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Venue pour se faire soigner à Maurice

Dilshad décède après une intervention dentaire, son fils ne la reverra plus jamais

19 mai 2025, 09:00

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Elle était venue se faire soigner, elle n’est jamais repartie. Cela devait être un bref séjour sur sa terre natale, un retour planifié, balisé, presque banal, comme elle en avait déjà fait auparavant. Mais cette fois, Dilshad Bibi Bappoo, une quadragénaire installée depuis plusieurs années en Angleterre, n’a jamais revu sa maison, son fils, ni sa vie d’avant. Cette affaire remonte à quelques mois, mais ce n’est que maintenant que la famille, qui était en deuil et était complètement accablée, a le courage d’en parler. Adil Bappoo, le frère de la victime, nous a rencontrés pour racontar leur souffrance.

Le 27 octobre 2024, plus d’un mois après une intervention chirurgicale dentaire à Port-Louis, Dilshad s’est éteinte à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, sans avoir repris pleinement conscience. Une disparition qui bouleverse ses proches, encore hantés par ce qu’ils considèrent être une succession d’erreurs médicales aux conséquences tragiques.

Un simple soin, un destin bascule. Alors qu’elle se trouve encore en Angleterre, Dilshad prend contact avec un dentiste de Port-Louis, recommandé par une connaissance. Elle prévoit de rester moins de deux semaines à Maurice. Objectif : extraire deux dents de sagesse, une intervention qu’elle souhaite faire dans une clinique privée des hautes Plaines-Wilhems.

Curieuse mais confiante, Dilshad accepte de rencontrer ce dentiste, membre du Dental Council. Deux rendez-vous plus tard, un nouveau plan est proposé : quatre dents au lieu de deux, sous anesthésie générale et dans une clinique de Port-Louis. L’intervention est fixée au 20 septembre. Elle doit rentrer le 28.

Le jour où tout bascule. Le matin du 20 septembre, Dilshad se présente à la clinique à 8 h 30. Selon les versions officielles, un médecin anesthésiste, âgé de plus de 70 ans, lui administre l’anesthésie trois minutes après son admission. L’opération débute vers 8 h 38. Mais alors que le dentiste commence l’incision, les battements de cœur de Dilshad chutent brutalement : 65, puis 55… puis arrêt complet.

Les versions divergent : l’anesthésiste parle d’un arrêt de quatre à cinq minutes, mais les proches affirment avoir appris que le cœur est resté inactif pendant 17 minutes. Entre-temps, le tube endotrachéal aurait été enlevé, aggravant la situation. Un massage cardiaque est initié et le cœur repart. Mais la vie, elle, a déjà pris une autre trajectoire.

Ce n’est qu’après une heure et 30 minutes que la famille est contactée pour être informée de l’incident. Entretemps, Dilshad est admise à l’unité des soins intensifs de la clinique. Dans la journée, elle est examinée par un cardiologue et un spécialiste en médecine interne. Les siens réussissent, non sans difficulté, à la faire transférer vers une clinique privée à Moka, où elle reste quatre jours. Mais l’amélioration n’est pas au rendez-vous.

Dilshad est ensuite admise à l’hôpital sir Anerood Jugnauth, à Constance, puis à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, à Port-Louis, où elle reste deux semaines supplémentaires. Durant tout ce temps, Dilshad reste dans le coma. Trente-huit jours d’attente, de prières, de silences poignants autour d’un lit d’hôpital. Trente-huit jours sans un mot, sans un regard, sans un signe de la main. Trente-huit jours où l’espoir s’effrite peu à peu, jusqu’à ce 27 octobre, où la vie s’éteint, sans un adieu.

Dilshad Bibi Bappoo était senior accountant en Angleterre. Mère d’un garçonnet de huit ans, elle nourrissait un lien fusionnel avec lui. Elle avait même prévu de revenir vivre à Maurice en janvier 2025 pour se rapprocher de ses racines et offrir à son enfant une autre qualité de vie. Un projet avorté. Un avenir détruit. La douleur est immense pour ses proches. Le choc les a paralysés. Pendant des semaines, ils n’ont pas trouvé la force d’alerter les autorités. Ce n’est qu’en mars 2025 qu’ils ont déposé une plainte officielle auprès du Dental Council et du Medical Council.

Ils soupçonnent un cas grave de négligence médicale. Et ce qui les trouble encore plus, ce sont les antécédents des deux professionnels impliqués : le même dentiste et le même anesthésiste seraient liés à un décès survenu en février 2015, dans des circonstances similaires, selon les informations recueillies. Une autre victime aurait également perdu la vue à la suite d’une opération impliquant ce duo médical.

À ce jour, la famille attend des réponses. Elle espère que la lumière sera faite, non seulement pour rendre justice à Dilshad, mais aussi pour éviter que d’autres vies ne soient brisées. Nous avons sollicité les réactions du Dental Council et du Medical Council qui disent avoir pris connaissance de la plainte. Une enquête serait en cours. Pendant ce temps, à des milliers de kilomètres, un petit garçon attend encore sa maman, sans comprendre que son dernier sourire est resté sur une table d’opération.

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