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Avertissement de pluies torrentielles
Confusion et cafouillage dans la gestion de la crise
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Avertissement de pluies torrentielles
Confusion et cafouillage dans la gestion de la crise

La place d'Armes, hier vers 16h30, en pleine heure de pointe, vide… de passants, de voitures et… d’eau
La journée d’hier a laissé un goût amer à de nombreux Mauriciens, tiraillés entre des consignes météorologiques fluctuantes et des décisions gouvernementales contestées. La pluie est tombée dru et avec elle, une nouvelle vague de frustration.
Hier, les Mauriciens se sont réveillés sous un avertissement de fortes pluies émis dès 4 h 15 par la station météorologique de Vacoas, lequel a évolué à 8 heures en avertissement de pluies torrentielles. Les conséquences ont été immédiates : suspension des cours à tous les niveaux éducatifs, fermeture des crèches, arrêt des services dans les universités et renvoi à domicile des fonctionnaires. Mais ce n’est pas tant l’intensité des précipitations que la gestion des annonces officielles qui a fait grincer des dents.
Dès l’aube, l’île a été placée sous haute surveillance : des nuages actifs liés aux restes d’un système frontal ont engendré des averses soutenues, parfois orageuses, affectant principalement le plateau central, le sud et l’est du pays. Grand-Bassin a enregistré 163,8 mm de pluie, suivi de Midlands avec 112 mm. Face à ces chiffres alarmants, le National Emergency Operations Command (NEOC) a été activé au niveau 2, mobilisant les équipes d’urgence. Des routes ont été bloquées à Rivière-du-Rempart dû aux fils électriques tombés, des coupures d’eau ont touché plusieurs régions et les stations de traitement d’eau ont dû être temporairement mises à l’arrêt, entraînant une eau boueuse dans certaines zones.
Si les mesures prises dans les secteurs éducatifs et publics ont été rapides, le flou a longtemps persisté du côté du secteur privé. À 8 h 30, les fonctionnaires étaient informés de la suspension de leur journée de travail. Mais pour les employés du privé, l’incertitude régnait. Beaucoup avaient déjà pris la route, parfois sous de fortes pluies, avant que les premières directives ne tombent. Business Mauritius, l’organisation patronale, s’est contentée de recommander le télétravail «autant que possible», sans pour autant trancher clairement sur la nécessité d’une fermeture généralisée des entreprises.
C’est finalement à 11 h 45 que le Bureau du Premier ministre a annoncé, après une réunion du National Crisis Committee, que les employés du secteur privé étaient «autorisés à rentrer chez eux dans les plus brefs délais». Mais pour beaucoup, cette décision est arrivée bien trop tard. À cette heure-là, les conditions météorologiques s’étaient stabilisées dans plusieurs régions, et une amélioration progressive du temps avait déjà été constatée. À 15 h 15, la station météo annonçait même la levée de l’avertissement de pluies torrentielles.
«Une journée perdue, encore une fois», déplore un internaute, contraint de faire demi-tour sur la route du travail avant d’apprendre que les bureaux étaient fermés. «Ce sont toujours les mêmes erreurs. Rien n’a changé depuis l’ancien régime.» Cette critique est largement partagée. Sur les réseaux sociaux, la colère s’est exprimée à travers des témoignages d’employés du secteur privé piégés dans les embouteillages ou contraints d’attendre des heures pour obtenir l’autorisation de rentrer. Le député Ehsan Juman a lancé un appel direct sur Facebook : «Il faut vraiment que Business Mauritius cesse de jouer à l’autruche ! Ils ont la responsabilité d’assurer la sécurité des employés du secteur privé.»
Ashok Subron, ministre de l’Intégration sociale, de la sécurité sociale et de la solidarité nationale, a salué sur sa page Facebook la décision du gouvernement autorisant les employés du secteur privé à rentrer chez eux en raison des pluies torrentielles : «Lavi travayer/ lepep avan profi! Premie Minis, Lalians Sanzman, inn pran enn desizion ki bizin. Bravo! Aster nou ena pou sanz lalwa kouma nou Manifes dir, pou aret tou diskrimininasion dan lavenir.» Il réagissait au communiqué émis par le Bureau du Premier ministre, annonçant que le National Crisis Committee avait tranché en faveur de cette mesure de sécurité. Plus tôt dans la matinée, le ministre avait déjà manifesté son soutien aux employés du secteur privé en déclarant sur les réseaux sociaux : «Mo solider ar travayer sekter prive. Lavi travayer ena mem valer.»
La Banque de Maurice a pour sa part imposé un bank holiday dès 10 h 30, suspendant l’ensemble des opérations bancaires, sauf en cas d’urgence traitée à distance. Les hôpitaux n’ont maintenu que les services d’urgence et les centres de santé communautaires sont restés fermés.
Mais alors que la météo évoquait des averses intenses attendues entre 14 heures et 16 heures, c’est plutôt le soleil qui s’est timidement invité sur une partie de l’île. Le ciel s’est dégagé et le calme est revenu. De quoi alimenter un sentiment d’absurdité pour ceux qui ont vu leur journée bouleversée pour rien. «On aurait pu éviter tout ce chaos si les décisions avaient été mieux coordonnées», affirme une employée du secteur financier qui avait quitté son domicile à 7 heures du matin pour finalement rentrer chez elle à midi sous un ciel dégagé.
Ce nouvel épisode illustre une fois de plus la nécessité d’une refonte en profondeur des mécanismes de coordination entre la météo, les autorités, les employeurs publics et privés et les citoyens.
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