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Tassarajen Pillay Chedumbrum : «MT n’appartient pas aux Français mais aux Mauriciens»
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Tassarajen Pillay Chedumbrum : «MT n’appartient pas aux Français mais aux Mauriciens»

Le ministre des Technologies de l’information et de la communication soulève la question de bonne gouvernance à l’opérateur historique des télécommunications et n’hésite pas à évoquer le taux de suicide d’employés chez France Télécom.
Vous semblez être très remonté contre «Mauritius Telecom» (MT). Pourquoi ?
Il vous suffit d’observer ce qui se passe et les conditions dans lesquelles les employés de MT évoluent. Cela saute aux yeux qu’il existe un climat malsain dans cette société. Quand on parle de bonne gouvernance, on ne peut pas laisser une personne sur un contrat à durée déterminée éternellement. L’employé se retrouve dans une situation précaire et il doit forcément accepter tous les caprices de son employeur, de peur de perdre son emploi. Ce n’est pas normal. A-t-on besoin de ces employés uniquement pou tir tou zi ki ena ar li, ek kan ou truve li nepli serviab pou ou, ou larg li ?
Qu’attendez-vous de MT ?
Il faut pouvoir apporter un élément de confort à tous les niveaux. Je suis persuadé que ce sont les employés qui ont travaillé pour faire de MT ce qu’elle est aujourd’hui. Ce n’est pas le partenaire stratégique de MT (NdlR : France Télécom) qui a fait cela. En observant ce qui s’est passé en France et dans les autres pays où France Télécom (FT) opère, ainsi que le taux de suicides, j’ai de bonnes raisons de penser que we are sitting on a barrel of gunpowder.
La situation est-elle aussi grave à Maurice ?
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu d’explosion à ce jour, qu’il n’y en a pas une en préparation. J’ai eu l’occasion de parler à des employés. Il y a des problèmes à tous les niveaux. Par exemple, dans le cas des employés qui avaient refusé la mise en application du rapport Apanna en 2008. A ce jour, une grande partie n’a toujours pas reçu d’augmentation de salaire. MT souhaite appliquer une révision de salaires pour ces derniers uniquement à partir de janvier 2011. Mais, qu’en est-il des autres années ? MT dit ne pas avoir d’argent pour les payer. Toutefois elle a de l’argent pour faire d’autres activités !
Vous faites allusion aux investissements au Vanuatu ?
Le Vanuatu est une île qui a été ravagée par un tsunami et des séismes. En considérant la liste noire sur laquelle elle figure, je me demande si le consortium MT et FT a fait appel à son Risk Management Committee avant de prendre une décision de cette envergure.
Un représentant de votre ministère est pourtant sur le conseil d’administration de MT…
Oui, mon Permanent Secretary y siège pour représenter le ministère, mais… A un certain moment, on fait quand même confiance aux cadres qui siègent sur ce conseil. MT n’est pas uniquement dirigé par des Français. Le Chief Executive Officer (NdlR : Sarat Lallah) et même le Chairman sont des Mauriciens. Nous avons certes entamé des discussions avec eux, mais, à un certain moment, nous avons l’impression de parler dans le vide.
Ainsi, il est temps de secouer la baraque ! We have to start somewhere ! On aurait pu laisser cette situation telle quelle. Mais, celle-ci a assez duré. Les gens étouffent depuis trop longtemps. Nous avons des droits et des intérêts dans cette société et il est temps de défendre les intérêts des Mauriciens.
Donc, ce sont les cadres mauriciens qui sont responsables et non FT ?
Je ne crois pas que FT soit chez nous pour le social ! Toutefois, nous ne pouvons pas les laisser opérer ainsi. Cela ne nous mènera nulle part. Tout ceci ne constitue qu’un seul aspect du problème. Il y a encore une multitude de problèmes chez MT. D’abord, en quoi est-ce que nous avons bénéficié de tout ceci ?
Vous sous-entendez que c’est FT qui a le plus bénéficié de ce partenariat ?
A mon humble avis, oui ! Il faut savoir que MT était profitable même avant l’arrivée de FT. Elle l’a toujours été. Je parle même des investissements qui ont été faits sur le SAFE. Oui, ils ont investi sur le câble LION II… D’ailleurs, quand on regarde l’accord signé entre MT et FT en novembre 2000, le partenaire stratégique devait effectuer pas mal d’investissements dans la région. Pour moi la région implique surtout l’Afrique, entre autres. Or, ils sont allés investir jusqu’en Pacifique !
Que comptez-vous faire dans l’immédiat ?
Je veux d’abord faire un état de la situation. Il se pourrait qu’il y ait eu trop de laisser-aller de la part des Mauriciens, ce qui a mené à une telle situation. Toutefois, je crois que nous pouvons encore nous secouer et revoir notre stratégie pour avoir enfin une win-win situation. Il faut également voir si le peuple mauricien est en train d’avancer en termes de technologies. Nous avons aussi notre part de responsabilités. Je ne peux blâmer uniquement FT. On a dû leur donner la liberté et l’espace pour faire ce qu’ils voulaient ! Il est grand temps que les cadres mauriciens ouvrent les yeux. MT n’appartient pas aux Français, mais aux Mauriciens.
