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Selven Naidu, « Le regard occidental sur l’Afrique est défaitiste »

1 juin 2010, 06:12

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Vous et vos partenaires lancez aujourd’hui «Al Qarra », chaîne d’information continue en arabe. Parlez nous de ce projet.

Nous sommes trois dans le projet de chaîne satellitaire Al Qarra, dont la compagnie, Al Qarra Broadcasting Network, est enregistrée à Maurice. Mes partenaires sont le Français Pierre Fauque, qui est membre du conseil d’administration, et Najib Gouiaa, Tunisien, qui est le directeur général. J’occupe le poste de président.

Najib Gouiaa maîtrise le Moyen-Orient et avait sa propre agence de presse. Il a proposé une étude sur le paysage audiovisuel arabe et nous avons réalisé qu’il n’y a pas de chaîne de télévision africaine orientée vers le monde arabe.

L’élite arabe a besoin d’avoir une chaîne l’informant sur ce qui se passe en Afrique. D’où la chaîne Al Qarra qui sera lancée officiellement aujourd’hui. Cette chaîne, à l’instar d’Euronews, est axée sur l’Afrique, mais est en langue arabe.

Un peu comme France 24 ?

France 24 a une chaîne en arabe, en anglais et en français, mais elle répercute le point de vue français. Le regard occidental sur l’Afrique est souvent paternaliste, négatif et défaitiste. Mes partenaires et moi voulions parler de l’Afrique autrement, dire ce qui ne va pas mais montrer aussi les réussites. Et elles existent. Ce sera de l’info 24 heures sur 24 en langue arabe, soit une heure de programmation qui passera en boucle et qui sera réactualisée toutes les heures.

Qu’est-ce que cela a demandé pour lancer «Al Qarra» ?

Enormément de culot car les chaînes de télévision satellitaires sont montées par des groupes qui ont énormément d’argent.

Si j’ai fait enregistrer la compagnie à Maurice, c’est par ce que je voulais, en premier lieu, que mon pays soit sur la carte des télévisions satellitaires et planétaires. Et puis, à Maurice, on ne paie que 15 % de taxes.

Où se trouvent les bureaux d’«Al Qarra» ?

Ils sont à Paris, plus précisément dans les locaux de Centre Ville Télévision, à côté de France Télévision. Nous avons choisi Paris pour des raisons techniques.

C’est à Paris que la programmation est concoctée et le signal part par fibre optique jusqu’à Madrid et de là, à ArabSat sur le satellite Badr6.

Elle va arroser tout le Moyen- Orient et l’Afrique du Nord. Ce qui fait 200 millions de téléspectateurs arabes potentiels. Dans trois mois, Al Qarra va aussi faire un bond sur le satellite Astra pour couvrir l’autre partie de l’Afrique.

Qui compose l’équipe journalistique ?

Nous avons une dizaine de journalistes, basés à Paris, employés à plein temps et qui maîtrisent tous l’Arabe, de même que des correspondants à Nairobi, au Kenya et au Liban. Nous allons bientôt ouvrir un bureau en Afrique du Sud, plus précisément à Johannesburg, et un bureau à Maurice.

Quel investissement ce projet a-t-il demandé ?

Les frais de fonctionnement d’une chaîne satellitaire de ce type sont de 3 millions d’euros l’an.

Mais, nous l’avons montée à des coûts moindres car nous avons non seulement des contacts dans le métier, mais nous connaissons aussi les tenants et les aboutissants.

Et puis, nous existerons par la publicité.

Quelles sont vos attentes par rapport à «Al Qarra» ?

Toutes les études ont démontré que les pires chaînes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord – et il y en a 650 – occupent 2 % au minimum de parts du marché. Si nous parvenons à occuper ce pourcentage, nous allons exister et gagner de l’argent.

Vous avez animé une conférence de presse sur le sujet à Paris, le 11 mai. Comment la presse française a-telle accueillie la nouvelle ?

L’accueil était mitigé. La presse française trouve le positionnement génial, mais elle ne veut pas croire que nous nous autofinançons.

Quels sont vos autres projets ?

Maintenant que nous avons compris le schéma de fabrication des chaînes satellitaires, nous n’allons pas nous arrêter là. Nous lorgnerons vers la Chine et l’Inde.

Depuis 2007, vous êtes à Madagascar. Quels changements avez-vous apportés à la RadioTélévision Analamanga (RTA) ?

J’ai changé le positionnement de la chaîne. Avant que j’accepte de la diriger, la RTA était une chaîne généraliste à tendance jeune. J’en ai fait une chaîne pour les jeunes de moins de 40 ans avec quelques segments généralistes. Qui dit jeune, dit musique, arts et culture.

La RTA ne fait pas l’éducation du public. Elle apporte la culture dans les foyers malgaches.

Ce repositionnement a nécessité la formation du personnel ?

Il a fallu faire de l’accompagnement. Nous avons commencé en juin 2007 et le 29 février 2009, la RTA avait une nouvelle programmation, un nouvel habillage, une nouvelle charte graphique. Et ce qui est bien aujourd’hui, c’est que nous avons notre propre plateau de studio qui fait 2 000 mètres carrés.

Quelle part de marché occupez-vous ?

Aujourd’hui, nous occupons la première place.

La réalisation ne vous manque pas ?

En tant que directeur général de la RTA, je suis comme un chef d’orchestre. Tout le monde joue et je coordonne les choses. Ce qui est intéressant, c’est d’accompagner les jeunes dans la création. C’est gratifiant. Et puis, on travaille sur de multiples projets. Mais, l’envie de réaliser est toujours là. J’ai d’ailleurs un projet de court-métrage de 13 minutes, soutenu par la Francophonie.

Le film raconte les rapports tendus entre un homme coureur de jupons qui découvre l’homosexualité de son fils. Je n’ai pas travaillé sur le découpage technique.

Je tournerai au feeling. Ce sera pour août.

Vos futurs projets à la RTA ?

Nous passons à la deuxième phase, qui est l’investissement en bouquet satellitaire sur la région et également sur la France.

Propos recueillis par Marie-Annick Savripène

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