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Arrestation des journalistes: les larmes douteuses des amis
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Arrestation des journalistes: les larmes douteuses des amis

Ils ont été nombreux à exprimer leur désapprobation du traitement que subissent actuellement le Directeur des publications de l’express, Nad Sivaramen, et les journalistes Axcel Chenney et Yasin Denmamode dans l’affaire qui domine l’actualité ces jours-ci. De ceux qui ont eu l’occasion de leur exprimer publiquement leur soutien, certains ont cru opportun d’ajouter à leurs critiques contre les agissements de l’État quelques leçons de morale. Ils en ont profité en même temps pour faire des observations sur la manière de faire des journalistes, les méthodes employées par lexpress, les possibles manquements et impulsivités dans cette affaire.
Un homme des médias, d’expérience et sage a même ajouté que le journaliste ne doit pas influer sur l’événement. Un autre a dénoncé l’inaccessibilité de tel journaliste ou invoqué des aspects de ses goûts personnels ou, pour l’autre, sa manière de faire lorsqu’il interviewe des personnalités.
Des non-journalistes, eux, en ont profité aussi pour faire la leçon à l’ensemble du corps journalistique, sur sa culture, son sens d’éthique. Un peu de morale, quoi ! Dans de telles circonstances, comment ne pas être tenté de demander où étaient ces bien-pensants avant, lorsque ces journalistes étaient en train de fané ? Pourquoi n’ont-ils rien dit tout ce temps ?
On a entendu des phrases du genre : je condamne les arrestations, mais faut-il encore que des journalistes fassent preuve de discernement, de retenue, de manières. Des phrases qui expriment une solidarité avec les journalistes arrêtés mais qui veulent aussi faire étalage du sens de l’objectivité de ceux qui les prononcent. Oui, certains ont condamné ce qui se passe actuellement. Il y a condamnation, mais condamnation relative, condamnation au «conditionnel ». La réprobation n’est pas totale lorsqu’elle insinue que les journalistes ont contribué à la situation qui prévaut : ce qu’en droit on appellerait contributory negligence !

Bataille de l’opinion
L’opportunité pour exprimer des critiques, remarques ou observations sur le modus operandi des trois journalistes dans des moments actuels devrait nous interpeller. S’il y a des reproches à l’encontre des trois, même s’ils sont justifiés, la question est de savoir si le moment est approprié de les faire. Les bien-pensants, adeptes de l’objectivité ou de la neutralité stérile, devraient se demander de qui ils font le jeu, en glosant sur les manquements des journalistes, au moment même où ceux-ci sont victimes d’un système.
Toute observation négative faite contre des journalistes dans les moments critiques est utile à ceux qui veulent les descendre. Toute référence aux manquements de ces journalistes apporte une justification déguisée à une entreprise, à l’action qui se déroule ces jours-ci. On ne devrait pas oublier que c’est une bataille de l’opinion aussi qui se joue. Et tout est fait pour instiller un doute dans l’esprit de la population quant à la crédibilité des journalistes, afin de faire mieux accepter par celle-ci les actions menées contre eux.
À tous ceux qui veulent mitiger leurs indignations ou démontrer leurs sens de l’objectivité, il leur suffira de lire prochainement les rapports que produiront des institutions étrangères sur la liberté de la presse. On verrait bien alors si ces rapports blâmeraient les journalistes afin que leurs fautes puissent servir à justifier la cause des puissants. Déjà, la presse internationale a donné le ton en se focalisant sur les arrestations et non sur l’impertinence d’Axcel Chenney lors de ses interviews !
Il y a de ces indignations qui ne sont pas totales chez nous. À trop vouloir relativiser, on dilue l’essentiel. Venir, dans les circonstances présentes, sortir la rhétorique de l’objectivité, c’est s’aligner sur un système qui en veut à ses journalistes. Il y a de ces gestes et mots troublants qui trahissent le sens de l’engagement pour une presse libre. Et le paradoxe veut que de belles paroles prononcées au nom de l’objectivité contribuent à cette tendance à pointer les projecteurs sur l’accessoire et à faire reléguer l’essentiel à l’insignifiance !
C’est dans cet esprit de se focaliser sur l’essentiel que l’on ne traitera pas de la sournoiserie larvée que connaissent souvent des corps de métiers : impossible d’empêcher le succès de faire des ennemis et des jaloux chez d’autres. Mais, ici, il s’agit de la liberté de la presse, la liberté d’expression. Et cette liberté n’est pas l’affaire des seuls journalistes ou des propriétaires des titres de presse. C’est le droit de tout un peuple : son droit à être informé !
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