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Questions à…

Bose Soonarane : «Les familles sont en quête de vérité…»

22 avril 2025, 12:00

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Bose Soonarane : «Les familles sont en quête de vérité…»

Bose Soonarane, secrétaire de la Renal Disease Patients’ Association.

Après tant d’attente, l’enquête judiciaire réclamée par les proches et par la Renal Association se concrétise enfin. Ressentez-vous davantage de satisfaction ou de soulagement ?

Les deux. Cette enquête judiciaire est indispensable pour que la vérité éclate enfin. Pour l’heure, on ignore encore quand elle débutera. Mais sachant que plusieurs familles concernées viennent de milieux modestes, l’association a pris les devants en contactant des avocats et des médecins, qui acceptent d’apporter leur soutien bénévolement. D’ailleurs, toutes celles et ceux qui souhaitent offrir leurs services à ces familles sont les bienvenus. Il ne faut pas oublier que les frais juridiques représentent un lourd fardeau. Nous sommes satisfaits car cette enquête nous donnera l’occasion de comprendre ce qui s’est réellement passé. Qui a donné les ordres ? Ces décisions étaient-elles les bonnes ? Ou ont-elles emmené ces patients directement à l’abattoir ?

Au-delà de ce drame, quel est l’état actuel de la dialyse à Maurice ?

Le nombre de patients dialysés ne cesse d’augmenter. En 2021, avec la pandémie du Covid-19, on avait observé une baisse, passant d’environ 1 500 patients à 1 350. Mais aujourd’hui, ce chiffre a dépassé la barre des 1 500. Heureusement, les autorités ont veillé à ce que la dialyse reste accessible à tous, et plusieurs centres ont été mis en place dans les hôpitaux régionaux.

Quelles sont, au quotidien, les difficultés les plus fréquentes auxquelles vous êtes confrontés ?

La principale difficulté, c’est le manque criant de personnel. Le ratio idéal est d’un infirmier pour cinq lits. Or, aujourd’hui, on compte plutôt un infirmier pour 15 lits. Les patients dialysés ont pourtant besoin d’un encadrement qualifié et constant. Malheureusement, aucun recrutement nécessaire n’a été effectué sous le précédent gouvernement. La Nursing School est vide et aucun personnel n’a été formé dans les hôpitaux publics ces dernières années, contrairement aux cliniques privées, où la rémunération est bien plus attractive. J’espère que le prochain rapport du Pay Research Bureau rectifiera la situation et incitera davantage de jeunes à s’intéresser aux métiers de la santé. Il faut savoir qu’une bonne formation dure au moins trois ans, et aucune disposition n’a été faite à cet effet.

Cette pénurie se répercute directement sur les patients : certains souhaitent rentrer plus vite chez eux après leur séance de dialyse mais faute d’infirmiers pour les brancher ou les débrancher, ils doivent patienter. Cela génère une frustration légitime, mais aussi un stress supplémentaire pour les infirmiers, qui risquent des erreurs – comme endommager la fistule d’un patient par précipitation. Autre problème : le manque de néphrologues. C’est un métier essentiel, non seulement pour les dialysés, mais aussi pour les patients souffrant de diabète, de lupus, de calculs rénaux ou d’hypertension. Tout cela est lié à la santé rénale. Il faudra attendre les prochaines annonces budgétaires pour voir si des recrutements sont enfin prévus. S’ajoute à cela la question des médicaments. Lors de la campagne électorale, le gouvernement avait promis de fournir des médicaments de qualité dans les hôpitaux. Si nous avions les mêmes produits qu’en pharmacie privée, davantage de patients fréquenteraient le service public. Il serait pertinent que le ministère de la Santé se fournisse directement auprès des laboratoires fabricants, dans le cadre d’accords «government to government». J’aimerais d’ailleurs rencontrer le ministre Bachoo pour lui soumettre mes propositions.

Enfin, il est temps pour le gouvernement de créer des conditions favorables afin d’encourager les Mauriciens exerçant dans le domaine de la santé à l’étranger à revenir au pays. Certains sont intéressés, y compris des chercheurs. Encore faut-il leur en donner l’envie et les moyens.

On parle depuis des années de l’ouverture d’une unité de transplantation. Est-ce enfin pour bientôt ou fautil encore considérer cela comme un vœu pieux ?

Je pense que cela deviendra bientôt une réalité. L’unité est en cours de construction à l’hôpital de Rose-Belle. Certes, quelques greffes sont actuellement réalisées à l’hôpital Victoria, mais cela reste insuffisant. Cependant, même si cette unité voit le jour, la vraie question est : qui y travaillera ? Beaucoup de médecins mauriciens qualifiés sont installés à l’étranger. Il faudrait les inciter à revenir au pays.

Il ne faut pas oublier non plus que The Human Tissue (Removal, Preservation and Transplant) Act, votée en 2018, a certes été promulguée mais on ignore toujours quelles parties ont réellement été appliquées. À ce jour, le Board chargé de superviser ces transplantations n’a même pas été constitué. Certaines personnes désireuses de faire don de leurs organes ne savent même pas vers qui se tourner. J’espère que le ministère prendra les choses en main rapidement. En attendant l’ouverture de cette unité, il serait aussi judicieux de permettre à certains médecins mauriciens d’aller se perfectionner à l’étranger dans ce domaine.

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