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Sunil Benimadhu : «L’accès à l’actionnariat comporte aussi des risques»
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Sunil Benimadhu : «L’accès à l’actionnariat comporte aussi des risques»

Le CEO de la Bourse de Maurice (Stock Exchange of Mauritius) commente l’évolution du marché financier et explique la stratégie de l’institution qu’il dirige.
 
? La «Stock Exchange of Mauritius» (SEM) se lance actuellement dans une internationalisation de ses services. Pourquoi une telle démarche?
Cette démarche répond à une double exigence. Tout d’abord, il s’agit de trouver une réponse aux contraintes structurelles imposées par l’exiguïté d’une économie insulaire, qui impose une certaine limite sur le nombre de sociétés locales pouvant se faire coter en Bourse.
Tout en poursuivant notre initiative d’encourager d’autres sociétés locales à se faire coter en Bourse, nous nous appuyons depuis deux ans sur une nouvelle stratégie d’internationalisation qui vise à attirer la cotation de sociétés/fonds opérant hors de nos frontières. Nous avons dans un premier temps introduit les règles de cotation pour les Global Funds. Nous sommes, ensuite, venus de l’avant avec des règles favorisant la cotation des Global Business Companies et des Specialised Debt Instruments.
Il s’agit aussi d’axer le développement futur de la SEM sur la stratégie nationale de positionner Maurice comme une plateforme de service reliant les pays de l’Ouest/de l’Asie à l’Afrique. Dans ce contexte, nous avons mis sur pied, avec le soutien du Central Depository System, de la Banque centrale et des banques commerciales, une plateforme boursière qui fait de la SEM la seule Bourse en Afrique capable de coter des produits financiers en dollar américain, euro et livre sterling, d’organiser les transactions boursières et d’assurer le dénouement de ces transactions dans ces trois monnaies internationales.
? Et les «Depositary Receipts» que la SEM se propose de lancer prochainement ?
Pour donner une nouvelle impulsion à notre stratégie d’internationalisation, nous sommes venus récemment avec des règles pour coter les Depositary Receipts qui visent les produits africains et des règles pour la cotation des sociétés minières. La prochaine étape de notre stratégie d’internationalisation concerne la mise en place d’un nouveau système de Trading électronique. Il nous permettra de nous connecter directement à des opérateurs internationaux, ouvrant la voie à la mise en oeuvre du concept de Remote Membership à la SEM et de nous lier à d’autres plateformes boursières dans le monde.
Notre objectif est d’ouvrir notre marché à des Global Players pour qu’ils s’intègrent à notre plateforme et nous apportent les Order Flows nécessaires au développement de Maurice comme une plateforme de service pour l’Afrique. L’internationalisation de notre plateforme boursière est un objectif ambitieux, difficile à concrétiser dans un contexte international très difficile. Mais il mérite que l’on s’y attelle pour surmonter les rigidités d’une petite économie et contribuer à terme à la création de plus de substance dans notre secteur financier.
? Est-ce que le succès d’une telle stratégie ne dépend-elle pas de l’apport d’autres opérateurs du secteur financier ?
Il est évident que la SEM ne réussira pas seule cette stratégie d’internationalisation dont le succès est tributaire de l’apport, de la participation et de la contribution des opérateurs du secteur financier. Je me réfère ici aux Fund Managers, aux Management Companies opérant dans le Global Business, aux banques, aux fonds de pension, aux brokers et j’en passe. J’irai encore plus loin. Je suis d’avis que le positionnement de Maurice comme un centre financier international exige que nous puissions attirer des Global Players chez nous. Cela, pour que nous puissions monter en gamme en matière de services offerts à partir de la plateforme mauricienne.
? Ne pensez-vous pas que ces initiatives doivent faire l’objet de campagnes de marketing ?
Il demeure fondamental que nous engagions une réflexion sur les initiatives à mettre en oeuvre pour que Maurice puisse effectivement émerger comme une plateforme capable d’offrir toute une panoplie de services. Ceux-ci incluent entre autres, la structuration de produits financiers, l’innovation financière et la création de nouveaux produits financiers, l’Investment Banking, la levée de capitaux pour les sociétés étrangères à partir de la plateforme mauricienne, la cotation boursière, etc. Bref, nous envisageons notre rôle à la SEM comme étant celui d’une institution qui doit s’évertuer à mettre en place les structures réglementaires et opérationnelles nécessaires à un développement à la fois qualitatif et quantitatif de notre secteur financier. Mais il est clair que ce sont les opérateurs du secteur financier qui devraient capitaliser sur l’existence de ces structures pour assurer une montée en gamme des services offerts et assurer l’innovation financière, comme cela se passe dans d’autres centres financiers.
? Quelle évaluation faites-vous de l’évolution du marché boursier depuis le début de cette année ?
