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Shakeel Mohamed, ministre du travail : «j’espère que le gouvernement n’interviendra pas dans la grève d’ameer»
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Shakeel Mohamed, ministre du travail : «j’espère que le gouvernement n’interviendra pas dans la grève d’ameer»

? La sucrerie de Médine vous demande d’attendre les conclusions de l’enquête sur la mort de Brandon Lallsing,  avant de faire des commentaires. Vous allez suivre leur conseil ?
C’est vraiment mal me connaître. (Rires) Plus sérieusement, je suis tout à fait d’accord sur le principe qu’il ne faudrait pas commenter une enquête avant de connaître ses conclusions. Sauf que, outre l’enquête de la police, mon ministère enquête aussi sous l’Occupational Safety and Health Act. Nous sommes, donc, déjà en présence de conclusions préliminaires qui me permettent de faire les commentaires que j’ai faits.
? Et que disent ces conclusions ?
La loi dit qu’il y a une obligation de faire un risk assessment. Cela implique l’énumération des risques associés à une usine et ses équipements, les précautions à prendre pour réduire ces risques, la formation donnée aux
employés, etc. Or, Médine nous a soumis un rapport qui démontre que la machine qui a causé la mort de Brandon Lallsing n’a jamais fait l’objet d’un risk assessment. L’excuse qui est donnée à mes officiers est que la machine n’était pas utilisée. Par contre, il a été établi que la machine était là depuis un moment et qu’ils l’utilisaient en cas de besoin. Donc, ils auraient dû procéder à un risk assessment. Le fait qu’ils ne l’ont pas fait est inquiétant. Mes officiers étaient à Médine en août et la machine ne figurait pas dans le rapport.
? C’est juste «inquiétant» ?
Ce n’est pas le seul élément accablant. La machine se trouvait en hauteur, sur une plateforme. Il y avait une seule personne présente dessus et celle-ci a trouvé la mort. Etait-ce un environnement de travail sécurisé ? Cela s’est passé le soir... Y avait-il assez de lumière ? La réponse est non. Notre enquête démontre qu’il y a eu négligence menant à la mort d’un employé. Médine devrait apprécier le fait que je m’exprime. Ils savent à quoi s’attendre !
? Comment expliquez-vous cette attitude des employeurs face à la vie de leurs employés ?
Je crois que c’est une question de culture. A un certain moment, dans les années 70, il y a eu des mouvements de grève. Cela a favorisé nombre de changements dans les lois afin que les employeurs comprennent que l’employé a des droits. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un autre stade de notre développement. La sécurité des employés doit faire partie de la culture de l’employeur. Elle doit faire partie de son investissement.
? Mais nous n’en sommes pas là !
Non. Il est toutefois intéressant de noter qu’il y a une prise de conscience. Car le nombre d’accidents fatals au travail est en baisse. Ce qui démontre que notre action porte des fruits, que les entreprises sont en train d’investir dans la sécurité de leurs employés. Notre taux d’accidents mortels est de 2,3, soit un décès pour chaque 100 000 travailleurs. Le Singapour a un taux de 2,7, la Grande-Bretagne, 1,3, la France, 3,5 et l’Afrique du Sud, 21,7. Même si cela nous donne un peu d’espoir, nous pouvons faire mieux. Il y a une campagne pour ramenernotre taux d’accidents fatals au travail à 1,5.
? Comment y arriver ?
Par des inspections régulières et des pénalités très sévères. Actuellement, la pénalité est de Rs 75 000 et/ou un an d’emprisonnement. C’est seulement à travers des peines très sévères que nous pourrons inculquer une culture de responsabilité aux employeurs. Etre directeur ne se résume pas aux privilèges et à un gros salaire. Il faut que le coût du Health and Safety soit inclus dans les dépenses de l’entreprise. Or, certains ne pensent qu’à
maximiser les profi ts. Il faut arrêter cela.
? L’Union des artisans de l’industrie sucrière dit que la mort de Lallsing soulève la question des abus contre les travailleurs saisonniers...
