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Shakeel Mohamed : « Ceux qui ne veulent pas d’un nouveau recensement sont des hypocrites ! »

8 septembre 2012, 07:22

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Le ministre affirme qu’il est primordial de mettre à jour le recensement de 1972 avant de décider de la réforme électorale. Virulent envers Paul Bérenger, il blâme l’opposition de ne pas avoir anticipé le désaveu de l’ONU et de ne pas avoir accepté de revoir le «Best Loser System» (BLS).


? Si la décision du comité des droits de l’Homme de l’ONU n’est pas «binding», pourquoi les experts disent-ils que Maurice a une «obligation » de réparations ?

C’est clair que Maurice a certaines obligations sous les conventions dont elle est signataire. Mais, la question est intéressante dans le sens où il n’y aura aucune répercussion légale si nous violons la convention. Mais en même temps, ce n’est pas dans l’intérêt de Maurice, qui a toujours été un exemple dans la région en ce qui concerne la démocratie et le respect des institutions, d’ignorer les recommandations des experts de l’ONU.

? Quelle est votre analyse de ces recommandations ?

Je dis que nous sommes dans cette situation grâce à l’hypocrisie de Paul Bérenger. Un leader doit être prévoyant et il aurait dû avertir la population du danger de la décision de l’ONU. Il aurait dû leur dire qu’il y avait une forte possibilité que nous perdions cette affaire. Donc, aujourd’hui, il faut prendre note du fait que Paul Bérenger n’est pas prévoyant.

Un leader qui n’est pas prévoyant n’est pas apte à devenir Premier ministre de ce pays. Il y a, bien sûr, la possibilité que Bérenger savait ce qui allait arriver mais qu’il n’a rien dit pour des raisons bassement politiques ! Et je pense que c’est ce qui s’est passé. Car il est trop intelligent pour ne pas avoir prévu que cela allait se passer !

? Vous faites un faux procès à Bérenger ce n’est pas lui, le Premier ministre et ce n’était pas à lui de prévoir quoi que ce soit !

Mais le leader de l’opposition aspire à devenir Premier ministre.

? Cela n’a rien à voir. Nous avons un Premier ministre qui dit une chose mais qui, en même temps, donne des instructions à ceux qui ont défendu l’affaire devant le comité des droits de l’Homme, de prendre précisément la position que vous reprochez à Bérenger d’avoir !

L’Etat a une obligation de défendre ce qui est écrit dans le livre de loi.

? Oui, mais le gouvernement a aussi la responsabilité de changer la loi quand il réalise qu’il y a un problème ! Au lieu de cela, il a tenu un langage et pratiqué un autre !

Il faut un consensus pour réformer le système électoral ! Le Premier ministre a entamé des pourparlers avec le leader de l’opposition qui, lui, est toujours resté sur sa position. Pourquoi Bérenger veut-il que l’on garde le BLS ? Pourquoi insiste-t-il toujours pour que l’on réduise le nombre de Best Losers à quatre ? En passant, cela démontre qu’il n’a aucun respect pour les institutions internationales puisqu’il ne remet pas en question son opinion à la lumière de la décision de l’ONU. Bérenger refuse de changer sa position parce qu’il veut des gains politiques immédiats ! Et c’est pour cela que le Premier ministre a dit qu’il ne pouvait pas venir de l’avant avec un projet de réforme du système électoral si Bérenger campe sur sa position !

? Par contre vous, vous avez été un des rares politiciens à dire qu’il fallait revoir le BLS. Vous aviez prévu ce scénario, n’est-ce pas ?

J’avais dit que si nous ne faisons pas attention, «we will be caught with our pants down», j’avais dit qu’on aurait dû négocier avec le gouvernement pour avoir un meilleur deal avant la décision de l’ONU. Mais, on m’a dit que je m’étais «démusulmanisé». Encore une fois, Paul Bérenger est responsable. Reza Uteem est responsable. Celh Meeah est responsable. Soodhun est responsable. Quand j’ai dit cela à Reza Uteem, il m’a dit : «We’ll cross that bridge when we reach it.» Quand j’en ai parlé à Cehl Meeah, il m’a dit que j’avais raison. Mais, il prononce ensuite un discours contraire parce qu’il a réalisé que la «tendance» était autre. Et je peux vous dire que ce jour-là (NdlR, une réunion était organisée au centre Idrice Goomany avec les députés musulmans pour discuter du BLS), je m’étais senti très seul puisque j’étais le seul à dire que le BLS devrait être revu. Le pire, c’est que j’expliquais que si l’on échangeait le BLS contre le système que propose Rama Sithanen (en intégrant le BLS à la représentation proportionnelle), les minorités allaient être mieux loties qu’avec le BLS. Et l’opposition a dit non !

