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Questions à…

Ashvin Gudday : «La vie avant le profit»

1 mai 2025, 16:00

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Ashvin Gudday : «La vie avant le profit»

Ashvin Gudday, négociateur syndical de la Private Sector Employees Union affiliée à la GWF

Que représente le 1er-Mai pour vous ?

Le 1er-Mai a une forte portée symbolique pour chaque travailleur. C’est une journée acquise dans la douleur, le sacrifice et la lutte. L’histoire nous rappelle les périodes sombres de l’humanité: l’esclavage, l’engagisme, les formes extrêmes d’exploitation. Puis, avec l’arrivée du capitalisme et du néolibéralisme, la logique du profit a souvent pris le pas sur les droits fondamentaux des travailleurs. Le 1er-Mai, c’est donc un moment pour faire le point, rendre hommage à ceux qui ont lutté pour notre dignité – des figures comme Emmanuel Anquetil, Guy Rozemont ou Anjalay Coopen. C’est aussi une journée de réflexion sur les défis actuels du monde du travail.

Quel regard portezvous sur la situation actuelle des travailleurs ?

Malgré quelques avancées, la situation reste précaire. Le système néolibéral s’adapte en permanence pour contourner les droits acquis de haute lutte. Aujourd’hui encore, les travailleurs font face à l’exploitation, à l’insécurité sur les lieux de travail, à une violence sournoise qui n’a plus besoin de chaînes visibles. Le cas du Wage Assistance Scheme en dit long : sur les Rs 23 milliards déboursées, à peine 10 % ont été récupérées. Ce sont les travailleurs qui ont payé la note pendant que certains patrons engrangeaient les bénéfices. Les discriminations persistent: salaires inéquitables, conditions de travail dégradantes, risques accrus liés aux dérèglements climatiques. Une pensée spéciale pour les travailleurs étrangers, souvent victimes de conditions inacceptables.

«L’intelligence artificielle, l’automatisation et la robotisation vont bouleverser le monde du travail.»

Qu’est-ce qui vous a motivé, en tant que jeune, à rejoindre le monde syndical ?

J’ai travaillé dans la zone franche, ou plutôt la «zone souffrance». J’y ai vécu les longues heures de travail, les salaires misérables, l’insécurité de l’emploi. À une époque où il n’y avait même pas de salaire minimum, les compagnies pouvaient fermer du jour au lendemain sans explication, sans indemnité. Même en tant que chef de département, je me suis élevé contre ces injustices, prenant des risques pour défendre mes collègues – locaux comme étrangers. Mon engagement est né de cette révolte. J’ai été inspiré et guidé par des figures comme Jack Bizlall, Ashok Subron, Dev Ramano ou encore Rajen Valayden. Depuis 2016, je trace ma voie dans le militantisme, avec ce que j’appelle mon Inqalab Zindabad 2.0.

À force de compromis, les syndicats ont-ils perdu leur âme de combat ?

Non, du moins pas à la General Workers Federation (GWF). Nous restons fermement engagés pour la cause des travailleurs. L’exploitation, quelle qu’elle soit, nous la dénonçons. Nous ne faisons pas de compromis en faveur des gro palto. C’est inscrit dans notre ADN. La GWF va bientôt célébrer ses 55 ans. Nous sommes fiers de notre héritage et déterminés à faire évoluer nos luttes. Je voudrais d’ailleurs répondre à Lindsay Rivière, qui a déclaré que le syndicalisme mauricien accuse un retard par rapport aux modèles européens. Je dirais qu’il faut contextualiser. Maurice est une jeune nation avec ses réalités. Nous avons nos forces, nos faiblesses et notre taux de syndicalisation peut – et doit – progresser. Malgré les obstacles, on s’organise, on modernise nos méthodes, on avance.

Quels sont, selon vous, les combats prioritaires pour les années à venir ?

Les défis sont nombreux. L’intelligence artificielle, l’automatisation et la robotisation vont bouleverser le monde du travail. Il faut anticiper, former, s’adapter. Nous devons aussi freiner l’exode des compétences, renforcer la protection sociale, améliorer les lois du travail, faire aboutir la semaine de 40 heures pour préserver l’équilibre familial. Face au changement climatique, des mesures concrètes s’imposent: une loi sur les disaster leaves, une meilleure protection contre les conditions extrêmes. Il est également urgent de revoir les mécanismes de sanctions disciplinaires, souvent utilisés de manière abusive, et de protéger les syndicalistes victimes de licenciements politiques.

La liste est longue, mais le message est clair : il faut repenser notre système avec pour priorité «la vie avant le profit». Le 1er-Mai, nous voulons en faire un moment fort de mobilisation pour l’émancipation des travailleurs dans ce monde en pleine mutation.

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