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Negative Income Tax
Janvier 2018 marquera la mise en oeuvre du système de ‘Negative Income Tax’. Cette mesure est en fait une allocation versée aux working poor, ces personnes qui se trouvent en situation de pauvreté en dépit du fait qu’elles sont actives et ont un emploi rémunéré.
Le but de cette mesure est double. Le premier est d’alléger le fardeau financier de ces familles. Le second est de ramener dans l’économie officielle une pléiade d’emplois précaires et non déclarés, puisque seuls ceux qui sont en poste dans un emploi officiellement déclaré pour lequel l’employeur paie les charges sociales y ont droit. La pression pour déclarer l’emploi vient alors de l’employé qui revendique son droit à une allocation plutôt que de l’État dans son rôle de policier du système. La mesure pourrait en effet être un contrepoids efficace à la tentation qu’auraient des employeurs, notamment les petites entreprises, à opérer dans l’économie parallèle.
La negative income tax devrait avoir, dans un premier temps, un impact effectif et réel sur les familles bénéficiaires. Cette allocation devrait pallier le problème de manque de ressources financières et améliorer le niveau de consommation de cesfamilles. La pauvreté étant une situation de manque d’accès aux ressources financières, il est en effet avéré que les versements d’allocations sociales ont un effet réel sur la qualité de vie des personnes au bas de l’échelle.
Plus durablement, le potentiel de cette mesure à apporter un certain bien-être aux plus pauvres de la population est incertain. Pour leur apporter un véritable bien-être, ces revenus doivent être effectivement dépensés en consommation. Il reviendra donc à ces familles de s’en approprier dans ce sens.
Le pari économique serait perdu si ces bénéficiaires décidaient d’utiliser ces revenus pour … s’endetter davantage. Ce qui est un risque réel, compte tenu de l’activité commerciale des maisons de crédit bien établies ou des prêteurs informels qui tournoient autour des familles dans le besoin. L’étude sur la pauvreté à Maurice qui date de 2012 (donc déjà dépassée) montre qu’entre 1996 et 2012 les familles les plus pauvres ont connu des hausses de revenus réels de 12,2 %. Toutefois, leur consommation a baissé de 8,1%, alors que la part des revenus attribuée au remboursement des dettes est passée de 3,1 % à 8 %. En clair, une bonne part des hausses de revenus ont atterri dans les poches des établissements de crédit officiels et des usuriers, et n’ont pas permis à ces familles d’améliorer leur condition.
Si cette tendance se maintient, le risque que les effets de la negative income tax s’évaporent tout aussi rapidement est réel.
Loin de nous l’idée de dire ici que le crédit est la plaie des familles les plus démunies, les riches étant prémunis contre cette situation. C’est une situation dans laquelle peuvent tomber les ménages de toutes les catégories sociales mettant en péril leurs projets financiers. Cependant, le risque plus élevé que courent les familles les plus démunies nous donnent à penser que si les hausses de revenus doivent être efficaces, un certain encadrement du crédit s’impose. Notamment pour prévenir non pas contre le crédit responsable dont ces familles pourraient avoir besoin mais contre le crédit futile qui mène aux abus. Car pour ces familles une décision facile sur le coup peut avoir des répercussions durables sur le long terme.
C’est la raison pour laquelle la politique actuelle, qui consiste à lutter contre la pauvreté en accordant des revenus de la Negative Income Tax, est nécessaire mais pas suffisante pour aider ces familles. Il serait utile qu’elle s’accompagne d’une réflexion et d’une politique sur la place du crédit dans notre société.
À la veille des célébrations de nos cinquante années d’Indépendance, osons cette question : que veut dire l’indépendance lorsqu’on est enchaîné par l’endettement ?
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