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Vanessa Napal: «Le whistleblower se bat parfois pour une cause perdue»

19 décembre 2010, 00:53

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Les chances d’un whistleblower sont parfois minces une fois qu’est déclenchée la machinerie judiciaire. Vanessa Napal, qui exerce à l’université de Maurice, estime que c’est l’affairisme qui explique la perception que l’éthique et les affaires sont incompatibles.


Julian Assange éventuellement devant la justice pour une affaire de moeurs. Cela risque-t-il de faire réfléchir d’éventuels  whistleblowers ?

Cela dépend des facteurs qui encouragent le citoyen à avoir recours au whistleblowing. Une personne logique réfléchira, mais étant donné la nature humaine, l’individu moyen a toujours l’impression que son cas est particulier et qu’il ne subira pas nécessairement le même sort que d’autres.
 
Le whistleblower peut être confronté à une machinerie légale très onéreuse…

Il a un avantage s’il a le soutien de son institution qui le prend en charge. Encore faut-il que les gens qui sont à la tête de l’institution soient intègres.
Il est très difficile de prouver un cas de fraude, surtout si ceux impliqués sont influents, protégés. Dans un contexte corrompu, où l’accusé est considéré comme un bon élément par son entreprise, le whistleblower est sûr de perdre. C’est aussi une question de pouvoir : que peut un homme honnête contre une puissante entreprise défendue par d’excellents hommes de loi ?

Vous avez déclaré dans un article de presse : «Les gens ont cette notion que l’éthique n’est pas forcément compatible avec le monde des affaires.» A voir l’affairisme autour de soi, on ne peut s’empêcher d’être sceptique…

C’est justement l’affairisme qui explique cette perception que l’éthique et les affaires sont incompatibles. L’éthique est une option disponible à tout individu mais, dans le monde des affaires, elle est marginale. L’homme d’affaires peut vous dire qu’il n’y a aucune loi qui l’oblige à adhérer à un code d’éthique. D’où cette attitude à l’effet qu’il ne faut pas laisser passer des occasions favorables. Parfois, on n’hésite pas à faire du tort à ses concurrents. Auparavant, les gens se souciaient de leur réputation moins maintenant.

On entend à la radio : «Rs 100 ou Rs 100 000, la corruption, c’est la corruption.» Le Mauricien moyen sourit en pensant à ceux qui ont détourné des millions…

Certains sourient, d’autres sont révoltés par le système. Est-il question du statut social ? Est-ce le système judiciaire qu’il faut questionner ? Ou les deux ? Peut-on sanctionner l’élite, ceux qui se considèrent au-dessus des lois ? C’est justement là que le whistleblower, bien que de bonne foi, se bat pour une cause perdue, car il ne peut se mesurer à cette élite. Les professionnels, qui sont pourtant exposés à l’idée que l’éthique peut sauver la réputation des institutions, de la société et de l’économie, vous disent que dans le contexte actuel, on ne peut pas penser à l’éthique quand se présentent des opportunités. Et nous savons ce que signifie “opportunité” dans les affaires…

Un whistleblower à Maurice peut-il être à l’abri de tracasseries ?

Difficile à dire, compte tenu de ce que nous voyons autour de nous. Un fait est sûr, quand vous choisissez de dénoncer un malfaiteur, il faut penser aux conséquences. C’est désolant de le dire, mais il n’y a aucune garantie que le whistleblower arrivera à prouver qu’il a raison. C’est la parole du whistleblower contre celle de l’accusé – tout dépendra de qui la direction choisit de croire.

De nos jours, on reçoit des menaces à tort et à travers. Donc, il faut être prudent dans sa démarche. Si dans un contexte professionnel, des gens influents, occupant des postes privilégiés, n’hésitent pas à mentir et à incriminer des innocents pour éviter des ennuis, on se demande où vont les valeurs. Malheureusement, la personne malhonnête mais influente a peut-être plus de crédibilité que le whistleblower qui, lui, n’a que son intégrité comme atout… Tout cela est cynique, mais ce n’est qu’une réalité de notre société qui se dit en évolution!

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