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Trilock dwarka, président de l’ IBA : «A cause d’une radio...»

1 décembre 2012, 04:14

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Le président de l’«Independent Broadcasting Authority» (IBA) défend la décision d’interdire les appels téléphoniques politiques des auditeurs mais, en même temps, admet qu’il faudrait un espace audiovisuel plus sain – faisant référence à la MBC. Il est aussi très dur à l’égard des radios privées.

? Qui est à l’origine de cette mesure liberticide de bannir les auditeurs de la radio ?

Tout d’abord, je crois qu’il faudrait reformuler votre question parce qu’on n’a, à aucun moment, empêché le peuple de s’exprimer sur les radios. Au contraire, le public a le droit d’accès à l’antenne dans tous les programmes sauf pour les émissions politiques parce que ces interventions peuvent porter atteinte au processus électoral.

? Mais enfin, bientôt vous allez demander aux gens de ne pas parler politique en public quand il y a une élection !

Non, je parle des interventions politiques partisanes sur les ondes des radios à deux semaines des élections. Le principe de suspendre les émissions politiques 48 heures avant des élections est déjà établi. Nous n’avons fait qu’étendre cette période de dix jours parce qu’il y a des problèmes d’équité qui se posent et c’est notre responsabilité de garantir cette équité à l’antenne.

? De quel problème d’équité parle t- on ?

Quels sont les critères que les radios utilisent pour décider qui devrait être à l’antenne ? S’il y a 100 auditeurs qui demandent la parole, comment décide-t-on qui choisir ?

? Le «first-come-first-served basis», cela va de soi, non ?

Oui, mais on sait très bien qu’il y a un déséquilibre à ce niveau. S’il y a dix auditeurs choisis, cela arrive souvent que les dix aillent dans la même direction et cela crée un débalancement.

? Vous ne pouvez pas dire aux gens qu’ils n’ont pas le droit de s’exprimer parce que vous n’aimez pas ce qu’ils disent.

Cela ne reflète pas la situation dans le pays !

En marge des élections de 2010, Abdoollah Earally animait une émission et sur 88 auditeurs, 67 prenaient partie pour l’opposition, dix étaient neutres et le reste critiquait le MMM.

C’était grave puisqu’il y avait un déséquilibre et l’IBA ne pouvait pas continuer à se croiser les bras. La question qui se pose est donc : quels sont les critères utilisés pour choisir ces auditeurs ? Finalement, ce n’est pas l’IBA qui bâillonne les auditeurs mais les radios, puisqu’elles ne donnent pas la parole à la grosse majorité des auditeurs et encourage les serials callers.

? Que voulez-vous que les radios fassent alors ? Qu’elles demandent aux auditeurs leur couleur politique avant d’accepter de les passer à l’antenne ?

Non, pas du tout. A la BBC, quand vous appelez, ils jugent la pertinence de votre point de vue avant de décider s’ils vont vous faire passer à l’antenne ou non. Il y a un encadrement avant même que l’auditeur n’intervienne à la radio.

? Pourquoi ne pas avoir proposé cela aux radios au lieu de prendre cette mesure extrême ?

Parce qu’il y a une radio qui a, jusqu’ici, été réfractaire à toutes sortes de tentatives de contrôle. Malgré tous nos appels à cette radio, il n’y a eu aucun changement. C’était l’anarchie totale.

? L’IBA n’avait qu’à prendre des sanctions contre la radio en question.Pourquoi pénaliser les autres quand vous admettez que le problème vient d’une seule radio ?

Nous n’avons pas le pouvoir de sanctionner. La seule chose que nous pouvons faire est de reprendre la licence d’une radio et nous n’envisageons pas cette éventualité.

? Pourquoi ne pas avoir proposé une solution comme celle de la BBC aux radios au lieu d’imposer l’arrêt des «phone in» ?

Le problème, voyez-vous, c’est que les responsables des radios veulent la facilité, ils ne veulent pas enregistrer leurs émissions, ils ne veulent aucun contrôle. Je rappelle que ce qui fait débat, c’est une mise en veilleuse des interventions des auditeurs pour quelques jours. Car il ne faut pas oublier que les radios privées sont, avant tout, des compagnies commerciales qui réalisent des profits énormes – une question qui devra d’ailleurs interpeller l’IBA tôt ou tard. Le recours au téléphone permet de remplir la grille des programmes sans investissements majeurs ni imagination.

? Ce n’est pas le sens de ma question.

Je vous la répète : avant que l’IBA n’émette les directives, pourquoi ne pas avoir appelé les responsables des radios pour en discuter et trouver d’autres solutions ?

Ecoutez, nous pensons que ce que nous avons fait est tout à fait légal et nous n’avons aucune objection à ce que ceux qui se sentent lésés testent la légalité de cette directive en Cour. Ce sont des règlements internationaux qui existent en France, par exemple.

? Si vous êtes aussi sûr de votre point, pourquoi est-ce que vous continuez à discuter avec les radios ?

