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Urmila Banymandhub-Boolell, Présidente du bar council : «Les avocats doivent, avoir plus de courage»
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Urmila Banymandhub-Boolell, Présidente du bar council : «Les avocats doivent, avoir plus de courage»

La nouvelle présidente du « Bar Council » s’est prêtée à un jeu que peu de légistes acceptent de jouer : répondre offi ciellement aux questions sur le judiciaire. Si elle est trop souvent prudente – surtout quand on se souvient du tollé soulevé quand elle s’est attaquée aux critères de sélection des « Senior Counsels » –, Urmila Banymandhub- Boolell a quand même le mérite d’avoir rabroué ses collègues !
Actualité oblige, commençons par le jugement d’Eddy Balancy sur le « gagging order » contre la presse. Que vous inspire cette affaire ?
Je ne peux pas vous répondre en tant que présidente du Bar Council ( BC) parce que l’affaire est toujours en Cour. Mais, d’un point de vue qui n’engage que moi, je pense que cette affaire a pris une dimension démesurée.
Quid du fait que Nandanee Soornack ait pu jurer son affidavit un samedi, qu’elle ait pu trouver un juge pour lui accorder son injonction en un temps record ?
Disons que cela ne m’étonne pas. Car ce n’est pas une exception et il y a eu des précédents. Nous savons tous comment les choses se passent dans la profession. Et, je crois que ceux qui devaient donner des explications l’ont fait. Ce n’est pas à moi de commenter ces explications. Mais, c’est vrai que quand je me mets à la place de Monsieur et Madame Tout- le- monde, et quand je lis la presse, je peux avoir l’impression qu’il y a des choses qui ne se sont pas faites correctement. Alors, peut- être que je devrai plutôt faire appel à la responsabilité des journalistes. Car malgré les explications du Chef juge, il semble toujours y avoir cette impression qu’il y a eu maldonne.
Vous faites des reproches à la presse sur son traitement de cette affaire. Mais n’est- il pas vrai qu’il existe un sentiment que le judiciaire est en train de perdre son indépendance ?
Je parlerai effectivement de perception plutôt que de réalité. Mais là aussi, la presse joue un rôle très important. Car la perception ne vient pas d’elle- même, mais surtout de la façon dont la presse voit le judiciaire.
Donc, c’est maintenant à moi de vous poser une question pourquoi ?
Le BC a mis sur pied un comité pour discuter de l’arbitrage privé pratiqué par les juges en fonction. Il n’y aurait pas eu la presse, il n’y aurait pas eu de comité sur un problème qui interpelle votre profession !
Oui et c’est cela le vrai rôle de la presse ! Car il y a eu beaucoup de chuchotements au sujet de l’arbitrage et j’estime qu’il était important que cette affaire éclate au grand jour car la situation devenait malsaine. Mais, j’étais très surprise et même triste de voir qu’après tout ce qui avait été dit à voix basse, quand le BC a donné l’occasion à tous les avocats que ce sujet fâchait de venir de l’avant pour faire part de leurs griefs, il y en a eu très peu qui ont répondu présent.
Comment expliquez- vous cela ?
Par le fait que personne ne veut stick their neck out . C’est quelque chose que tous les Mauriciens ont en commun. S’ils s’expriment, ce sera de façon anonyme. C’est triste. C’est pire quand il s’agit du barreau car on est là pour être la voix des autres. Et, quand on nous demande de nous exprimer sur une question qui nous interpelle sur notre profession, on ne dit rien. Donc, je crois que les avocats doivent se regarder en face. Ils doivent se demander si c’est assez de se rendre au happy hour et de faire les allégations les plus folles ou s’il ne faudrait pas avoir un peu de courage et de dire tout haut quand il y a un problème.
Il y a eu récemment un jugement du Conseil privé rejetant le jugement Lam Shang Leen dans l’affaire MCB v/ s Robert Lesage. Un jugement qui ne reflète – encore une fois – pas très bien sur notre judiciaire. Vos commentaires ?
Je pense que les Law Lords ont bien pesé leurs mots et ce n’est pas un jugement qui a été fait à la va- vite. La réalité est qu’il y a des situations en Cour qui sont quelques fois tendues. Peut- être parce que certains avocats mettent la pression sur le juge, qu’ils sont agressifs et qu’ils manquent de respect au juge. Je suis désolée, mais il faut le dire. Dans ces cas- là, je peux comprendre que les juges peuvent réagir durement. Il y a aussi un problème concernant le judiciaire. Mais j’estime que le Chef juge a été très candide quand il a reconnu que même au niveau du judiciaire, il y a du travail à faire. Il a accepté qu’il y avait des choses qu’il fallait changer. Les avocats et les juges ne sont que des officiers de la Cour et, s’il y a un problème entre eux, c’est le public qui est perdant. Parce que quand un juge hurle contre l’avocat d’un plaignant, c’est lui qui paie les pots cassés.
