faire un peu d’argent de poche, elle cherche un stage. Et l’obtient auprès d’une grande banque qui met au même moment sur pied son unité informatique et fait venir des formateurs étrangers. La matière étant nouvelle et en constante évolution, elle s’y intéresse de près. Elle fait tout de même des études universitaires à distance en business et décroche un Masters en Business Administration auprès de l’université de Surrey.
 
C’est alors qu’elle travaille à la banque qu’elle rencontre Sarat Lallah, l’actuel directeur général de Mauritius Telecom. Sarat Lallah l’aide d’ailleurs à organiser sa première exposition en solo à l’hôtel InterContinental. Chacun de ses tableaux s’accompagne d’une citation de poèmes de Rabindranath Tagore. Sarat et Salonee se marient deux ans après leur première rencontre. Elle fait une deuxième exposition en solo au club de cette institution bancaire dans les années 80 et est ravie de voir que les critiques lui sont favorables. Elle participe également à quelques expositions en collectif à Maurice comme à l’étranger.
 
Côté carrière, elle grimpe les échelons au sein du département informatique et devient Assistant Manager. Comme la banque institue une importante unité d’opération avec trois systèmes informatiques installés par elle, on lui confie la responsabilité de cette unité qui s’agrandira jusqu’à comprendre six départements chapeautant quelque 300 personnes. Salonee Nirsimloo-Lallah continue à peindre dans son atelier chez elle et accroche ses tableaux aux murs. Lorsque ses deux enfants, Smita et Shyamal, naissent, elle veut se consacrer à eux. Entre sa carrière, la danse et sa famille, il lui est impossible de monter des expositions en solo.
 
D’où un silence long de plus de 20 ans. À la fin de 2012, elle décide de revenir sur les devants de la scène et en parle à la chef Jacqueline Dalais lors d’un dîner à la Clef des Champs. Cette dernière lui propose de le faire dans ce restaurant. Lors du vernissage, la trentaine de tableaux exposés trouvent acquéreurs. «J’avais la tête à l’envers tant j’étais étonnée.» Salonee Nirsimloo-Lallah décide alors de se consacrer pleinement à son art. Elle commence à travailler de chez elle puis, au début de l’année, prend sa retraite.
 
Ayant plusieurs tableaux d’achevés, elle effectue depuis hier son grand retour dans les locaux de l’Alliance française avec une exposition intitulée «Éclats de Rêve». Les 47 tableaux expriment des émotions larvées, des rêves, une imagination débridée. «Tout m’inspire : la nature, le mouvement, la musique, une lecture, un coup de vent, un bruit...»
 
Elle souhaite que ses tableaux «aient une résonance auprès des visiteurs car cela me fait plaisir d’exprimer ce que je ressens. Et quand une personne déchiffre et éprouve mon ressenti, mon plaisir est énorme». Pour elle, c’est une nouvelle vie qui commence. «Je ferai davantage d’expos et je pense même à l’international.» Elle a d’ailleurs soumis quelques tableaux à une galerie new-yorkaise et attend son verdict.
 
Très proches de ses soeurs, elles communiquent beaucoup entre elles. C’est ainsi qu’Ananda Devi Anenden lui envoie ses écrits et poèmes, qui transpirent dans ses peintures. Et dès qu’elle termine un tableau, elle envoie des photos à Ananda Devi Anenden qui s’en inspire à son tour. Lorsqu’elles ont réalisé qu’elles avaient une influence sur l’art de chacune, elles ont décidé de faire cause commune et d’imprimer un livre. «Nous avons contacté des éditeurs et nous sommes actuellement à la recherche d’un sponsor». Salonee Nirsimloo-Lallah compte aussi animer un atelier de peinture avec les malades de l’Alzheimer et un autre avec des enfants autistes et handicapés. «Ce sera une autre façon de transmettre…»
 

«C’EST SANS DOUTE MON PÈRE QUI M’A MIS DU PAPIER ET DE LA PEINTURE ENTRE LES MAINS.»

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