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Sophie de Robillard : « Il faut un changement de mentalité envers les ex-déténus »
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Sophie de Robillard : « Il faut un changement de mentalité envers les ex-déténus »

Le nouveau commissaire des prisons Jean Bruneau a récemment déclaré que sa priorité serait la réinsertion des anciens détenus. Vous faites du bénévolat dans les prisons depuis une dizaine d’années et connaissez donc bien le milieu carcéral. Comment s’opère ce processus de réinsertion ?
Les détenus qui le souhaitent peuvent bénéficier d’une occupational therapy, c’est à- dire d’une formation à l’intérieur du centre pénitencier. Cela leur permet de canaliser leur énergie et par la même occasion d’apprendre un métier.
Le processus de réinsertion nécessite également un suivi thérapeutique vu que beaucoup d’entre eux ont un lourd passé.
Il ne faut pas oublier que même s’il a commis une faute, le prisonnier est avant tout un être humain.
Il est aussi nécessaire de faire en parallèle un travail au niveau des enfants et de la famille, par exemple, les encourager à faire des visites plus régulières à la prison.
L’étape qui précède la sortie de prison est particulièrement importante car certains détenus font de petites dépressions. Ils appréhendent souvent la vie qui les attend hors du centre pénitencier, d’où l’importance d’une préparation psychologique et d’un projet professionnel.
La réinsertion professionnelle ne se fait pas sans embûches…
Malheureusement, il faut avouer que les opportunités d’emploi manquent pour les anciens  détenus. Je connais par exemple une ex-détenue qui a suivi une formation en informatique à travers l’Empowerment programme mais qui n’est pas parvenue à trouver un travail dans ce domaine à cause de son passé. Il est nécessaire qu’il y ait un changement de mentalité au sein des firmes privées envers les ex-détenus ayant suivi une formation et souhaitant avoir un travail.
La gestion des prisons par le prédécesseur de Jean Bruneau, Lingamanaicker Vijayanarayanan, a été jugée désastreuse par de nombreuses personnes. Partagez-vous cette opinion ?
L’ancien commissaire a fait un tort immense à notre ONG. Il y a deux ans, il a tout bonnement fait retirer des équipements qui avaient été mis à notre disposition par l’Empowerment Foundation, pour mettre en place son propre programme de réinsertion. Un programme qui n’a d’ailleurs jamais vu le jour. Nous avons même perdu des bénévoles qui se sont découragés tellement l’ancien commissaire des prisons leur mettait des bâtons dans les roues.
De plus, il a refusé de donner les accréditations nécessaires à un psychologue que notre ONG avait embauché pour se rendre dans les centres pénitenciers.
Jusqu’à présent, je n’ai pas compris pourquoi il a agi de la sorte. Je suis convaincue que le nouveau commissaire fera un meilleur travail. Jean Bruneau est aussi excellent du point de vue de la communication. Il y aura vraisemblablement une plus grande transparence par rapport à notre système pénitencier.
La surpopulation carcérale est un problème majeur à Maurice. Mise à part l’augmentation de la capacité pénitentiaire, quelles solutions pourraient contribuer à l’atténuer ?
Je pense que certains petits délits ne devraient pas être punis par des peines d’emprisonnement fermes. Il faudrait, à mon avis, introduire de nouvelles sanctions telles que les travaux d’intérêt général ou le bracelet électronique. Nous vivons dans une petite île et l’utilisation du bracelet électronique a toute sa pertinence.
L’on dit souvent que la prison est l’université du crime. Il est donc nécessaire d’éviter que des jeunes ayant commis de petits délits se retrouvent dans la même prison que des criminels notoires.
Une autre solution pourrait être l’instauration de prisons de low security ou medium security, c’est à- dire, de centres pénitenciers avec des conditions de détention plus souples.
La violence au sein des prisons, les trafics en tout genre et l’incroyable évasion de l’an dernier ont considérablement terni l’image du personnel pénitencier. Y a-t-il un problème d’incompétence, de fatalisme ou de connivence avec les prisonniers ?
Le métier d’officier de prison n’est pas suffisamment reconnu à sa juste valeur et est souvent injustement décrié. La plupart d’entre eux font montre d’une grande conscience professionnelle et sont souvent appelés à agir de façon héroïque.
La pénibilité de leur travail fait qu’il est nécessaire d’être à leur écoute. Le problème est souvent pris par le mauvais bout.
Il faut dire que la prison est essentiellement un lieu de répression.
La formation continue des officiers de prison, par exemple, sur des techniques de gestion de groupes s’avère indispensable. Des mesures incitatives visant à responsabiliser les détenus pourraient aussi aider à diminuer la violence dans nos prisons. La bonne conduite des prisonniers pourrait, par exemple, être récompensée par la possibilité de recevoir des visites plus fréquentes de leurs proches.
Lors du dernier budget, le ministre des Finances a annoncé que plus d’un milliard de roupies seraient allouées à l’amélioration des centres de détention de l’île. Si cette somme est vraiment débloquée, par quoi devrait-on, selon vous, commencer ?
La vétusté de certaines prisons pose un réel problème. Je pense qu’une partie importante de cette somme sera utilisée pour la rénovation des établissements carcéraux et l’amélioration des conditions sanitaires des détenus.
Cependant, s’il y a une volonté d’enclencher des réformes visant à améliorer notre système pénitencier, il faut que les politiques, les membres d’ONG et les officiers travaillant dans les prisons prennent le temps de s’asseoir et de travailler ensemble à la rédaction d’un White Paper. Un plan d’action cohérent avec une vision commune à long terme et des définitions concrètes des objectifs à atteindre s’avère indispensable.
 
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