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Chagos : cerner concrètement la question au niveau international

7 décembre 2010, 20:00

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Les retombées des révélations de Wikileaks ont cloué au pilori les autorités britanniques et américaines. Elles ont été prises cette fois ci en flagrant délit, la main dans le sac.

S’il est vrai que le propos sur la création du parc marin dans les Chagos est un aveu implacable du dessein du gouvernement de Londres , je suis quelque peu surpris de constater qu’il a fallu attendre ces révélations pour démasquer la politique cynique, honteuse et coloniale des Anglais. On savait bien qui était le voleur. Brown et Miliband, aujourd’hui hors-jeu, ont menti et ont précipitamment lancé le projet de Marine Protected Area (MPA). Ils ont savamment orchestré une politique angélique derrière un rideau vert qui vient de tomber. MPA est devenu synonyme de Malicious Pre-conceived Act.

En menant une campagne sordide avec en toile de fond le soutien des fondations aveuglées dans le souci de protéger l’environnement de la plus grande réserve marine du monde et en associant à cette cause toutes les importantes ONG, le gouvernement de Londres avait cru déjà jeter les bases pour contrôler la région pour des décennies à venir !

Dès lors fallait-t-il attendre la révélation de Wikileaks pour confirmer cette stratégie ?. On n’est pas dupe. Le 8 février 2010 déjà, Ram Seegobin dans une lettre ouverte adressée à Greenpeace avait tiré sur la sonnette d’alarme : «The British government plan for a Marine Protected Area is a very weak, grotesquely transparent ruse designed to perpetuate the banning of the people of Mauritius and Chagos from part of their own country.» Il invita Greenpeace à ne pas entrer dans le jeu britannique «Greenpeace should dissociate itself from the entire international plot.»

Dans de précédents articles sur les Chagos, j’ai souligné que la bataille contre les Anglais et les Américains doit se faire autour d’une plateforme commune réunissant des hommes et femmes au niveau national, régional et international, ceux qui ont lutté depuis des années pour le retour des Chagos sous la souveraineté mauricienne.

Cette force commune qu’on pourrait appeler la Chagos Task Force prendra toute sa dimension à partir du moment où l’on injectera dans ce groupe la volonté politique. C’est le moment plus que jamais de réagir rapidement et efficacement sur le plan international parce que c’est là où la bataille va se jouer.

Aux déclarations incendiaires du Premier Ministre, il faut maintenant passer à l’action en faisant abstraction des clivages politiques. Le discours de Pointe aux Sables en avril 2010 avait déjà donné le ton. La Conférence initiée par Lalit est allée dans la bonne direction. Maintenant le moment est venu pour mener des actions concrètes au niveau du concert des nations et ce, sur plusieurs fronts à la fois.

J’en vois plusieurs au niveau régional et international.

Le gouvernement doit à travers le Premier ministre protester officiellement et énergiquement auprès de M. Cameron sur les propos qu’a rapportés Wikileaks et demander des explications en insistant sur la suspension immédiate et sans conditions de toute action concernant une politique de parc marin dans la zone. Il faudra inviter Londres à entamer des négociations immédiates pour le retour de l’archipel sous la souveraineté de Maurice.

Le gouvernement doit tout faire pour que les Etats-Unis prennent aussi ses responsabilités dans cette affaire. Quiconque qui détient un «objet volé» en toute connaissance de cause doit répondre à ses actes. En utilisant la base de DiegoGarcia avec la bénédiction des Anglais, les Américains sont en possession d’un «objet volé». «Stolen goods should be returned to its rightful owner.» Et qu’en est-il de cette possible rencontre Ramgoolam-Hilary Clinton !. En qu’en est-il de l’avis de Obama dont le père kenyan avait combattu aux côtés de Jomo Kenyatta pour libérer l’Afrique sous le joug du colonialisme ?. Le Chagos est un ensemble et DiegoGarcia en fait partie. Rien ne doit être dissocié de toutes les négociations.

Au niveau des Nations unies, il faudra dépasser les actions timides menées jusqu’ici. Un discours à l’Assemblée générale chaque année ne suffit pas. Les paroles s’envolent, les écrits restent. Le moment est venu de mettre sur place à New York une équipe ad hoc destinée à travailler sur le dossier des Chagos à plein temps, bien avant la tenue de l’Assemblée générale de septembre 2011. Il aura du boulot sur le terrain notamment une équipe d’architectes pour créer le réseau, établir des contacts, convoquer des réunions du groupe africain et le groupe des non-alignés, rechercher l’appui des pays du monde entier pour exposer la Grande-Bretagne sur le plan international et dénoncer sa politique infâme.

C’est dans le couloir des Nations unies qui ceci se passe. Dans le même souffle il faudra travailler sur une résolution votée d’abord au sein de l’Union africaine et ensuite soumise à l’Assemblée générale des Nations unies. Maurice a le droit, comme tout Etat Membre de l’ONU, de solliciter un débat sur ladite résolution. Mais il faudra aller plus loin en demandant que la question soit inscrite à l’ordre du jour du Conseil de Sécurité. Personne n’en parle du Conseil de Sécurité. Pourtant l’article 34 de la Charte des Nations Unies nous confère cette action «Le Conseil de sécurité peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.»

