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Décès de patients dialysés à Souillac

Décès de patients dialysés à Souillac

16 juillet 2025, 14:40

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Décès de patients dialysés à Souillac

Le Dr Fazil Khodabocus a été l’un des premiers du ministère de la Santé à être interrogé dans l’enquête judiciaire.

L’enquête judiciaire autour des décès tragiques de patients dialysés à l’hôpital de Souillac, lors de la deuxième vague de la pandémie de Covid-19 en 2021, poursuit son cours à la cour de Curepipe. Une nouvelle audience, marquée par une forte charge émotionnelle et les premiers éclaircissements des représentants du ministère de la Santé, s’est tenue hier.

Après plusieurs semaines consacrées aux dépositions de proches de victimes, c’est désormais au tour du personnel du ministère de la Santé d’être entendu. Mais avant cela, la journée a été marquée par un témoignage profondément bouleversant, celui de Bibi Noureza Romjhon, épouse d’Azad Romjhon, l’un des patients décédés durant cette période noire. Appelée à la barre en matinée, Bibi Noureza Romjhon, accompagnée de sa fille, a peiné à contenir son émotion face à l’ampleur de la douleur ravivée par les questions. Interrogée par Me Khaveesh Seenauth, avocat du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), elle a livré un récit douloureux des derniers jours de son époux. Dialysé depuis 2014, Azad Romjhon vivait de manière autonome jusqu’à ce vendredi 26 mars 2021, où il fut emmené à Chemin-Grenier en direction de l’hôtel Tamassa, réquisitionné comme centre de quarantaine. Ce fut la dernière fois que sa femme l’a vu. «Je me souviens de l’avoir vu monter dans le véhicule, mais certains détails m’échappent», a-t-elle déclaré.

Son époux a été testé positif au Covid-19 le 2 avril. Avec l’aide de sa famille, elle a tout fait pour qu’il reçoive les médicaments nécessaires. Mais c’est à l’hôpital de Souillac, en isolement, que l’état d’Azad Romjhon s’est progressivement détérioré. Les contacts avec lui étaient rares. «Il y avait des problèmes de réseau. Mais souvent, on ne savait pas ce qui se passait. Personne ne nous disait rien», a-t-elle déploré.
Le 10 avril 2021, elle lui a parlé une dernière fois. Quelques heures plus tard, elle a appris son décès. Une épreuve trop lourde à porter. En pleine déposition, elle a été submergée par l’émotion et a fait un malaise, interrompant brutalement son témoignage.

Les premiers pas du ministère à la barre

L’après-midi, le ton change mais les enjeux restent lourds. Le représentant du DPP, Me Jean-Michel Ah Sen, a entamé les auditions des représentants du ministère de la Santé. Le premier à intervenir a été Ashiv Gunesh, Senior Record Officer. Il a expliqué que ce n’était que lundi après-midi, vers 15 h 30, qu’il a reçu les documents médicaux nécessaires à l’audience. Ces derniers, selon lui, sont actuellement conservés au Medical Council, dans le cadre d’une inquiry en cours. En tout, il est en possession de 11 dossiers médicaux. Seul celui de la patiente Nicole Hart ne s’y trouve pas : il est conservé à l’hôpital Jawaharlal Nehru. À la demande de la cour, il devra produire des copies de ces documents lors de la prochaine audience.

C’est ensuite le Dr Fazil Khodabocus qui a été entendu. L’actuel directeur par intérim des services de santé a apporté des éléments de contexte sur les décisions sanitaires prises à l’époque, dans l’urgence de la deuxième vague. Il a précisé que toutes les décisions se prenaient dans le cadre d’un protocole strict établi par le High Level Committee, alors présidé par l’ancien Premier ministre. À cette époque, l’hôpital de Souillac avait été désigné comme centre de Covid-19. «Nous devions nous assurer que l’hôpital ait tous les équipements nécessaires pour gérer ces cas», a-t-il précisé. Il a également indiqué que c’est laMauritius Tourism Promotion Authority qui avait joué un rôle dans la sélection des hôtels transformés en centres de quarantaine.

Dans un premier temps, ces centres accueillaient les voyageurs venant de pays à risque. Ensuite, avec la flambée de cas locaux, ces mêmes hôtels avaient été réquisitionnés pour héberger les Mauriciens testés positifs. Quant à la répartition du personnel dans ces centres, une équipe composée de médecins, du personnel infirmier, du ministère de la Sécurité sociale et d’aides-soignants était en charge. «Plusieurs décisions, dont certaines logistiques, ne relevaient pas du ministère seul, mais de ce comité de haut niveau», a rappelé le médecin.

Un point de convergence a toutefois marqué cet échange : la reconnaissance du statut de vulnérabilité des patients sous dialyse. Interpellé par Me Ah Sen, le Dr Khodabocus a reconnu qu’une attention particulière aurait dû être accordée à ces patients à risque. Un constat qui fait écho à la douleur des familles toujours en quête de vérité.

Cette séance marque un tournant dans l’enquête. Après la parole des familles endeuillées, la lumière commence à être projetée sur les rouages administratifs et décisionnels. La prochaine audience se tiendra le 8 août, présidée par la magistrate Shavina Jugnauth.

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