Les « Law Lords » font aussi un commentaire sur la cour commerciale, que vous connaissez bien. Le Conseil privé questionne la constitutionnalité de cette cour. Pourquoi ?
( Sourire…) Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que ce point a déjà été soulevé mais n’a pas été adressé par les Law Lords . Ils n’ont pas eu l’occasion de se pencher dessus, mais je crois qu’ils le feront tôt ou tard. Je suis donc mal placée pour le faire. Ce que je peux vous dire, c’est que le Courts Act fait provision pour la Bankruptcy Division . Cette division est une cour inférieure à la Cour suprême elle- même. Or, la cour commerciale cumule les fonctions de la bankruptcy division et de la Cour suprême. Donc, il y a une cour avec deux chapeaux et un même juge qui siège dans les deux cours !
La Cour suprême a annoncé un comité disciplinaire contre les avocats Sanjeev Teeluckdarry et Ravi Rutnah pour leur rôle dans l’affaire Michaëla Harte. Vos commentaires ?
Mais enfi n, je n’ai aucun commentaire à faire, c’est le cours normal des choses. La plainte a été faite par le bureau du Directeur des poursuites publiques ( DPP) au bureau de l’ Attorney General ( AG) et cette procédure est en ligne avec le Law Practitioners Act . L’AG décide s’il y a matière à poursuite et va ensuite référer l’affaire à la Cour suprême.
La question interpelle car le gouvernement a exprimé sa déception lors du verdict, de même que le DPP, qui s’est personnellement intéressé à l’affaire Harte. Et là, subitement, et le DPP et l’AG décident qu’il faut « punir » les deux avocats qui ont gagné l’affaire. Cela ne vous dérange pas ?
Je voudrais croire que ce sont les institutions qui font leur travail et qu’il ne s’agit pas là de sentiments personnels. Si nous croyons dans les institutions, il faut commencer par croire qu’elles fonctionnent.
Le problème est que nos institutions ont montré des signes d’essoufflement depuis un moment !
Le jour où les institutions ne fonctionnent plus sera le jour où il faudra s’inquiéter. Je suis moindrement inquiétée aussi longtemps que la loi est respectée et que les institutions fonctionnent selon les dispositions de la loi. Je ne crois pas que c’est une bonne chose d’imputer des motifs quand les procédures sont respectées.
Mais c’est dommage que les « procédures » ne soient pas appliquées contre tous les avocats qui transgressent ! Je me souviens qu’alors qu’il était un « backbencher » , Yatin Varma envoyait des lettres un peu partout pour demander qu’on l’engage comme conseiller légal !
Cette affaire n’a jamais été rapportée au BC. Et, même si le BC peut décider d’ouvrir une enquête de son propre chef, je vais être franche et vous dire que c’est très rare que le BC initie une enquête sur un de ses membres s’il n’y a pas eu de plainte. Peutêtre que dans certains cas, le comité parlera à l’avocat, mais ce ne sera jamais divulgué au public. Le problème est que l’adhésion au BC n’est pas obligatoire. Donc, on peut difficilement agir comme chien de garde quand on n’a pas de dents ! Mais au BC, nous comptons demander à l’AG d’amender la loi pour rendre, entre autres, l’adhésion au BC obligatoire.
Ceux qui ne vous connaissent pas retiennent de vous que vous êtes cette avocate qui avait fait beaucoup de bruit quand son mari, le DPP, avait été fait « Senior Counsel » et elle pas. Vous en êtes consciente ?
( Rires…) Ce n’est pas très flatteur si c’est cela que les gens retiennent de moi ! Je suis quand même avocate depuis 27 ans ! Mais cette affaire, je l’ai exorcisée et elle est derrière moi, même si la source du problème est toujours là et n’a pas été réglée. Il faudra tôt ou tard assainir cette situation.
Que reprochiez- vous au juste au judiciaire ?
Le manque de transparence dans la sélection des Senior Counsels . Il y a sept critères et trois quarts des avocats satisfont ces critères. Quel est donc le critère officieux ? Un tiers des 518 avocats sont des femmes et il n’y a aucune femme Senior Counsel . Je dirai que c’est un peu discriminatoire, non ?
« ILS DOIVENT SE REGARDER EN FACE, SE DEMANDER SI C’EST ASSEZ D’ALLER AU HAPPY HOUR. »
 
 
     
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