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Un code pénal à dépoussiérer

18 août 2012, 20:00

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Un code pénal à dépoussiérer

Un rapport de la Law Reform Commission évalue le dispositif en vigueur concernant les atteintes à la personne. Gros plan sur quatre domaines à actualiser.

  • LE VIOL

Le viol est sanctionné par l’article 249 du code pénal, qui prévoit une peine d’emprisonnement de 10 à 40 ans. La Law Reform Commission relève que la loi ne définit pourtant pas ce qui constitue le viol. A l’origine, le droit pénal français, qui inspire le texte mauricien, considérait que seul un homme pouvait être coupable de viol, et ce à l’encontre d’une femme. Mais la jurisprudence a évolué. C’est pourquoi la commission se demande s’il ne serait pas utile d’actualiser le dispositif mauricien. Le rapport cite en exemple le nouveau code pénal français, qui définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». La commission relève également que le droit canadien a aboli « l’immunité entre les conjoints ».

  • LA SODOMIE

L’article 250 du code pénal mauricien incrimine l’acte de sodomie au même titre que celui de bestialité. Les deux crimes sont passibles d’une peine de prison ne dépassant pas 5 ans. La Law Reform Commission aborde ce sujet, très polémique à Maurice, avec prudence. Elle note que la loi française ne sanctionne plus la sodomie entre adultes consentants, l’acte non consenti restant puni sous la qualification de viol. La commission estime qu’il faudrait « distinguer la sodomie de la bestialité, car, les plaçant sous la même bannière, on assimile le comportement homosexuel au comportement zoophile ».

  • LE HARCÈLEMENT

Le harcèlement est puni à Maurice par le code pénal, l’Equal Opportunities Act et l’Employment Rights Act. L’article 254(1) du code pénal n’encadre cependant que le harcèlement sexuel. Il punit ce délit par une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans et une amende ne dépassant pas Rs 200 000. La Law Reform Commission suggère que soit aussi sanctionné pénalement le harcèlement moral. Le rapport cite l’exemple de l’article 222-33-2 du code pénal français, qui punit « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

  • LES DÉLITS DE PRESSE

La commission aborde également quelques infractions qui sont sanctionnées pénalement à Maurice tandis qu’elles relèvent plutôt, en France, du droit de la presse. La sédition (article 283 du code pénal) recouvre une réalité plus vaste que celle de rébellion, sanctionnée par le droit français. En France, on considère en effet que c’est un éventuel élément de violence qui rend la dénonciation de l’Etat condamnable et non sa simple énonciation.

La diffamation et la publication de fausse nouvelle sont également sanctionnées par le droit de la presse en France, et non par le droit pénal comme à Maurice. Ici, la diffamation est punie d’une peine de prison alors qu’en France elle est passible d’une amende. Implicitement, le rapport rappelle que les démocraties les plus libérales n’enferment pas les journalistes pour des actes liés à l’exercice de leurs fonctions.



Questions à Rama Valayden, Ancien Attorney General


« Il faut aller dans le sens des libertés individuelles »

 

Que pensez-vous des recommandations de la Law Reform Commission ?

J’y souscris totalement. Il faut une réforme qui aille dans le sens de la reconnaissance des libertés individuelles. Ce débat est essentiel, c’est celui de savoir si c’est l’Etat qui doit déterminer comment on s’habille, ce que l’on mange et, oui, comment on vit sa sexualité. La loi actuelle laisse persister trop de flou et une certaine hypocrisie aussi, par exemple en criminalisant la sodomie.

Quand vous étiez Attorney General, vous avez tenté d’initier une réforme des infractions liées à la sexualité. Pourquoi avez-vous échoué ?

En effet, la nécessité d’une réforme a été maintes fois soulevée. Les obstacles que l’on rencontre quand on le fait tiennent à l’absence de convictions profondes de nos dirigeants sur ces questions. Ils se laissent facilement influencer par des forces conservatrices telles que les associations socioculturelles. Ces dernières ignorent les réalités du pays, elles ne sont que la caisse de résonance du discours qui dit: « Ce qui a été doit continuer d’être. »

Est-ce à dire que toute tentative de réforme est condamnée d’avance ?

Cela viendra avec le temps. Mais il faut des détonateurs. A mon arrivée en politique, j’ai parlé de la nécessité de conscientiser les jeunes au sujet du préservatif. Jusqu’à il y a cinq ans, mes adversaires m’ont donc surnommé « capote boy » ! Pourtant, aujourd’hui, personne ne nie la justesse de ma position. Il arrive aussi qu’une avancée soit faite parce que les gens ne s’en rendent pas compte. Entre 2005 et 2010, nous avons ainsi interdit la discrimination en raison de l’orientation sexuelle - et donc protégé les homosexuels - dans l’Equal Opportunities Act et les lois du travail. Les conservateurs n’ont pas bronché, sans doute parce qu’ils n’ont pas compris.


 

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