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Frappes, ripostes et chaos

Le cas de Diego Garcia

25 juin 2025, 17:38

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Le cas de Diego Garcia

Alors que les États-Unis ont lancé une offensive, le 22 juin, contre les sites nucléaires iraniens, puis demandé un cessez-le-feu entre Israël et la République islamiste, la base militaire de Diego Garcia revient au centre du jeu géopolitique. Le 31 mars, The Telegraph rapportait des appels en Iran à frapper préventivement cette base, perçue comme une «menace imminente» par certains hauts gradés. À environ 3 800 km des côtes iraniennes, la base militaire américano-britannique conjointe de Diego Garcia pourrait devenir, à tout moment, un point de projection. Pour Maurice, qui a retrouvé sa souveraineté sur les Chagos mais qui reste exclue de Diego Garcia, la perspective d’un engagement militaire régional soulève des inquiétudes: sécurité, souveraineté et respect du droit international sont plus que jamais au cœur des tensions.

Ce que dit la presse internationale

Diego Garcia, plus proche de l’Iran que de Guam, aurait pu servir de base pour l’attaque américaine. Mais Washington a privilégié Guam, jugée plus discrète. Le Royaume-Uni aurait dû approuver une offensive depuis Diego, risquant ainsi des représailles iraniennes. La BBC rapportait le 22 juin : «There had also been speculation that the UK facility, Diego Garcia, which is twice as close to Iran than Guam, might be used as a staging post. That would have caused a potential political and diplomatic headache for the British government, as they would have to give their blessing to any US attack, which might in turn make UK bases a target for Iranian retaliation. It is unclear why Guam was reportedly chosen as a destination for the bombers. US officials told the BBC’s US partner, CBS News, that it is thought that the Guam base would provide better operational secrecy than Diego Garcia.»

Des rapports évoquaient Diego Garcia comme possible escale pour une attaque imminente. Ce détour n’était qu’une diversion, selon le secrétaire américain à la Défense, pour masquer les intentions réelles des États-Unis, qui ont finalement frappé depuis Guam. Selon The Telegraph du 22 juin : «The departure of the stealth bombers the previous day had not gone unnoticed. Reports emerged that they were bound either for the Andersen Air Base at Guam or possibly to the US facility on the soon-to-be Mauritian territory of Diego Garcia – a staging post, perhaps, for a future attack. Just 24 hours earlier, Mr Trump had delayed any decision on direct US involvement in Israel’s war by a fortnight. That, it turned out, was a feint. And the Diego Garcia stopover, as Pete Hegseth, the US defence secretary, later admitted, was a ‘misdirection’.»

Des experts surveillent de près un éventuel re- déploiement de bombardiers B-2 vers Diego Garcia, jugée stratégique pour le Moyen-Orient. Les B-2 ont été enlevés de l’île le mois dernier, remplacés par des B-52. «Experts and officials are closely watching to see whether the B-2 bombers will move forward to a U.S.-British military base on the Indian Ocean island of Diego Garcia. Experts say that Diego Garcia is in an ideal position to operate in the Middle East. The United States had B-2 bombers on Diego Garcia up until last month, when they were replaced with B-52 bombers», rapportait Reuters le 22 juin.

La menace est-elle réelle ? Shafick Osman, docteur en géopolitique, répond à ce sujet.

Dans quelle mesure Diego Garcia, en tant que base stratégique américaine dans l’océan Indien, pourrait-elle devenir une cible concrète dans un conflit impliquant l’Iran ou ses alliés régionaux ?

Il paraît que l’Iran n’a pas la capacité d’atteindre Diego Garcia avec ses missiles de son territoire. Je ne suis pas un expert en la matière mais je me méfie toujours des données publiées dans les médias et publications occidentales ou pro-occidentales. Cela dit, les alliés de la République islamique d’Iran peuvent très bien toucher Diego Garcia d’une manière ou d’une autre. Tout peut arriver dans une guerre qui s’internationalise…

Comment la montée des tensions entre les États-Unis, l’Iran et d’autres puissances comme la Chine ou la Russie redéfinit-elle la sécurité régionale autour de Diego Garcia et, par extension, dans l’océan Indien, Maurice, La Réunion ?

Serons-nous touchés ? Maurice se trouve coincée maintenant qu’elle retrouve sa souveraineté. Le traité qui a été signé avec le Royaume-Uni stipule clairement que Maurice sera informée des actions de la base étasu- nienne de Diego Garcia en cas d’agression ou de guerre mais elle ne pourra pas s’y opposer ! Donc, s’il y avait une ambiguïté, il n’y en a plus. Maurice devient officiellement un allié militaire – un complice même – des États-Unis et du Royaume-Uni, ce qui rend le slogan de Maurice, «amie de tout le monde et ennemie de personne», caduc. C’est un vrai basculement de la position de Maurice sur le plan international que beaucoup ignorent ou font semblant d’ignorer. Maurice sera partie prenante de toute action militaire venant de Diego Garcia et ce n’est pas une mince affaire !

Maurice revendique Diego Garcia devant les instances internationales. Une attaque contre cette base aurait-elle un impact sur cette revendication ou notre position diplomatique ?

Maurice a revendiqué, à juste titre, non seulement Diego Garcia mais l’ensemble de l’archipel des Chagos. Si une puissance quelconque attaque la base étasunienne de Diego Garcia, ce serait une attaque contre les États-Unis et par ricochet, le Royaume-Uni, mais pas nécessairement Maurice. C’est comme le cas ces jours-ci des attaques iraniennes contre les bases militaires étasuniennes au Qatar et les menaces contre les bases des États-Unis dans le Golfe Persique : ces attaques ou ces menaces ne sont pas destinées aux monarchies du Golfe mais bien contre les États-Unis, ce qui, militairement, est assez intelligent. Cela dit, les pays du Golfe où existent ces bases étasuniennes sont bien évidemment complices des actions militaires des forces étasuniennes.

Par N.M.

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