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Consultations pré-budgétaires

Artistes : exister, même quand les caisses de l’État sont à plat

2 mai 2025, 15:00

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Artistes : exister, même quand les caisses de l’État sont à plat

■ Le défi des artistes est de rester créatif même quand les finances de l’État sont au plus mal.

Continuer à créer, même si la conjoncture est défavorable. Les artistes invités à participer aux consultations pré-budgétaires, le mardi 29 avril, avaient été prévenus. D’abord par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, qui a dit clairement l’état inquiétant des finances et de la dette publique, lors du lancement des consultations pré-budgétaires au début du mois d’avril. Un discours repris par le «junior minister» aux Finances, Dhaneshwar Damry. À leur arrivée au Vaghjee Hall, les artistes ont reçu une copie du document détaillant le «State of the Economy». Dans pareil contexte, voici ce que certains ont proposé.

Union des Artistes : «Régulariser enfin le statut des artistes»

Roshan Boolkah, DJ, a représenté l’Union des artistes. Il est revenu sur les enjeux du Status of Artist Act, loi votée en juillet 2023, mais dont les dispositions ne sont toujours pas appliquées, le nouveau régime ayant annoncé sa refonte. Roshan Boolkah a insisté sur la nécessité de sortir les artistes de la catégorie self employed. Cela, pour faciliter notamment les démarches d’obtention d’un prêt bancaire. Il a plaidé pour la mise en place – comme le prévoit la loi – d’un Professional in the Arts Council, pour distinguer les professionnels des amateurs. L’intervenant est revenu sur le moratoire accordé aux hôteliers sur les redevances liées à l’utilisation de la musique pendant la pandémie de Covid-19. Comme les hôteliers sont les plus gros clients de la Mauritius Society of Authors (MASA), cela a créé un gros manque à gagner pour les artistes pendant deux ans, un déficit qui n’a pas été comblé. «L’État n’a pas compensé les artistes malgré ce moratoire, alors que les hôtels ont continué de fonctionner avec des clients mauriciens. Nous demandons que les hôteliers régularisent ce qui est dû aux artistes durant cette période.»

Roshan Boolkah est également revenu sur la copie privée, une disposition prévue dans la Copyright Act, mais qui n’est pas appliquée. Il s’agit d’une taxe sur tous les appareils permettant d’enregistrer et de copier des œuvres. «Quand un parent achète un téléphone portable à son enfant, c’est sûr qu’il va télécharger de la musique. Avec la copie privée, une partie des revenus est allouée à l’artiste, qui ne gagne rien avec les téléchargements illégaux.» Il a aussi mentionné la mise en place d’un quota pour la diffusion de la musique locale par les radios privées afin d’améliorer les revenus des artistes.

À noter que l’artiste-producteur Bruno Raya et Kishore Taucoory, des Bhojpuri Boys, étaient présents à cette réunion.

Gaston Valayden : «Ouvrir les halls des collèges pour des répétitions»

«Dans n’importe quel pays, quand l’économie va mal, les artistes sont le premier groupe à en pâtir», reconnaît le comédien, metteur en scène, auteur et responsable de la Trup Sapsiway, Gaston Valayden. Il a donc proposé une mesure, qui ne va pas alourdir indûment les finances publiques, à savoir mettre les salles polyvalentes des collèges d’État à la disposition des artistes pour des répétitions et représentations. Face au manque d’espaces d’expression et en attendant la réouverture des théâtres de Port-Louis et de Rose-Hill, Gaston Valayden a créé sa propre salle à Rose-Hill. «J’ai déjà suggéré que l’on ouvre les salles des collèges mais on n’avait pas donné suite à cause de raisons pratiques liées aux paiements d’heures supplémentaires au personnel. J’espère que cette fois cela va se concrétiser.» Selon lui, non seulement cela ne coûtera pas «grand-chose au Budget» mais surtout, cela «démocratisera les arts à travers l’île. Kan spektak zwe dan Caudan, ki dimounn ki vinn gete? Bann dimounn ki ena kas».