Nous privilégions le dialogue en temps normal. Mais nous nous sommes rendu compte que tous nos conseils, tous nos avertissements, tout ce qui ressort des réunions avec les radios privées – surtout une en particulier – tombent dans les oreilles de sourds. Mais maintenant, si elles nous garantissent qu’elles sont disposées à prendre des précautions pour qu’il n’y ait pas de dérapages, pas de diffamation, l’IBA est tout à fait disposée à considérer leurs suggestions.

? Vous devriez surtout demander au gouvernement d’amender l’«IBA Act» ! Geoffrey Robertson avait recommandé au Premier ministre de revoir la loi pour y introduire des amendes conséquentes que l’IBA pourrait infliger aux radios à chaque fois qu’il y a violation des directives, comme cela se fait ailleurs !

Je suis tout à fait d’accord qu’il faut des amendements car, effectivement, si l’IBA avait un pouvoir de sanction et pouvait infliger des amendes, nous n’en serions pas là.

? Pensez-vous vraiment que le fait que les gens fassent des commentaires politiques à la radio va avoir un effet sur le résultat des élections ? C’est à ce point-là que vous tenez le jugement des Mauriciens en bas estime ?

Pour les élections, les radios doivent accorder un temps d’antenne égal aux candidats c’est le même principe. Nous ne pouvons pas appliquer cette règle aux candidats et non à leurs agents.

? Si en 2010, quand vous dites avoir réalisé qu’il y avait un problème au niveau des radios, huit auditeurs sur dix appelaient pour dire que «Navinchandra enn gran dimounn», est-ce que l’IBA aurait été aussi sévère cette fois-là ?

Nous n’avons rien à faire avec la politique. Nous voulons que tout se passe dans les règles, que les opinions soient exprimées dans la mesure, dans la modération, qu’il n’y ait pas d’allégations non fondées, des propos injurieux ni d’abus constants à l’antenne. C’est ce que nous souhaitons. Il faut que cet esprit d’équité prime.

? Vous ne répondez pas à la question.

Tout à fait. Nous aurions fait la même chose, nous aurions certainement appelé le responsable de la radio pour lui donner un avertissement.

? Le Premier ministre vous a-t-il appelé pour vous dire de «bez bann radio la» ?

Pas du tout. Je ne me rappelle plus de la dernière fois que j’ai parlé à Navin Ramgoolam.

? Dans ce cas-là, pourquoi est-il allé défendre votre décision au Parlement ?

Parce que nous savions, au vu des protestations qu’il y a eu, qu’à l’examen en comité du budget, des questions seraient posées. Nous avons donc envoyé des explications au bureau du Premier ministre.

? Les membres du gouvernement ont développé une sorte d’allergie aux critiques. Serait-il vrai de dire que l’IBA a aussi intériorisé ce sentiment ?

Ah non. Nous faisons notre travail comme il doit être fait. Du 1er janvier au 31 décembre, tout le monde est libre de critiquer qui ils veulent, mais pas pendant une période électorale.

Nous sommes parfaitement à l’aise avec les critiques car nous sommes pour la liberté d’expression et nous voulons promouvoir l’autorégulation.

C’est uniquement quand il y a des excès que nous réagissons.

? Et les excès de la MBC ne vous interpellent pas ?

Mais nous avons servi deux lettres à la MBC ! Quand il y a des violations, oui, nous réagissons.

? Lors du JT de samedi, 13 minutes ont été allouées au gouvernement et 5 minutes à l’opposition. Ce n’est pas une violation du principe d’équité ?

La MBC nous a déjà expliqué qu’elle fixe le temps d’antenne alloué aux partis politiques en fonction de leur représentativité au Parlement.

A l’IBA, on leur a dit d’essayer de voir s’ils pouvaient assurer un meilleur équilibre.

? Mais au-delà du temps d’antenne reparti, la MBC est souvent accusée par l’opposition de manipuler l’information. La diffusion de la PNQ sur Bangaleea est un bon exemple. L’IBA n’a rien à dire à ce sujet ?

C’est du ressort du Speaker. Mais il faut aussi comprendre que nous ne pouvons pas nous ingérer dans le contenu éditorial des bulletins d’information de la MBC c’est leur prérogative.

Notre mandat concerne l’équilibre et les excès. Mais je vous l’accorde, il y a des lacunes dans la loi qui régit l’IBA et il faut la parfaire, même la revoir de fond en comble.

? Et depuis sept ans qu’il est au pouvoir et qu’il menace de réglementer les médias, le gouvernement n’a toujours rien fait à ce niveau. La MBC continue de faire comme bon lui semble. Ce climat médiatique frustre-t-il le professionnel que vous êtes ?

(Hésitations…) Vous avez raison. Je suis un professionnel de l’information et je crois foncièrement que nous devrions avoir des pratiques plus démocratiques et un espace audiovisuel probablement plus sain. C’est, je crois, l’idéal auquel tout professionnel doit aspirer.

Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN

 

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