Saisonniers et contractuels. Bien sûr qu’il y a abus et je vais y mettre un frein. La loi dit que les travailleurs contractuels ne doivent pas dépasser 20 % de la main-d’oeuvre d’une entreprise. Or, beaucoup d’usines en emploient plus. Un contractuel ne touche pas le même salaire qu’un employé à plein-temps, il n’a pas droit aux congés et aux prestations de l’entreprise. J’amenderai donc la loi du travail pour que, passé six mois, un travailleur contractuel devienne un employé à part entière dans certains secteurs et un employé permanent après deux ans.
? Le fait que votre travail vous donne satisfaction rend la pilule Ameer plus facile à avaler ?
On ne peut forcer la médiation. On ne peut forcer la réintégration. Mais, elle insiste.
? Cette insistance vous irrite ?
Allons dire que cela devient exaspérant après un moment. Je suis triste pour elle car elle est une victime et qu’elle a souffert injustement. Mais, la situation est maintenant comparable à celle où on donne un verre d’eau à une personne qui a soif, et elle vous dit qu’elle n’en veut pas !
? C’est qu’elle ne veut pas de celui-là mais d’un autre...
La vérité, c’est que dans aucun pays au monde, on ne peut forcer un employeur à garder un employé. Même si ce dernier n’a rien fait de mal, un employeur a le droit de le licencier à condition de lui payer sa compensation. J’aurais aimé que Rehana Ameer aille en cour parce que j’aurais voulu, une fois pour toutes, qu’une cour de justice vienne donner un jugement pour que cela crée un précédent et donne une leçon à d’autres employeurs. Une intervention politique comme le souhaite Ameer ne va pas changer la donne. Dans un Etat moderne, il ne devrait pas y avoir d’intervention politique.
? Comment pensez-vous que la grève de la faim d’Ameer va finir ?
Vous savez, la grève de la faim est une arme que les grands de ce monde ont utilisée quand ils n’avaient plus d’autres recours. Le Mahatma avait tout essayé pour que l’Inde ne soit pas divisée. Il a entamé une grève de la
faim en dernier recours. Et c’était noble. Pour Ameer, il ne s’agit pas d’un dernier recours. Elle veut faire fi de la loi du pays. C’est triste car sa cause n’est pas noble et c’est égoïste. Qu’elle assume la responsabilité de ses actes.
? «Si pa manze, pou kreve», comme dirait le Premier ministre ?
Ce n’est pas ce que je dis. Je dis que si vous mettez votre vie en danger, il faut accepter les risques.
? C’est, pour elle, la seule façon de forcer le gouvernement à intervenir !
Ce n’est pas ma décision mais j’espère que le gouvernement n’interviendra pas.
? Et si elle mourait ?
Et si elle recommencait à manger ? J’aurais compris s’il n’y avait pas d’autres solutions. Sauf que là, on lui offre une compensation, un autre travail. Elle a eu tout le soutien.
? Et vos grands principes vous désertent quand il s’agit de renvoi des élections municipales ?
L’ancien gouvernement avait tellement mal fait les choses qu’il y avait deux lois qui étaient en vigueur. On a réalisé qu’on ne pouvait pas laisser perdurer cette situation et Hervé Aimée a vraiment fait un gros travail.
Mais, la diffi culté était que Pravind Jugnauth n’a pas voulu lui donner les finances nécessaires.
? C’est facile de tout mettre sur le dos de Pravind Jugnauth alors que cette réforme aurait dû commencer en 2005 !
Mais un gros travail avait déjà été abattu. Il y avait la crise pétrolière, la crise économique... Et la situation financière du pays ne permettait pas cette réforme.
? La vérité, c’est que rien n’a été fait pendant cinq ans...
Non, nous allons apporter des changements en profondeur. S’il n’y a pas d’argent, on ne peut rien faire.
? Pourquoi ne pas organiser les élections sous l’ancienne loi ?
Parce que nous disons dans notre programme électoral que nous voulons réformer les administrations régionales !
? Pourquoi devons-nous payer les pots cassés si vous ne pouvez le faire à temps ?
Personne ne paie les pots cassés ! Ne vous en faites pas, ça arrive.
Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN
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