David Constantin : «Pérenniser le Film Rebate Scheme»

Mettre fin au «flottement» concernant le Film Rebate Scheme. Car à chaque Budget ou changement de régime, il y a des incertitudes concernant le maintien ou non de ce plan. C’est le thème évoqué par le réalisateur David Constantin. Depuis les élections générales, ce barème de remboursement des dépenses de tournages est gelé. Il est géré par l’Economic Development Board (EDB). Mahen Kundasamy, le nouveau Chief Executive Officer de l’EDB, a été nommé par le board, il y a une semaine. Mais des projets attendent le feu vert de l’EDB depuis l’an dernier.

Le manque de «stabilité, de régularité et de transparence» est chronique dans le Film Rebate Scheme, souligne le réalisateur. David Constantin a rappelé que ceux qui investissent des dizaines de millions de roupies dans des équipements «ont un manque de visibilité sur le long terme, qui les empêche d’évoluer».

Il a aussi déploré le manque de structures de formation pour les métiers créatifs. «Le Film Rebate Scheme a créé des opportunités mais il faut assurer la formation et l’accompagnement. Pas uniquement accorder des subventions mais aussi accompagner les producteurs en faisant appel aux ressources locales. On ne fait jamais appel aux quelques personnes, qui font des films à Maurice.».Catégorique, il avance : «Une subvention de Rs 1,6 million ou Rs 2 millions pour faire un film, c’est insuffisant. L’investissement minimum pour un long-métrage à Maurice, c’est Rs 20 millions. Il faudrait miser plus sur la qualité. Suivre trois ou quatre projets, qui ont un potentiel international.»

Anna Patten : «Soutenir les festivals et ateliers de danse»

«Quand j’ai lu le livret sur l’état de l’économie, j’ai eu peur», confie la danseuse, chorégraphe et vice-présidente de l’association Danse Esprit Ravann, Anna Patten. Malgré tout, les propositions ne manquent pas. Elle a mis l’accent sur une subvention permettant aux associations d’organiser festivals et ateliers. «Il n’y a que le festival Sagam, qui se concentre sur la danse contemporaine. Il faut aussi promouvoir toutes les autres formes qui existent à Maurice.» Le danseur et chorégraphe Stephen Bongarçon, qui est président de l’association, a, lui, plaidé pour la réouverture rapide des trois théâtres.

Issa Asgarally : «Réduire les inégalités d’accès à la culture»

Issa Asgarally, linguiste, a proposé un plan en huit points. Le premier concerne l’introduction d’un «Pass Culture» pour les jeunes de 18 à 21 ans, inspiré du modèle français. Dans l’Hexagone, les jeunes de 18 à 21 ans bénéficient de 150 euros (Rs 7 500) chaque année pour participer à des activités culturelles : voir une pièce de théâtre, visiter une exposition, assister à un concert, etc. «Ce Pass réduit les inégalités d’accès à la culture.» Issa Asgarally a proposé un «Pass culture» de Rs 3 000 par an pour choisir des propositions culturelles à Maurice.

Neermala Luckeenarain : «À quand la galerie d’art nationale ?»

C’est un paradoxe. La National Art Gallery existe (la loi a été votée en 1999), mais en dehors d’un bureau, elle n’a pas d’espace d’exposition. La plasticienne Neermala Luckeenarain explique que quand des touristes lui demandent s’il y a une galerie d’art nationale à Maurice, «j’ai honte de les diriger vers la NAG parce qu’ils vont se perdre dans un couloir».

Lors de ses recherches – Neermala Luckeenarain a un doctorat – elle a lu dans le Cernéen de 1951 : «Malcolm de Chazal… parle déjà du besoin d’une galerie d’art. En 2025, nous avons 74 ans de retard». Après avoir entendu le junior minister disserter sur le mauvais état de l’économie, la plasticienne spécialisée dans la gravure estime que «l’on peut démarrer une galerie sur un petit format et construire à partir d’une première pierre».

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