Cet urbaniste hautement qualifié n’aura duré que 10 mois à la tête du  «MID Fund». Il explique ici qu’il existerait une stratégie délibérée au niveau du ministère des Finances de saboter le MID, qui n’intéresserait le gouvernement que pour les taxes qu’il rapporte.

? Il y a un peu moins d’un an, «l’express» vous interviewait suite à votre nomination comme president du «Maurice Ile Durable (MID) Fund». Les propos que vous teniez alors présageaient que vous n’alliez pas y faire long feu ! Est-ce une bonne analyse de ce qui s’est passé par la suite ?

(Rires…) Effectivement, je ne pense pas que ce soit une surprise que je n’ai pas duré. Malgré cela, je crois pouvoir dire que nous avons pu donner une certaine crédibilité au MID Fund pendant ces dix mois au cours desquels Raj Daliah et moi y étions.

? Dans quel sens ?

Nous avons mis de l’ordre dans le dossier de chauffe-eau solaire par exemple la première phase de ce projet était catastrophique. Mais quand nous sommes arrivés, nous avons su résister aux pressions. Car il faut réaliser qu’avec la subvention du gouvernement à hauteur de Rs 10 000, c’est du big money pour les importateurs de chauffe-eau solaires.

Et quand nous avons mis en place des normes pour la deuxième phase du projet – car auparavant, des importateurs fournissaient n’importe quoi et il y a même eu des chauffe-eau qui avaient pourri à peine une année après – certains ministres ont alors essayé de se faire les porte-parole de ces importateurs.

Mais nous leur avons fait comprendre que c’étaient les bénéficiaires qui devaient être protégés et non pas l’importateur. Ils ont éventuellement compris.

? Donc malgré tout, c’était un succès ?

On peut le voir comme cela, mais le MID ne devrait pas s’arrêter à subventionner des chauffe-eau solaires. Finalement, ce que nous avons fait à travers le projet de chauffe-eau a été de créer une industrie de démarcheurs et d’agents au lieu de créer des emplois verts dans le cadre de l’économie verte. Ce qui aurait dû se passer idéalement, c’est que des PME décident de s’intéresser à l’assemblage de ces chauffe-eau solaires, qu’elles en importent les matières premières et les assemblent ici. Au lieu de cela, nous avons créé des importateurs. Il y en a, à ce stade, une quarantaine déjà. De ce point de vue, je dirai que c’est un échec car nous n’avons pas pu créer cette dynamique de PME vertes.

? Mais ce n’est pas à cause de cela que vous êtes parti vous êtes parti à cause d’une question d’argent !

Je suis parti parce que j’ai travaillé dix mois sans salaire. Et alors qu’on m’avait fait une proposition de salaire, dix mois après, on m’informe que le secrétaire fi nancier n’avait pas agréé le salaire et qu’il proposait de me payer la même allocation que l’on donne aux secrétaires permanents (PS) quand ils siègent sur des comités pendant leurs heures de travail ! C’était inacceptable et je suis parti sur une question de principe. A d’autres présidents de comités cependant, on accepte de donner le double de ce qu’on m’avait promis.

? Il y avait quelque chose de sournois dans cette decision du secrétaire fi nancier, c’est ce que vous pensez ?

Oui. Ma conclusion est que le ministère des Finances veut saboter le MID Fund.

? Pourquoi ferait-il une telle chose ?

Pour le ministère des Finances, le MID est juste une façon de collecter des revenus. Rien que cette année, ils auront Rs 500 millions à Rs 600 millions comme taxe pour le MID, car sur chaque litre d’essence que nous achetons, on nous fait payer 30 sous pour le MID Fund. Cet argent va dans les caisses de l’Etat. Or, si le MID avait marché, si l’on avait pu venir de l’avant avec un plan d’action MID, on aurait eu besoin de ces fonds. Mais l’argent que l’on ramasse pour le MID fi nance aujourd’hui les voyages et le per diem des ministres. Déjà le ministre est en train de parler de «tight budget» et de se plaindre du PRB. Un MID Action Plan aurait coûté Rs 2 milliards. Ça soulage qui, le fait qu’il n’y a pas de plan d’action ?

? N’êtes-vous pas en train de faire un process injuste au ministère des Finances ?

Il y a un rapport du Fonds monétaire international (FMI) sur lequel Osmose dans l’express a attiré l’attention. Le MID est décrit par le FMI comme une taxe, pas comme un projet de société. Le FMI détient ses informations du ministère des Finances. Quand le MID est faible, le ministère peut se permettre, malgré le fait qu’il collecte des fonds au nom du MID, de nous jeter des miettes. Et le ministère des Finances a systématiquement objecté à toutes les propositions du MID Fund sans jamais pouvoir articuler ses objections.

