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Kreol, ki rol ?

Quand, au lendemain de l’indépendance, certains choisissait d’écrire le mot “kreol”en phonétique, ils se figuraient qu’en donnant une identité à cette langue, ils allaient en faire une langue nationale. Ce qui aurait permis, quarante ans plus tard, à une véritable nation d’œuvrer ensemble pour son avenir commun.
Qu’on allait en finir avec notre mésentente au pied de notre Tour de Babel.
Quarante-deux ans plus tard, que nous reste-t-il de ces rêves d’unité nationale ?
Tout a été dit, d’un côté comme de l’autre, sur l’hydre communale qui a de nouveau montré sa tête hideuse dimanche dernier par le truchement de Choonee.
Cependant, dans le même souffle fétide, pourrait-on dire, revient sur le tapis la question de la langue créole à l’école. Cela à la faveur d’un forum national, qu’a organisé le ministère de l’Education, lundi dernier, pour définir les modalités d’une standardisation de cette langue.
A un moment donné sur le site lexpress.mu, cette semaine, sur quelque 900 lecteurs ayant exprimé leur opinion sur l’introduction du kreol à l’école, 32% se sont prononcés pour, 66% contre, le reste étant sans opinion.
On peut se demander si cette très forte opposition au kreol à l’école – les deux-tiers ! – est liée à des raisons rationnelles.
Est-ce que les parents craignent que leurs enfants se retrouvent lésés par rapport à l’apprentissage d’autres langues ?
Est-ce la graphie proposée qu’ils trouvent repoussante, avec les “k” et les “w” ?
Est-ce que certains estiment que cette graphie justement risque d’appauvrir le kreol en le coupant de ses racines étymologiques ?
Ou bien est-ce tout simplement par peur de ceux qui veulent donner une unique racine à une langue, qui s’étend, en réalité, au-delà des différences culturelles et cultuelles d’un peuple ?
Pour dire les choses crûment, n’est-ce pas la récupération identitaire du kreol par un groupe qui effraie le citoyen moyen ?
Pouvait-on imaginer en 1968 que presque deux générations plus tard, malgré toutes les actions et tous les discours contre le communalisme, qu’il ressurgirait encore et encore, parfois plus fort ?
Et que seront récupérées même les notions les plus unificatrices de notre vivre-ensemble ?
Pour rester dans la métaphore de l’hydre, rappelons que ses multiples gueules exhalent un poison dangereux et qu’à chaque fois qu’on lui tranche une tête, deux autres repoussent.
Ne soyons pas naïfs : notre incompréhension mutuelle et notre peur de l’inconnu constituent bien le terreau qui permet aux incendiaires de poursuivre leur œuvre létale.
Ou, comme disait Brecht, «le ventre est encore fécond, d’où est surgie la bête immonde».
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