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Sheila Bunwaree: “Il faut éviter d’être trop techniciste sur la réforme électorale»

24 juillet 2009, 12:53

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La chercheuse et universitaire de l’Institut du développement social et la paix revient sur les enjeux politiques contemporains.

Alors que l’Institut du développement social et la paix a organisé le 24 juillet un séminaire sur la nécessité d’un renouvellement de la culture politique, nous avons choisi d’inviter l’une de ses animatrices, Sheila Bunwaree, à partager ses réflexions sur l’évolution de la société politique mauricienne.

Pourquoi avoir besoin aujourd’hui d’une nouvelle culture politique? Que reprochez-vous aux pratiques en cours?

Je pense que, quelque part, il y a un hiatus entre la politique et le citoyen. Les deux ne se retrouvent plus. Ils ont besoin d’un repère beaucoup plus précis mais il y a un manque de correspondance d’idées. Il y a une perception que les politiciens sont là juste pour leur propre fin et non pas pour servir le peuple. On entend souvent à la radio les reproches qui sont adressés aux politiciens. Les citoyens pensent toujours que les politiciens ne cherchent qu’à remplir leurs poches, qu’à se servir au lieu de servir le peuple. Je crois que, quelque part, c’est un peu exagéré. Généralement, les politiques sont bien intentionnés et sont là pour servir le peuple. La question qu’on doit se poser, c’est de savoir ce que signifie ‘servir le peuple?’ C’est s’assurer qu’il y a un vrai projet de société. Et conséquence, se demander si le politicien moyen, qui est au pouvoir aujourd’hui, est capable de faire aboutir un véritable projet de société? Un vrai projet de société veut dire une société plus juste et équitable dans tous les sens du mot et non pas seulement faire de la rhétorique en parlant de justice sociale. C’est s’assurer qu’il y ait une meilleure articulation entre le social et l’économie à travers les politiques mises en place pour qu’on puisse revoir tous les secteurs, tels que l’éducation, la santé ou la sécurité sociale.

Il a beaucoup été question de réforme électorale. Dans quel sens devrait aller cette réforme selon vous?

Je crois qu’il faut éviter d’être trop techniciste sur la question de la réforme électorale. Il y a bien sûr beaucoup d’experts qui se penchent sur la réforme électorale. Pour moi, l’essentiel, c’est qu’on veut avoir une réforme électorale pour éviter de rééditer un 60/0. Cela voudrait dire qu’on ne pourra pas avoir une vraie opposition politique. Si on parle de Maurice comme étant une vraie démocratie, je ne crois pas qu’on peut avoir une démocratie sans une opposition adéquate. Ou encore une opposition qui ne fait que de la figuration. Quand je dis ‘assumer son rôle d’opposant’, c’est être capable de faire valoir des arguments concrets et agir en véritable chien de garde. Je crois que la reforme électorale est très importante pour assurer cela.

Deuxièmement, la réforme électorale est aussi très importante pour pouvoir garantir une meilleure représentation de la diversité mauricienne. Lorsque je parle de diversité mauricienne, je fais référence au déficit de la représentation féminine en politique. Avec un système de proportionnelle, il y a toujours moyen de hausser le nombre de femmes au Parlement. C’est très important, dans une société égalitaire et équitable, qu’on ait plus de femmes en politique et ce sera naturellement beaucoup plus inclusif. De ce point de vue, je crois que c’est extrêmement important qu’on pousse vers cette réforme électorale sans plus tarder parce qu’on a suffisamment réfléchi sur la question. On a eu des rapports de plusieurs experts et même M. Rama Sithanen a fait de belles propositions sur ce dossier. Bien-sûr, il faut rechercher un consensus surtout dans un contexte tel que Maurice. Mais il faut qu’on aille de l’avant et qu’on pousse cet agenda pour qu’on puisse justement avoir une société beaucoup plus inclusive.

Qu’est-ce qui explique qu’on n’arrive pas à régler la question du financement des partis politiques?

Ca, c’est une question très difficile. Je ne sais même pas pourquoi on n’arrive pas à le régler. Je crois qu’il y a un manque de volonté parce qu’il est clair que le public mauricien est en train de réclamer plus de transparence. On a de plus en plus le sentiment que le financement des partis politiques par les entreprises privées devient quelque chose d’inacceptable. Car c’est lié à plusieurs autres formes de corruption, que ce soit de la petite ou grande corruption. Au nom de la transparence, c’est extrêmement important qu’on puisse demander aux entreprises privées de déclarer ce qu’elles donnent mais aussi aux partis politiques de rendre public ce qu’ils reçoivent officiellement. Cette transparence, tout le monde reconnaît son importance. Mais, personne ne la pratique. C’est dommage. On est un peuple avancé. On a des politiques mûrs. Cependant, une loi du non-dit ou de la pusillanimité pousse tout le monde vers l’inaction. L’un des moyens de sortir du statu quo, c’est d’explorer la piste du financement par l’Etat des partis politiques. Ce serait une formule qui permettrait à chacun de jouer à pieds d’égalité.

Pensez-vous réellement qu’un code de conduite serait respecté par les partis politiques à Maurice?

Je crois que c’est très important d’avoir un code de conduite. On en a eu une esquisse avec la dernière élection partielle au No. 8. Il serait souhaitable d’amender le Representation of People’s Act pour qu’on puisse faire de sorte à ce que le code de conduite devienne obligatoire et soit régi par la loi. Aussi longtemps que ce n’est pas légiféré et qu’il n’ait pas force de loi, ce sera difficile de faire respecter les règles du jeu.



 

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