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TiFrer, chœur éternel

«TiFrer, Nou gran frer», livre hommage assorti d’un CD gratuit contenant des chansons inédites, lancé le mardi 21 mai au Blue Penny Museum. Ananda Devi et Marcel Poinen, entre autres, lui rendent hommage. Les tubes revisités, relevés par l’accordéon diatonique sont des chansons pour danser et penser.
Le tintement métallique du triangle démarre deux secondes presque imperceptibles avant le battement de la ravanne. Les bruits autour de vous s’effacent. Le présent est aboli. TiFrer est là. On se rend compte à quel point il n’est jamais parti. Ni de nos oreilles, ni de nos coeurs, ni de notre mémoire. On a beau ne pas avoir entendu Lagren kafe, Roseda, Ma bolema, Anita, Charlie O et tant d’autres, depuis des lustres, dès que la chanson module son rythme ternaire, nos émotions battent la cadence.
C’est cette sympathie faite de tendresse qui porte TiFrer, Nou gran frer, un livre doublé d’un CD débordant de perles inédites, lancées le mardi 21 mai, au Blue Penny Museum. Ce CD – jubilatoire et indispensable compilation c’est, comme le dit Marcel Poinen (ancien président de la Mauritius Society of Authors, photographe, comédien, artiste) le «grand cru» de TiFrer.
Ces arômes, il a fallu les «tirer de la poussière» des archives de la maison Damoo. Une oeuvre de salubrité publique qui a été faite en 2002 et qui avait abouti à un master, remis par le Premier ministre d’alors, Paul Bérenger, à Antoine Toussaint, petit-fils d’Alphonse Ravaton et représentant de la famille. «Zul Ramiah, qui avait été contacté, m’a approché pour ce projet. C’est là que j’ai découvert une version de Papitou sans accordéon».
Pourquoi ces chansons ne sont-elles pas sorties après l’enregistrement, dans les années 70 ? «Certaines étaient dérangeantes», explique Marcel Poinen. «À l’époque, les gens dont parlaient TiFrer se seraient sans doute reconnus».
Ce grand frère-là, Marcel Poinen a eu l’avantage de le côtoyer. Pendant quatre ans, pour la réalisation d’un livre, paru en 1990. «Ses textes n’avaient jamais été écrits», explique Marcel Poinen. «Je lui ai dit de nous donner tout ce qu’il avait dans la tête, de ne pas partir avec». À l’époque, TiFrer a 86 ans. Il était temps. «C’est déplorable que ces oeuvres-là ne soient pas conservées dans des archives accessibles à tous».
Le CD gratuit,- Emmanuel Richon, conservateur du Blue Penny Museum, tient à la précision-, propose des inédits. Grâce à eux, on retrouve des thèmes, tout autant que des mélodies qui sonnent étrangement familiers. Au total, ce sont 22 morceaux dont sept totalement inédits.
«Depuis 30 ans, TiFrer n’était pas disponible sur le marché»,soutient le conservateur,du Blue Penny Museum. La précédente oeuvre demémoire est le CD Ocora Radio-France, produit en1989. «Dessus, TiFrer est déjà très usé et malade». À la différencedu CD qui sera lancédemain, où TiFrer est d’aumoins 20 ans plus jeune quesur le disque Ocora Radio-France. Cela s’entend d’ailleursà la force de sa voix, aufil des chansons.
Autre différence : la présence appréciable de l’accordéon diatonique d’Ange, le frère de TiFrer. «Avec Ange, cela déménage», commente Emmanuel Richon. «Je n’arrive pas à comprendre que la succession du chanteur le plus connu de Maurice soit vide», s’insurge le conservateur. S’il réfute le mot misère, préférant celui de pauvreté, pour parler des conditions dans lesquelles TiFrer a vécu et est mort, il met cela sur le compte du «manque de confiance» pour expliquer pourquoi un CD hommage à TiFrer a mis autant de temps à voir le jour, depuis le master de 2002.
En 2009, à l’occasion d’une exposition consacrée à TiFrer au musée, Emmanuel Richon noue des liens avec Antoine Toussaint, le petit-fils du chanteur.
* Livre + CD contenant des chansons inédites, en vente à Rs 1 250.
Ce qu’ils en disent
Le livre qui accompagne le CD donne l’occasion à plusieurs auteurs de dire leur TiFrer. Extraits.
ANANDA DEVI : «TiFrer ne doit pas être emprisonné dans le folklore, ce mot qui a depuis longtemps perdu son sens premier, le savoir du peuple» (…) «Dites son nom et vous saurez qui nous sommes. Il n’y a que lui pour ainsi nous dire. Il n’y a que lui pour avoir tout compris avant même que cela soit nécessaire» (…) «Letan mo retourn dan lakour motrouv mo piti bordife. Pe badinnbordife ek pogne lasanndan lamin. Cette poignée decendres, c’est l’histoire saisiedans quatre mots. L’histoired’un homme, certes,mais aussi l’histoire de tousces hommes, de toutes cesfemmes, déversés là sur cepan de terre pour y vivreet pour y mourir (…) sansjamais oublier que tout cequ’ils auront en retour, cesera une poignée de cendres».
SEDLEY RICHARD ASSONNE,«on ne letrouve ni sur un billet debanque ni sur une pièce demonnaie ! Parce que TiFrerfait trop peuple, trop tiolo»(…) «C’est sûrement pour lecantonner à ce ghetto populaire(…) son nom reste seulementaccolé à une cité, dansson village natal».
JEAN CLÉMENT CANGY ET MARCEL POINEN :«TiFrer n’enregistra son premier séga que sur le tard. Mais le musicien sera projeté en pleine lumière, lors de la Nuit du séga d’octobre 1964 au Morne (…) Le premier morceau enregistré grâce à la maison Damoo (dans des conditions rudimentaires) est Tamasa. C’était le premier 78 tours réalisé à Maurice (…) A la cérémonie du premier anniversaire de l’indépendance de 1969, TiFrer et sa troupe, de même que celles de Cyril Labonne, Serge Lebrasse et Alain Permal, furent tous invités à participer».
DOCUMENTATION
✍1990 : Marcel Poinen et Jean Clément Cangy publient un recueil des textes de TiFrer.
✍1993 : Colette Le Chartier, alors au Centre Nelson Mandela pour la culture africaine, publie «TiFrer, poète du quotidien».
✍2002 : Paul Bérenger, alors Premier ministre, remet une compilation de ségas «remasterisés» de TiFrer à Antoine Toussaint, petit-fils d’Alphonse Ravaton, représentant des descendants de TiFrer. Il s’agit d’un «master» des Enregistrements conservés par la maison Damoo.
✍Film de Selven Naidu en collaboration avec Marcel Poinen et Jean Clément Cangy.
✍Film d’Amick Teeluckdharry, Mahen Bujun et Marcel Poinen, «Empreinte, Vibration avec le temps».
Toutes les photos proviennent de TiFrer Nou gran frer.
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