Une analyse des statistiques montre que 2009 et 2012 demeurent les deux seules années de la dernière décennie où la Bourse de Maurice a clôturé les quatre premiers mois de l’année en baisse. En 2009, le marché avait cédé 4,8 % entre le 1er janvier et le 30 avril dans le sillage de la débâcle financière internationale. En 2012, le marché a perdu encore une fois environ 4,8 % durant les quatre premiers mois de l’année. Cela s’est produit dans le sillage de la crise européenne et l’incertitude qu’elle fait peser sur les résultats futurs des sociétés cotées et sur l’économie mauricienne en raison de notre développement eurocentrique. En l’absence de visibilité par rapport à la durée de cette crise, le marché boursier est caractérisé par un certain attentisme et cet attentisme influe sur la liquidité et les volumes de transactions.
? Comment analysez-vous la situation économique en Europe ?
La situation économique en Europe demeure très difficile. Le taux de croissance du bloc européen dans son ensemble est anémique et certains pays de la zone sont aujourd’hui exposés aux risques sérieux de décroissance. La marge de manoeuvre en matière de politique monétaire pour relancer l’activité économique dans la zone demeure très étroite car les taux d’intérêt sont déjà à des niveaux historiquement bas. Les prêts accordés par la Banque centrale européenne aux banques commerciales pour qu’elles puissent huiler la machinerie économique par le biais de prêts aux entreprises à des taux compétitifs n’ont jusqu’ici pas produit les effets escomptés.
Le recours aux remèdes classiques par le biais d’une stimulation à la keynésienne se heurte à l’obstacle de surendettement de plusieurs pays de la zone. Par ailleurs, les marchés financiers exigent aujourd’hui une prime de risque très élevée à certains pays de la zone, les rendant encore plus vulnérables à la spirale du surendettement.
Donc, on se trouve aujourd’hui dans une situation où la concertation et l’interventionnisme tous azimuts ont su éviter un crash de la zone euro, mais on est loin d’être sortis de l’ornière. Les pays surendettés de la zone sont aujourd’hui soumis à un régime drastique de remise à niveau budgétaire, certes nécessaire, mais qui pourrait accentuer les problèmes de chômage et de tassement de l’investissement.
? Quels sont, selon-vous, les principaux enseignements de la crise européenne ?
Il y en a plusieurs, mais je voudrais me focaliser sur les plus saillants d’entre eux. Premièrement, cette crise a mis en exergue l’inadéquation d’une Union européenne reposant davantage sur le centralisme monétaire, mais qui ne dispose pas d’un mécanisme supranational assurant une discipline fiscale effective. Or le succès d’un regroupement d’une telle dimension en est tributaire. Deuxièmement, la crise européenne a souligné la nécessité de réfléchir sur le fonctionnement de l’Etat providence et d’effectuer des réformes pour assurer sa pérennité. Troisièmement, cette crise remet en cause le train de vie pré-crise des Etats européens et les condamne aujourd’hui à un abaissement drastique de ce train de vie. Au niveau de Maurice, je crois que la poursuite d’une politique de diversification et de pénétration de nouveaux marchés est plus que jamais de mise.
? On annonce depuis quelque temps déjà le «listing» de «Mauritius Telecom» à la Bourse. Estimez-vous qu’une entreprise publique de cette taille va dynamiser davantage le marché ?
Il est évident que la cotation de Mauritius Telecom ajoutera une nouvelle dimension et donnera une certaine impulsion aux activités boursières. Mauritius Telecom est une société qui est bien implantée dans le secteur de la télécommunication et de la technologie de l’information. Elle dispose d’un track record qui fait d’elle un candidat de listing qui va certainement attirer l’attention des investisseurs locaux et internationaux.
Sa cotation permettrait aussi l’ouverture de son actionnariat à des milliers de Mauriciens. Elle leur donnera également l’occasion de participer à l’évolution de cette société en conformité avec l’objectif de démocratisation de l’économie. Mais la cotation de Mauritius Telecom a été annoncée plusieurs fois dans le passé.
? On parle beaucoup de démocratisation de l’économie. Comment la plateforme boursière peut contribuer à atteindre cet objectif ?
La démocratisation de l’économie est un concept complexe qui comprend plusieurs dimensions. La plateforme boursière peut être utilisée à bon escient pour couvrir l’une de ces dimensions. En effet, la Bourse permet à des milliers de Mauriciens d’accéder à l’actionnariat de nombreuses entreprises locales et de bénéficier proportionnellement des avantages que peut procurer toute évolution positive de ces entreprises. Il va sans dire que l’accès à l’actionnariat comporte aussi des risques en cas de mauvaises performances des entreprises. Cela dit, ils sont quelque 80 000 Mauriciens qui sont actionnaires des 90 sociétés cotées à la Bourse de Maurice. Les statistiques démontrent que dans l’ensemble, ces actionnaires ont été jusqu’ici bien rétribués en termes de rendement.
? Qu’en est-il du rendement sur le marché ?
Les 20 premières sociétés sur le marché officiel ont généré des rendements totaux entre 1 274 % et 14 856 % depuis leur cotation en Bourse. Sur le Development & Enterprise Market (DEM), les rendements totaux des 20 premières sociétés se situent entre 174 % et 1 350 % depuis l’introduction de ce marché en octobre 2006.
Interview réalisée par Villen ANGANAN
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