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Xavier Godinot: “La misère est une violation des droits de l’homme»

4 octobre 2009, 04:24

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Cette interview est parue dans le supplément Dimé d’Amnesty International Maurice dans la version papier de l’express.

Comment définiriez-vous les droits économiques, sociaux et culturels?

Les principes des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) sont contenus dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Ils recouvrent des droits fondamentaux, tels que les droits d’être alphabétisés, d’aller à l’école, de maitriser sa langue et d’autres langues, le droit de disposer de moyens pour vivre décemment, une rémunération adéquate et si on ne peut pas travailler une allocation. Il s’agit aussi du droit à la santé, au logement, les droits culturels, le droit de connaître sa culture et celles des autres. Mais il est aussi question du droit de participer et d’être associés à la vie de son quartier, de sa région et de son pays. Les DESC, c’est le droit de pouvoir être acteur de son propre développement et de celui des autres.

Existent-ils des différences dans l’interprétation de ces droits entre les pays du Nord et ceux du Sud?

Avant de parler des différences, j’évoquerai ce qu’il y a en commun. Les populations qui vivent dans la misère sont privés de leurs droits aussi bien dans le nord que dans le sud. La misère est une violation des droits de l’homme. Elle rend compte d’un manque au niveau de la santé, de l’accès à la justice, de l’accès à l’éducation… Mais surtout elle révèle une situation d’exclusion sociale. Quand un individu n’a pas les moyens nécessaires pour assumer ses responsabilités, comme par exemple un père de famille en chômage depuis longtemps ou qui n’a pas un salaire adéquat aura des difficultés à nourrir sa famille, on finira par dire qu’il ne remplit pas ses obligations de père de famille. Cet individu finit par se retrouver en situation de rejet et de mépris sociaux. C’est pourquoi, à l’ATD Quart Monde, nous disons que la misère, c’est une synthèse d’extrême pauvreté et d’exclusion sociale. Donc, pour combattre la misère, il faut combattre les deux. Autrement dit, il ne faut pas seulement répondre aux besoins, mais il faut aussi changer d’attitudes à l’égard des pauvres.

Changer d’attitudes, qu’est-ce que cela implique?

Au lieu de considérer les populations défavorisées comme des bons à rien, il s’agit d’essayer de les prendre comme des partenaires. Au lieu de dire qu’elles sont des problèmes, penser qu’elles ont aussi des solutions avec d’autres.

Revenons aux différences entre le nord et le sud…

Elles interviennent au niveau de l’extrême pauvreté, d’exclusion sociale et de mode de participation. Chaque pays a sa culture, sa tradition, son mode de fonctionnement. Par exemple, la palabre sous le baobab, dans certains pays africains, permettait d’aboutir à une forme de consensus. C’était efficace. Aujourd’hui, on recherche le consensus à travers différentes formes de participation. On implique les gens dans des activités. On prend en compte leurs aspirations. Ce processus doit s’adapter à chaque pays car la démarche n’est pas uniforme pouvant s’appliquer à tous les pays.

Quand on parle de pauvreté, on pense souvent à des pays africains. Les pays riches trouvent des dollars pour sauver le système capitaliste. Mais ils en ont peu lorsqu’il s’agit, par exemple, de combattre la famine en Afrique.

Ne trouvez-vous pas cela injuste?

C’est vrai que des gouvernements occidentaux ne vont pas assez loin en ce sens. D’autres ne remplissent même pas leurs engagements. Lorsqu’un gouvernement ne tient pas ses engagements, cela veut dire que la pression publique n’est pas suffisante. C’est une question de prise de conscience des citoyens des pays occidentaux. Mais il est aussi vrai que beaucoup d’organisations travaillent à faire monter cette conscience. Le combat contre la pauvreté est un combat en faveur des droits de l’homme. Ceux qui vivent dans la misère sont les premiers experts et les premiers acteurs, avec les autres, dans la lutte contre la misère. Si on ne prend pas en compte leurs expériences, on n’a aucune chance de réussir. Il faut aussi aider ces populations à construire leurs pensées et leurs actions.


Parallèlement, le monde occidental persiste à sauver un système qui perpétue la pauvreté…

Certains ont effectivement espéré que la crise financière qui a abouti à la crise économique mondiale allait être une occasion de sursaut. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a une crise qui est tout autant grave. La crise écologique. Si nous continuons, à ce titre, notre mode de production et de consommation, la planète court à sa perte. On est toujours devant l’enjeu de changer ou de disparaître. Personnellement, je ne désespère pas. Il faut continuer à être actif. Continuer à combattre le changement climatique et la misère. Il faut d’ailleurs lier les deux si on veut réussir. A Madagascar, comme ailleurs, il y a un grave problème de déforestation qui annonce une véritable catastrophe écologique. Il y a des programmes mondiaux de reforestation, soutenus par des programmes de l’ONU pour l’environnement qui a d’ailleurs lancé la campagne «Plantons pour la Planète.» Ainsi à Madagascar, ATD Quart Monde propose des emplois de reforestation à des personnes qui vivent dans la misère. Il s’agit d’unir dans une même action, la lutte pour la protection de l’environnement et celle contre la misère. Ce type d’actions peut se faire à une grande échelle. Si on arrive à unifier les combats, on aura des résultats.


Xavier Godinot en quelques mots

Xavier Godinot est délégué pour la région océan Indien d’ATD Quart Monde, Organisation internationale de lutte contre la grande pauvreté et l''''exclusion sociale. Un mouvement qui considère la misère comme une violation directe des droits de l’homme. Il est diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et docteur en sciences économiques. Il a dirigé pendant douze ans l’Institut de Recherche d’ATD Quart Monde, qu’il a représenté auprès de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. Il a aussi coordonné l’ouvrage «Eradiquer la Misère: démocratie, mondialisation et droits de l’homme» avec d’autres chercheurs.

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