Vous voulez dire que MT peut se passer de FT ?
Cette situation a trop duré. Nous ne pourrons pas tout changer du jour au lendemain, mais nous avons bien l’intention de prendre le taureau par les cornes.
Peut-on dire que la démocratisation de l’accès à Internet est également bloquée par cette situation ?
Oui et non. Ecoutez, cette situation est présente dans tous les pays où il y a un opérateur dominant. Toutefois, le plus important est l’avantage donné au peuple. Par exemple, l’Open Access Policy a été critiqué au départ, mais elle a porté ses fruits. Aujourd’hui, Emtel peut acheter de la bande passante sur le SAFE et MT n’est plus le seul grossiste de la bande passante sur le marché. Toutefois, je ne suis toujours pas satisfait. Si on laisse MT opérer comme elle le fait, il n’y aura pas de développements dans ce secteur. Et ce, car la situation est forcément malsaine quand un opérateur agit en tant que grossiste et détaillant en même temps. Les autres opérateurs seront toujours les perdants et n’auront aucun intérêt à investir, vu que c’est MT qui contrôle les prix.
Ce serait, donc, pour cela que l’accès à Internet est toujours aussi cher ?
L’an dernier, j’avais insisté que MT procède à une révision des tarifs Internet. Avec le OAP, elle a été obligée d’accepter et il y a une baisse de 20 % en décembre 2010. Toutefois, elle a gardé le même prix pour l’offre My.T et elle a doublé la vitesse de la connexion. Sauf que je me demande bien si la capacité a effectivement été augmentée ? Je vais faire un exercice pour confirmer cela. Je n’affirme rien, mais je ne vois pas de grande différence dans la vitesse de connexion. De plus, ce n’est pas à MT de décider de cela. Un contrat relève d’un accord entre deux parties pour produire un effet de droit. Ce n’est nullement un contrat unilatéral, où seule une partie décide. MT ne peut, donc, pas décider pour l’abonné ! Elle ne peut pas lui imposer son choix ! Le choix devait être donné aux abonnés. Ce cas est toujours à la Competition Commission. D’ailleurs, je leur ai également remonté les bretelles. Cette affaire ne peut durer infiniment ! Cela va faire un an en décembre, depuis cette révision des tarifs. Que MT soit dans son droit et qu’il soit en tort, il faut qu’une décision soit prise dans cette affaire, une fois pour toutes.
Et ce sont les seuls soucis rencontrés avec MT ?
En fait, il y a une accumulation d’excès de la part de MT et comme vous le savez, excess of anything is bad. Néanmoins, mon objectif est clair. J’ai un mandat bien défi ni. La communication dans notre pays doit être parfaite. Nous devons être le pays le mieux connecté de la région et l’accès à Internet doit devenir un droit fondamental pour tout citoyen. Ainsi, je n’accepterais pas que n’importe qui vienne me mettre des bâtons dans les roues.
Que voulez-vous dire ?
Nous avons dû lutter pour avoir des baisses de tarifs. You don’t get it from these people by merely asking. Il faut appliquer beaucoup de pression pour cela. Donc, je le dis et je le répète, quand je regarde la façon dont se déroulent les choses chez MT, il n’y aura aucun développement. Aucun ! Tout au moins si nous continuons à les laisser agir comme ils le font. C’est un secteur prometteur, mais ce n’est pas MT, qui ne s’en tient qu’à son propre profit, qui va améliorer notre situation. Si nous voulons progresser, il faudra qu’on s’en occupe.
Pourquoi cette prise de position soudaine ?
Si Emtel peut proposer la bande passante à des tarifs variant entre 22 % et 44 % moins cher que l’opérateur historique, on doit bien se poser des questions. D’autre part, je dois vous dire que je parle avec conviction car le Premier ministre me donne de l’espace pour évoluer. Je sais très bien que bon nombre de personnes refusent de commenter la situation à MT, de peur de se faire taper sur les doigts. Cependant, moi, je suis un Mauricien et je pense à mes citoyens. De plus, je dois pouvoir dire ce que je veux, sinon cela ne vaut pas la peine d’être un ministre.
Certains disent que je joue le jeu de l’opposition. Quelle opposition ? Celle-là même qui avait vendu MT aux Français ? Celle qui refusait de répondre aux questions parlementaires sur MT ?
Dans une telle situation, pouvons-nous compter sur une éventuelle baisse de tarifs de la connexion à Internet cette année ?
Il est triste et dommage que notre législation stipule que c’est l’opérateur qui demande la baisse de tarifs et non la société régulatrice. Malheureusement, si c’est un petit opérateur qui en fait la demande, il ne pourra influencer une réelle baisse de prix. Dans la situation actuelle, la baisse doit venir de la part du grossiste (MT)… Mais des amendements sont à prévoir. La nouvelle ICT Act a été déjà mise en place. Nous attendons l’aval du State Law Office pour la présenter.
Propos recueillis par Zubair HANSYE
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