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Sam Lauthan: «Un mur existe entre la chaire et le trottoir»
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Sam Lauthan: «Un mur existe entre la chaire et le trottoir»

Il annonce qu''''il travaille sur un dossier qui s''intitule ‘Le jihad contre l’indifférence’. Pour lui, le temps presse. Il s’élève contre l’indifférence des associations, des mosquées et des organisations socioculturelles. C’est la raison pour laquelle Sam Lauthan décide de délaisser la chasse aux électeurs… pour se concentrer sur la chasse aux gothiques. C’est l’une des nouvelles missions qu’il s’est fixées.
Chasse aux électeurs-chasse aux gothiques, quelles sont les différences et les similitudes?
J’ai toujours fait de la politique dans un but social. Ce n’était jamais pour le pouvoir. C’est vrai que faire de la politique peut servir comme un levier pour faire plus pour le social. Pour la chasse aux gothiques, les médias semblent banaliser ce combat. Il y a visiblement une incompréhension au sein même de mes militants. Ils trouvent mon départ de la politique tellement ridicule et difficile à accepter, surtout avec la position que j’occupe dans la hiérarchie. Je vais quand même m’occuper du social à temps plein.
Je connais des cas où les enfants s’entaillent le bras et pour boire leur sang. Je connais des enfants qui pratiquent l’automutilation. Je leur ai parlé et ils m’ont répondu que je ne pouvais pas comprendre avant de dire que personne ne les aime: «la société nous a fait du mal, nos pères et nos mères nous cognent dessus, on nous fait mal partout, c’est pourquoi nous préférons nous faire mal nous-mêmes». L’un d’eux me disait que c’est un plaisir de voir couler son sang. C’est dommage de banaliser ces choses là. La situation est grave.
Quelle est l’ampleur du phénomène à Maurice jusqu’à lui accorder tout ce temps?
Je vais revenir en arrière à trente ans de cela. Je parlais du problème de la drogue, avant même que le Brown Sugar et le gandia fassent leur apparition. A l’époque, le père Robert Jauffret m’a beaucoup aidé. Et quand le Brown Sugar a fait son apparition, je me suis montré vigilant en me documentant immédiatement sur le sujet. A ce moment, Kadress Pillay, Julien Lourdes, Robert Jauffret et moi-même, nous mettions la population en garde. Si on ne l’arrêtait pas sur le champ, ses méfaits nous explosaient à la figure. C’est ce qui s’est passé. Malheureusement, nous avions raison. Idem pour le problème de la pornographie. Je demandais à ce qu’on prépare les parents à la sexualité en brisant les tabous autour, sinon la pornographie ferait des ravages. C’est ce qui s’est passé.
Et sur le gothique, je suis toujours le whistle blower. Je ne sais pas si l’histoire va se répéter, mais ça en a tout l’air. Je collabore quand même avec des parents et des enseignants. Le phénomène est étendu dans tous les collèges de l’île. Le fait qui m’a poussé à être plus agressif, c’est lorsque j’ai entendu que, dans une école primaire, l’école Raman Abdool à Plaine Verte, 10 enfants pratiquent de l’automutilation. Le plus jeune a huit ans. Je ne suis pas insensible à ce genre de problème. Je trouve cela extrêmement grave qu’un enfant de cet âge s’entaille le bras.
Il y a deux catégories de jeunes. Ceux qui suivent le phénomène de mode sans vraiment être imprégnés de la philosophie gothique. D’autres qui écoutent les chansons du mouvement. J’ai téléchargé une soixantaine de ce genre de musique. C’est du satanisme. Les mots qui reviennent, drogue, sexe, pornographie, sodomie, fellation, du sang, dépression, suicides…Les enfants sont exposés à cela avec le MP3 ou MP4 collé aux oreilles. Et les parents ne se doutent de rien. Le problème est très méconnu des parents et des autorités religieuses. Je l’ai dit au Parlement, le jeudi 3 décembre. Ni les parents, ni la plupart des chefs religieux qui ne sont pas on-line, ne savent pas ce qui se passe. Tandis que les enfants sont à jour.
Parlez-nous de ce ‘jihad’ que vous comptez lancer contre l’indifférence.
Je parlerai de la communauté musulmane où les filles se font tatouer la poitrine, s’entaillent les jambes pour écrire le nom de Marylin Manson. Elles dorment sur les croix inversées, c’est de l’antéchrist. C’est extrêmement grave. Jihad ne veut pas dire kamikaze et bombes, mais c’est plus dans l’esprit, c’est-à-dire foncer avec beaucoup de détermination, de courage et de bravoure pour briser l’indifférence. Car la société est malheureusement indifférente. Nous avons même sorti le slogan dans notre combat contre la drogue: «plus grave que la drogue l’indifférence». Sur le coup de l’émotion, nous avons eu une centaine de personnes pour la cérémonie à la mémoire de Marie-Ange Milazar, cette prostituée enceinte sauvagement agressée. Je vous garantis que si c’était à refaire dans un mois ou deux, on obtiendrait que le quart. Il faut en finir avec l’indifférence ou l’inconscience.
Ceux qui ont été victimes d’overdose ou du sida sont morts dans leur foi. Avec ce problème d’antéchrist, les gens meurent en ayant perdu la foi. C’est beaucoup plus grave. Pour moi, perdre la foi c’est plus que perdre la vie.
La société se montre-t-elle trop permissive, selon vous?
Permissive et inconsciente parce que les parents et les autorités religieuses sont dépassés par le développement révolutionnaire de la technologie informatique. Si les parents ne sont pas exposés, les jeunes par contre le sont.
Là où j’anime des réunions, la réaction des parents est la suivante: «vous avez raison, mais nous n’étions pas comme ces enfants de 14-15 ans quand nous avions leur âge». Je leur réponds que les temps ont changé. De nos jours, les enfants en pré-primaire ont leur portable, alors que nous savons que les clips pornographiques y circulent. Nous ne pouvons pas arrêter le progrès. L’Internet demeure néanmoins un outil qu’il faut savoir utiliser à bon escient. La réalité d’aujourd’hui, c’est que nos enfants sont exposés par les multimédias. Il devient de plus en plus difficile pour un jeune d’être jeune aujourd’hui. Idem pour les adolescents aujourd’hui. Par conséquent, il devient beaucoup plus difficile d’être parents d’un jeune ou d’un adolescent.
Sans faire le procès des parents, ni celui des enfants, nous réalisons que nos enfants sont exposés à toutes sortes de littératures et de musiques. C’est la cruelle réalité. Les parents en sont décontenancés. Nous menons une campagne de sensibilisation sans culpabiliser. Nous ne critiquons pas les autorités religieuses. Nous ne faisons que constater. Nous devons nous démarquer et être à l’écoute. Un mur existe entre la chaire et le trottoir. Nous voulons abattre ce mur pour laisser la place à un pont entre les institutions religieuses et la rue. Ce sont deux mondes différents qui se côtoient sans se connaître. Entre le dépôt des enfants à l’école et leur récupération l’après midi, il se passe beaucoup de choses que les parents ignorent. Je ne veux affoler personne, mais il faut rester vigilant.
Je voudrais mettre le débat sur un contexte religieux et spirituel. Je dis aux parents: si vous avez des adolescents, garçons ou filles, et vous pensez pouvoir les surveiller 24/24, vous rêvez. Il y a tellement de moyens pour échapper à votre vigilance. Par contre, en faisant leur éducation religieuse comme il se doit, c’est-à-dire mettre le respect de Dieu et l’Amour du prochain dans leur cœur, ce sera leur garde-fou, leurs repères.
 
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