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Un haut gradé de la police dans la tourmente

Des liens troubles avec un investisseur indien au passé judiciaire

28 juin 2025, 14:00

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Des liens troubles avec un investisseur indien au passé judiciaire

Un haut responsable de la police mauricienne, déjà cité dans plusieurs affaires controversées, est de nouveau sous les projecteurs. Cette fois, ce sont ses relations étroites avec un homme d’affaires indien au passé judiciaire lourd, qui soulèvent des interrogations. Cet investisseur, déjà poursuivi pour escroquerie, semble jouir d’un réseau d’influence étonnamment solide à Maurice, notamment grâce à ses liens avec l’ancien commissaire de police Anil Kumar Dip et un de ses plus proches collaborateurs.

Selon nos recoupements, cet homme d’affaires n’a pas hésité à se plaindre, réclamant l’accélération de sa demande de residence permit. Pour obtenir gain de cause, il aurait tout révélé en haut lieux : ses propos auraient mis au jour un vaste système de magouilles impliquant l’ex-commissaire de police et un haut gradé. Depuis, un fonctionnaire qui s’occupe de son cas ferait pression pour faire avancer son dossier de permis de résidence en dépit de son passé d’escroc. Ce traitement de faveur contraste vivement avec la rigueur imposée à d’autres investisseurs étrangers. C’est une politique de deux poids, deux mesures qui fait s’interroger, d’autant plus que l’investisseur a deja été épinglé pour fraude.

Avec l’aide de son ami policier, l’investisseur controversé aurait récemment fourni quelque 15 000 paires de training shoes à la police, en dehors de toute procédure d’appel d’offres. Cette transaction, réalisée à travers deux sociétés distinctes, fait penser à une stratégie de contournement des règles classiques de passation de marchés publics. Ce haut gradé de la police aurait joué un rôle actif – un homme dont l’implication se double d’un intérêt financier direct, puisqu’il détient Rs 5 millions de parts dans une société qu’il cogère avec ce même investisseur. De même, les affaires légales du fils de l’ancien commissaire de police étaient également gérées par le haut gradé, qui s’est même rendu chez un avocat pour la rédaction de tous les affidavits, à la veille de l’audience devant le Privy Council.

Ce n’est d’ailleurs pas leur première collaboration. Auparavant, le même entrepreneur avait fourni 50 000 paires de chaussures à la police via une autre entreprise indienne, montée en partenariat avec un Mauricien. À l’époque, cette société opérait depuis un immeuble bien connu de Port-Louis, avant de déménager ses activités à Saint-Pierre sous un autre nom commercial. De plus, une banque indienne réclame environ Rs 11 millions à l’investisseur indien.

Mais leurs ramifications dépassent le simple cadre de la fourniture de matériel. D’après plusieurs témoignages concordants, le haut gradé aurait aussi supervisé des travaux de rénovation dans la résidence personnelle de l’ancien commissaire de police. Les rénovations auraient été prises en charge par une société indienne, dont le financement proviendrait d’un autre homme d’affaires indien, lui-même dirigeant d’une entreprise dans laquelle l’épouse du haut gradé est actionnaire. Plus troublant encore : le fils de l’investisseur aurait injecté plus de Rs 2 millions dans la société qu’il partage avec le policier, sans que l’origine des fonds ne soit clairement identifiée. Une accumulation d’investissements familiaux qui alimente les soupçons de blanchiment et d’enrichissement personnel déguisé.

En novembre dernier, une lettre anonyme adressée à la Financial Crimes Commission (FCC) avait révélé un autre pan de ce système : plus de 190 jours de voyage non consignés officiellement effectués par le haut gradé en compagnie de l’ancien commissaire de police, souvent hors du radar des contrôles douaniers, parfois même avec escorte policière. Une pratique qui soulève des questions majeures sur les passe-droits accordés à certains membres des hautes sphères policières.

Par ailleurs, le policier en question, promu à trois reprises entre 2022 et 2024, occupe actuellement le poste d’assistant commissaire de police. Il occupe aussi un poste clé à la Police Welfare Association, ce qui lui confère un accès direct à des fonds internes conséquents dont la gestion, selon plusieurs sources, aurait servi des intérêts personnels.

Enfin, le même document transmis à la FCC fait état d’activités privées jugées incompatibles avec la fonction de haut fonctionnaire, notamment une participation active dans une écurie de courses hippiques et la détention de biens immobiliers à Dubaï, non déclarés. L’assistant commissaire de police, aujourd’hui dans le viseur de la FCC, pourrait bientôt devoir rendre des comptes sur ces multiples conflits d’intérêts et sur ses liens étroits avec un investisseur étrangement protégé des procédures habituelles.

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