? Etes-vous d’accord qu’il faudrait mettre à jour le recensement de 1972 ?

Mais bien sûr ! Déjà avec le système Sithanen, les minorités allaient être mieux loties. Mais le système Sithanen est basé sur les chiffres de 72 ! Avec un nouveau recensement, je suis persuadé que les minorités seraient mieux représentées puisque les chiffres seront plus proches de la réalité.

? Pensez-vous que le gouvernement aura le courage politique d’aller de l’avant avec ce nouveau recensement ?

Je vais lutter pour faire en sorte que cela arrive. I’ll fight for it.

? Mais on risque d’avoir de grosses surprises avec un nouveau recensement. 40 ans après, les choses ont sûrement changé, non ?

Je le pense, mais nous devons savoir quelle est la vraie situation. Et ceux qui ne voudront pas faire un nouveau recensement sont des hypocrites ! Car il faut maintenant décider de ce que l’on veut. Paul Bérenger dit «je veux les deux». Mais, soit il veut un BLS retapé ou il veut qu’on enlève tout. Il faut qu’il décide.

? Ne devrions-nous pas aller plutôt vers un système où l’on enlève toute référence aux communautés, en comptant sur la représentation proportionnelle pour assurer une représentation adéquate de tous ?

On ne saura jamais quelle sera la meilleure solution pour nous tant que nous ne referons pas le recensement. Si on enlève tout, il faut une autre méthode qui englobe (subsume) le BLS, comme le préconise Rama Sithanen. Et ce système sera basé sur les calculs, les proportions et les formules. Le recensement est donc primordial dans cette équation.

? Comment expliquez-vous qu’avant la décision de l’ONU, l’on n’ait pas véritablement contré cette aberration qui consiste à calculer la population selon des chiffres qui datent de 40 ans ?

La peur. Ce n’est pas le BLS qui a ségrégé la population. Ce sont les gens. Le BLS était nécessaire à l’époque, mais nous avons évolué. Mais les gens ont peur parce qu’il y a tellement de discrimination dans le pays car l’establishment est pourri. C’est pour cela que les musulmans pensent qu’ils ne seront pas représentés au Parlement sans le BLS. Mais je voudrais préciser qu’Ashok Subron et ses amis n’ont, à aucun moment, contesté la constitutionnalité du BLS. C’est encore une autre hypocrisie de la part de Rezistans ek Alternativ.

? Le BLS communalise le système parce que des députés deviennent des représentants communaux !

Il n’y a pas de mal à représenter ses mandants, de même qu’une communauté particulière, quand le besoin se fait sentir, à cause des spécificités de certaines communautés. Le vrai problème est que certains politiciens sont communaux et puants. Je suis persuadé que le peuple est prêt pour le changement mais les musulmans disent : «Je veux croire qu’on ne va pas faire de la discrimination à mon encontre à cause de mon bonnet.» Le créole vous dit : «Je veux croire qu’on ne va pas me donner un coup de pied parce que j’habite St Croix.» Ils ne peuvent pas avoir confiance parce que quand ils sont au plus bas, il y a des politiciens qui viennent allumer le feu communal.

? Quand un député devient le représentant d’une communauté, comment alors s’étonner que les organisations socioculturelles ou religieuses se l’approprient et fassent des pressions ?

Ce ne sont pas ces organisations qui sont à blâmer, mais le politicien qui accepte de se plier. Je me prends en exemple j’ai pris une position en ce qui concerne l’avortement qui était contraire à ce que l’on attendait de moi. Bien sûr qu’il y a eu des pressions mais celles-ci ne me font aucun effet. Mais certaines personnes choisissent de se plier à ces pressions.


Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN

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