Je crois que c’est délibéré et je pense que tôt ou tard, ils vont fermer le MID Fund.

? Mais pourquoi le «MID Fund» n’a pas marché ?

Parce qu’il y a un problème de leadership. Tout le processus qui allait mener au plan d’action a été fait dans l’amateurisme le plus absolu. On n’a même pas pu avoir un rapport digne de ce nom, encore moins un Green Paper, un White Paper et un Policy Paper !

? Vous parlez de problème de leadership. Mais tous les ministres ne ratent pas une occasion de dire que le MID est la vision du Premier ministre (PM). Est-ce ainsi que l’on traite la vision du PM ?

Ils disent souvent «selon le concept MID». Mais où est le concept ? Sur papier ? Il n’y a rien, même pas de concept !

? Dans la tête du PM ?

(Rires…) Je crois que le PM est sincère dans sa conviction, mais je pense que ceux qui le conseillent sur le sujet sont en train de lui mentir et de lui donner l’impression que les choses avancent. Encore une fois, il y a un problème de leadership.

Et il faut qu’on arrête avec cet amalgame de développement durable et de l’environnement. Le développement durable n’est pas une affaire d’environnement. La communauté internationale l’a fait comprendre depuis longtemps mais ici, on met le MID Fund sous le ministère de l’Environnement.

C’est le ministère des Finances qui aurait dû chapeauter le MID Fund. Or ici, le ministère des Finances n’a rien trouvé de mieux à faire que de rivaliser avec le MID avec son proper Economic and Social Transformation Plan. Je crois que c’était délibéré pour saboter le MID. Pourquoi créer un système parallèle pour venir avec un programme de transformation économique et sociale quand c’est le mandat de MID ? Ce qui m’amène à dire que si le MID Fund disparaît, ils seront très contents tant qu’ils peuvent garder la taxe MID.

? Cela leur convient de cantonner MID à l’environnement parce que sinon, il y aura trop de changements à apporter au système, non ?

Oui, mais cela va contre les pratiques internationales. Rio +20 l’a bien fait ressortir. Le MID Fund doit se pencher sur notre développement. Notre empreinte carbone est très élevée et nous n’avons aucun planning par rapport à l’utilisation de la terre. Nous avons bâti sur 25 % du territoire. C’est un petit pays et il est temps d’arrêter avec les morcellements. Les Integrated Resorts Schemes ramènent de l’argent mais c’est un oneoff.

Il s’agit des non résidents, donc ils ne sont pas en train de créer de l’emploi. Notre argent devrait aller dans la production.

? Mais vous êtes en train de demander à Xavier- Luc Duval de réfl échir à long terme quand on sait que tout ce qui l’intéresse, c’est le court terme !

Tout à fait. Ils ne pensent qu’au Foreign Direct Investment.

Ils ont une vision très à court terme. Il y a à peu près 16 ans, j’avais écrit un article qui a été publié dans l’express, qui s’intitulait Gridlock by Design. Prenons la congestion routière par exemple. Elle crée de l’emploi ils ne veulent pas trouver de solution à ce problème car la congestion donne des pretexts pour construire des routes. Mais construire des routes ne règle pas le problème, il le transfère ailleurs. Avec toutes ces routes qu’il y a eues, arrivez-vous à Port-Louis plus vite ?

? Non, cela prend plus de temps !

Voilà ! C’est le gridlock by design. Prenez l’autoroute de St-Jean à Port-Louis. Pourquoi ne pas avoir fait un seul projet ? Pourquoi l’avoir fait en tranches ? Quelqu’un fait un bout, l’autre fait un pont, l’autre fait un autre morceau, etc.

The sum of parts are never equal to the whole. On est toujours en train de kase ranze.

C’est très simple de régler le problème de congestion tirez les gens de leur voiture. Or on les encourage à prendre leur voiture. On fait un third lane. Pourquoi n’entend-on plus parler du bus lane ? Si l’on donnait des bus corrects, si l’on rendait l’accès à Port-Louis difficile, si l’on fermait les parkings, les gens prendraient le bus. Et puis on vient parler d’Energy Efficiency Week ! On est en train de dire aux gens d’éteindre la lumière.On est en train de protéger deux arbres dans une forêt et l’on dit qu’on protège la forêt !