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Vinesh Hookoomsing : « La graphie du morisien devra être réaménagé»
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Vinesh Hookoomsing : « La graphie du morisien devra être réaménagé»

Le linguiste et  l’universitaire estime que le locuteur plurilingue est appelé à  servir de modèle ou de caution pour construire le morisien. Il estime qu’il faudra tenir compte de l’évolution que cette langue suit au contact des autres langues en présence.
Est-ce que le manque de rigueur concernant l’orthographe vous énerve ?
Hier, c’était le laxiste qui ne jurait que par l’orthographe étymologique, aujourd’hui c’est le prescripteur pointilleux. L’orthographe du morisien – c’est de cela qu’il s’agit – doit être un bon indicateur de l’évolution de son locuteur natif : son écriture s’affirme selon les normes de la langue et s’affiche selon les réalités de l’usage. Nos graphies « standard » ont connu plusieurs avatars depuis les premières ébauches il y a quarante ans. La dernière en date, grafi-larmoni, offre pour le moment un simple cadre consensuel qui sert de référence. Elle n’empêche pas la grafi LPT-Lalit d’exister, par exemple.
L’université française regrette la dégradation de l’orthographe chez les jeunes. Cela vous inquiète-t-il ?
Non, d’abord parce que l’orthographe est souvent compliquée et incohérente. Et ce n’est pas que les jeunes ou nos étudiants qui ne la respectent pas ! Le phénomène est plus complexe et général, car on se plaint de la qualité de l’écriture et de la grammaire même dans les pays où les langues que nous pratiquons sont langues maternelles.
Cela est-il dû au langage SMS ?
SMS et email constituent un mode de communication qu’on appelle dans le jargon computer-mediated communication. C’est comme le télégramme ou le shorthand qui aujourd’hui appartiennent à la préhistoire de la communication rapide, efficace ou à distance. Le mobile a révolutionné la communication, et l’ordinateur nous offre des moteurs de recherche qui nous permettent de vérifier à tout moment l’orthographe et la grammaire de nos textes.
Ne craignez-vous pas que la graphie du kreol morisien, telle que proposée et largement acceptée, n’appauvrisse cette langue, car tout indice étymologique y est effacé ?
Je crois sincèrement qu’il y aura des aménagements nécessaires au niveau de la graphie. Il faudra tenir compte de l’évolution que la langue suit au contact des autres langues en présence, le français en particulier. Je citerai, à propos d’indice étymologique, un exemple parmi d’autres : le substantif homonyme «kan», qui renvoie au français «camp», et qui donne «kanpe», «kanpman», «kanping». Philip Baker et moi-même avons proposé un procédé qui permettait de le distinguer de «kan» (quand) et de retrouver le «m» étymologique dans les dérivés : «kampe, kampman, kamping».
Et sur un plan plus général…
La graphie doit tenir compte non seulement de la dimension étymologique, mais aussi de l’évolution du système de prononciation ainsi que de l’environnement multilingue. Le Mauricien monolingue et monoculturel n’existe pas. Il est par définition pluriel. Le locuteur idéal, le locuteur de référence appelé à servir de modèle ou de caution pour construire le morisien est nécessairement le locuteur plurilingue.
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