Au niveau de l’Union africaine, le gouvernement doit mener dès maintenant une politique agressive et demander que l’occupation de l’archipel des Chagos occupe une place prépondérante à la prochaine Conférence au sommet de l’Union. Dans le même souffle, le gouvernement mauricien doit demander la tenue d’une séance extraordinaire conformément à l’article IV du Traité de Pelindaba afin de mettre sur pied une stratégie pour contrer la politique nucléaire que les Etats-Unis pratiquent à Diego Garcia et demander des éclaircissements sur la présence des «Bunker Busters» dans la région. Pour ce faire, Maurice doit installer rapidement une représentation étoffée à Addis Abeba, siège de l’Union africaine, pour activer ce volet de notre stratégie.

Le gouvernement doit approcher l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) et demander qu’elle annule tout soutien relatif au parc marin dans les Chagos à la lumières des révélations de Wikileaks. L’IUCN en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) pourrait commencer à travailler sur un plan directeur pour la gestion de la zone dans les années à venir. Cette action démontera à la communauté internationale le sérieux avec lequel Maurice entend gérer la zone qui doit être transférée sous sa souveraineté.

Au niveau de l’Agence internationale d’Energie Atomique (IAEA), le gouvernement doit demander dans le cadre du traité de Pelindaba qu’une enquête soit conduite pour déterminer exactement ce qui se passe à Diego Garcia notamment au regard de la politique nucléaire des Etats-Unis et en faire rapport d’abord au sein du Conseil de IAEA et ensuite à l’Assemblée des Nations Unies.

A Strasbourg, le cas de Chagos doit être renforcé au niveau de la Commission européenne des droits de l’homme suite aux révélations de Wikileaks. Il y a de nouveaux éléments à verser au dossier.

Le gouvernement doit saisir rapidement à travers les Nations unies la Cour Internationale de justice de la Haye pour donner une opinion sur le cas des Chagos.

Au niveau de Genève, véritable plaque tournante des organisations internationales, il faudra passer à la vitesse supérieure en ramenant le cas des Chagos au sein de chaque organisation comme le faisait l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) dans le temps pour la décolonisation du continent. Ceci est possible lors des Assemblées générales des organismes internationaux comme le Bureau international du Travail, l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Union internationale des télécommunications, l’Organisation mondiale du Commerce, le Haut Commissariat pour les Réfugiés, la Commission des Droits de l’homme, la Commission des Nations unies pour le développement et bien d’autres.

Les autorités devraient saisir l’occasion et prendre l’initiative de convoquer une réunion d’envergure à Maurice en collaboration avec les Nations Unies, l’Union africaine et les défenseurs de l’environnement pour alerter l’opinion internationale sur l’enjeu de la région et la souveraineté de Maurice et de remettre les Chagos au cœur de ce problématique..

Au niveau de la presse, nous devrons dépasser les frontières en publiant des articles dans des magazines à diffusion internationale et susciter des débats à travers la diaspora mauricienne, notamment au sein des Universités, en Europe comme aux Etats Unis. Il faudra chercher l’appui le soutien de la télévision comme CNN, ARTE et autres pour des programmes à thème sur le Chagos. Dans le même esprit, on devrait être capable d’assurer des publications, par exemple dans Le Monde Diplomatique et d’autres quotidiens de renommées internationales afin de diffuser le plus largement possible cette occupation illégale et inadmissible. Que mille blogs fleurissent sur le Chagos.

Le gouvernement doit à partir du, Chagos Task Force, alerter l’opposition britannique et toutes les organisations éprises de justice de condamner publiquement la politique injuste perpétuée par le gouvernement Cameron. La même stratégie pourrait être menée aux Etats-Unis. Les américains pour la majorité sont ignorants de l’occupation illégale de Diego Garcia.
Les autorités doivent héberger et exploiter un site officiel sur le Chagos dans plusieurs langues si possible. Ce site, s’il est bien documenté, deviendra une référence dans la monde.

Admettons que tout ceci aura un coût !. On peut pas prétendre gagner une bataille avec une équipe aussi maigre comme c’est le cas dans au moins quatre ambassades cruciales pour suivre le dossier de Chagos. J’ai nommé Washington, New York, Genève et Londres. Nos adversaires sont de taille. Leurs Ambassades travaillent en équipe avec un suivi constant des dossiers. La bataille va se placer au niveau politique, diplomatique, juridique et économique et il appartiendra à Maurice soutenu par l’Afrique et le groupe de 77 de la déclencher. Nos Ambassadeurs ont besoin d’une équipe appropriée pour atteindre les objectifs précités. En utilisant la technologie de l’information à notre disposition et en mettant le Chagos Task Force au centre, il est fort à parier qu’on pourrait dégager une stratégie qui débouchera sur des résultats concrets. Dans le même esprit rien n’empêche pour le volet officiel le Ministre des affaires étrangères étoffe un think thank au sein de son Ministère pour travailler en collaboration avec le Chagos Task Force vers un même objectif.

Je réitère qu’il s’agit ici d’un moment historique pour Maurice. Ce n’est pas seulement le retour des Chagossiens qui est en jeu, mais bien une bataille de David contre Goliath pour prendre possession de 550 000 kilomètres carrés de terre et de mer qui nous appartient de plein droit. Du coup le visage de Maurice prendra une autre dimension sur l’échiquier international. La volonté politique demeure la base pour la question Chagos.

C’est sur cette plateforme qu’on reconnaît un grand chef d’Etat.

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