Publicité
Sarita Boodhoo : «Les hommes semblent être peu enclins à renoncer à leurs acquis»
Par
Partager cet article
Sarita Boodhoo : «Les hommes semblent être peu enclins à renoncer à leurs acquis»

La publicité semble trouver en la femme une cible de choix. Pensez-vous que la gente féminine est de plus en plus poussée à la consommation à outrance parce qu’elle est plus sensible aux messages publicitaires ?
Ce sont en général les femmes qui gèrent le budget familial. Il n’est donc guère surprenant qu’elles soient très souvent la cible des annonceurs. Les agences publicitaires ont souvent recours à des spécialistes : psychologues, consultants en image ou experts en marketing, qui savent exploiter les sentiments des consommateurs pour les pousser à acheter leurs produits.
On voit, par exemple, souvent des femmes vanter les mérites d’une marque de lessive ou d’un produit destiné aux enfants pour convaincre les ménagères. Je trouve qu’il y a une utilisation outrancière des femmes mais aussi des enfants dans la publicité. Cependant, je ne pense pas que les annonceurs parviennent à inciter beaucoup plus les femmes que les hommes à la surconsommation.
Les hommes sont tout autant manipulés par les messages publicitaires. L’on a tendance à penser que les femmes dépensent beaucoup plus d’argent que les hommes dans des choses futiles. Néanmoins, l’on se rend compte que les images publicitaires poussent désormais un nombre grandissant d’hommes à acheter, par exemple, des produits cosmétiques.
Femme qui travaille, qui entreprend, qui a des revenus à elle… La femme est quand même devenue une actrice économique conséquente…
Dans les années soixante-dix, quand on voyait à Maurice, plus particulièrement dans les villages, une femme au volant d’une voiture, cela était perçu comme quelque chose d’insolite. Quant au monde du travail, il offrait aux femmes instruites essentiellement des postes de dactylos ou à la rigueur d’enseignantes. Les mentalités ont heureusement beaucoup évolué et l’on retrouve désormais plus de femmes occupant des postes clés.
Cependant, il reste encore beaucoup de chemin à faire. Je trouve aussi révoltant que les femmes aient encore à subir des violences conjugales. J’ai récemment lu un article extrêmement poignant sur une femme qui a enduré des violences physiques et psychologiques de la part de son mari pendant de nombreuses années. Elle avoue, dans cet article, être incapable de le quitter à cause de ses enfants. Cela m’a bouleversée.
Vous considérez-vous comme une féministe ?
Je milite depuis de nombreuses années pour que les femmes aient la place qu’elles méritent dans la société. Qu’elles aient droit, par exemple, à davantage de dignité, à une meilleure représentation en politique et dans le monde de l’entreprise. J’ai fait partie, en 1975, de la délégation mauricienne qui a participé à la première conférence mondiale sur la femme organisée par les Nations unies. L’amélioration de la condition des femmes est un combat qui me tient énormément à coeur. Cependant, je ne me considère pas comme une féministe.
Si vous ne vous retrouvez pas dans ce courant, est-ce parce que vous considérez qu’il y a une forme d’extrémisme chez beaucoup de féministes et que leurs discours desservent dans une certaine mesure la cause des femmes?
Les féministes ont le mérite d’attirer l’attention sur les nombreuses discriminations que subissent les femmes. Il est indéniable que c’est en grande partie grâce à leur courage et à leur ténacité que nous avons aujourd’hui davantage de droits. Je pense néanmoins qu’il y a en effet, dans certains cas, des discours outranciers de la part de quelques féministes qui caricaturent le combat que mènent les femmes pour avoir davantage de
reconnaissance. Aux Etats-Unis, le féminisme a eu, à ses débuts, un immense succès.
Cependant, certaines militantes ont fait du tort à la crédibilité de ce mouvement à cause de leurs propos excessifs et d’une attitude parfois excentrique.
La société mauricienne est-elle, selon vous, matriarcale ?
Je ne le pense pas. Il existe en Afrique et en Inde, par exemple au Kerala, des sociétés dans lesquelles les femmes prennent les décisions les plus importantes. Par contre, même si la femme revendique une place de plus en plus importante dans la société mauricienne, nous sommes clairement dans un pays largement dominé par les hommes.
Il n’y a qu’à voir ce qui se passe dans notre système politique. Il faut se rendre à l’évidence : même s’il y a une représentation accrue des femmes, elles sont en général soumises aux leaders de leurs partis et n’ont en réalité que très peu d’influence.
Il est très difficile pour une femme d’évoluer dans la politique à Maurice, à moins d’avoir une force de caractère et un charisme hors du commun. Quant aux femmes qui sont parvenues à occuper des postes importants, elles sont obligées de se battre pour se faire respecter.
J’ai eu l’occasion de siéger sur de nombreux comités où il y avait une écrasante majorité d’hommes et j’avoue qu’il m’a souvent été difficile de prendre la parole. Dans notre pays, les hommes semblent être peu enclins à renoncer à leurs acquis et à céder leur place aux femmes.
 
Entrevue réalisée par Kenneth BABAJIE
Publicité
Publicité
Les plus récents




