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Brigitte, l’âme d’un restaurant devenu une institution

8 mars 2025, 16:00

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Brigitte, l’âme d’un restaurant devenu une institution

■ Les premières employées du restaurant Brigitte. © Dev Ramkhelawon

En ce samedi matin, alors que nous célébrons la Journée internationale des droits des femmes, l’express vous emmène à la rencontre d’une figure emblématique de Sainte-Croix : Marie Nadège Brigitte Héloïse. Derrière les comptoirs du restaurant Brigitte, ouvert de 9 heures du matin jusqu’aux premières lueurs de l’aube, se cache une femme au courage inébranlable qui s’est battue pour réaliser son rêve à la force de ses bras. Son histoire est une ode à la résilience, à la détermination et à l’amour d’une mère qui n’a jamais cessé de se battre pour offrir un avenir meilleur aux siens.

Aujourd’hui, à 64 ans, Brigitte n’aurait jamais imaginé qu’elle tiendrait un jour son propre restaurant, qu’elle emploierait des gens et qu’elle deviendrait une référence pour tant de Mauriciens, ici et à l’étranger. En 28 ans, son établissement a accueilli des milliers de clients, témoins de rires partagés, de retrouvailles émouvantes et de moments gravés à jamais.

Son parcours force l’admiration. Dès l’âge de 15 ans, Brigitte travaille dans une usine. Mais son ambition dépasse les murs de l’atelier : pour arrondir ses fins de mois, elle commence à préparer des confitures et des confits, qu’elle revend à ses collègues. Son talent ne passe pas inaperçu. Rapidement, une proche lui propose de placer ses pots devant sa porte pour les vendre. Un premier pas vers une aventure plus grande.

Verminelle, maïs et oundé

Elle poursuit ce rythme plusieurs années encore, puis décide de se lancer seule. Avec l’accord du propriétaire d’une boutique du coin, Michel, elle installe ses produits devant son commerce. Confitures, confits, puddings – «verminelle, maïs et oundé» –, piksidou... Chaque gourmandise porte la saveur du travail bien fait et du courage silencieux. Ces ventes lui permettent de subvenir aux besoins de ses trois enfants. «A sa lepok-la, ti bien difisil. Mo ti tousel pou grandi mo bann zanfan. Me mo’nn persevere.»

Deux ans plus tard, son frère lui propose d’acheter un tricycle. Ce sera une révolution dans sa vie. Elle y prépare désormais des currys, des mines frits et des boulettes. La vie n’est pas facile, mais elle ne recule devant rien. «Mo pa ti ena swa pou debout lor mo lipie. Me mo’nn gagn boukou soutien mo fami ek mo bann bo-fami.» Pendant dix ans, elle travaille sous un «pie lafours». Sa voix tremble d’émotion en évoquant ces souvenirs.

Le destin finit par lui sourire. Un habitant de Sainte-Croix décide de vendre un lopin de terre, là où se trouve désormais le restaurant. Avec l’aide de ses proches et d’emprunts bancaires, elle fait l’acquisition du terrain et construit un petit restaurant. Petit à petit, elle y ajoute une boutique. «Mo’nn gagn bon dimounn pou ed mwa lor mo semin. Se gras a sa ki azordi mo’nn kapav batir Brigitte.»

Aujourd’hui, son restaurant est un incontournable. Des compagnies lui passent des commandes et, avec l’aide de ses enfants, elle s’est lancée dans le catering pour les fêtes. Les années passent, le menu évolue, mais l’âme de Brigitte reste intacte. Sa spécialité ? La cuisine chinoise et mauricienne, faite maison, avec amour.

Son prochain rêve ? Moderniser le restaurant et, surtout, retrouver une main-d’œuvre locale. «Nou gro sousi, se ki nou pa gagn bann main-d’œuvre morisien.» Elle a vu de nombreux employés passer, mais la vie, souvent rude, les a forcés à partir. Mais chacun de ses employés garde toujours un très bon contact avec elle. Sa fille aînée témoigne du sacrifice immense de leur mère. «Nou pa’nn konn fet, nou pann konn amizman, nou pann konn konze piblik. Nou pran konze kan nou bien malad ek pa kapav leve depi lili.»

Brigitte n’oubliera jamais ces années où elle poussait son tricycle depuis Le Cornu jusqu’à la route principale, matin et soir, aidée par ses enfants. Elle se souvient encore de ces écoliers qui venaient s’asseoir à ses côtés après la classe, attendant leurs parents. «Ti ena zanfan ki ti pe atann zot paran, mo ti touzour donn zot enn ti kitsoz pou grignote.»

Aujourd’hui, son restaurant continue d’être un refuge pour tous ceux qui y ont grandi. Brigitte n’a jamais baissé les bras.

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