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Le combat de la Blind and Visually Impaired Association : Ouvrir les yeux sur l’exclusion des non-voyants

28 juillet 2025, 17:00

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Le combat de la Blind and Visually Impaired Association : Ouvrir les yeux sur l’exclusion des non-voyants

■ Les membres de la BAVIA, malgré leur cécité, apprennent à accomplir les tâches quotidiennes, comme préparer à manger. (Ci-contre) Le président de l’association, Robin Baboolall (à dr.), en compagnie du président de la République, Dharam Gokhool.

Depuis plus de 27 ans, la Blind and Visually Impaired Association (BAVIA) œuvre dans l’ombre pour mettre en lumière la dignité, la résilience et les défis des personnes non-voyantes et malvoyantes à Maurice. Fondée en 1997, cette association est bien plus qu’un simple regroupement : c’est un espace de solidarité, de réinsertion et d’engagement, porté à bout de bras par ceux qui y trouvent un second souffle – à l’image de son président, Robin Baboolall.

La semaine dernière, une demi-journée de dépistage gratuit du diabète et de l’hypertension a été organisée à Coromandel. Une action saluée par tous, mais qui rappelle aussi, selon Robin Baboolall, l’importance de prendre soin de ceux qu’on oublie trop souvent. «Dès que les jeunes atteignent 18 ans, ils ne peuvent plus bénéficier du soutien du Loïs Lagesse Trust Fund. La loi est ainsi faite», explique-t-il. «Beaucoup se sont retrouvés livrés à eux-mêmes, sans perspectives, sans accompagnement. Alors, un petit groupe d’amis, tous concernés par la déficience visuelle, a décidé de créer cette association pour s’entraider.» C’était le 29 août 1997.

Aujourd’hui, la BAVIA regroupe près de 80 membres, âgés de 19 à plus de 70 ans. «C’est un lieu de rencontres, d’apprentissage, d’activités.» Les membres y confectionnent des objets artisanaux – corbeilles, poubelles, paniers – en rotin. Une activité historique pour les non-voyants, reconnue pour la patience et la minutie qu’elle exige. Les ventes servent à financer le fonctionnement de l’association. Mais même là, les difficultés s’accumulent. «Avant, on payait Rs 35 la livre de rotin. Maintenant, c’est Rs 450. C’est devenu un luxe.» Le président exprime une fatigue face à un monde où tout coûte cher, surtout pour ceux qui ont si peu.

🟦Une société qui détourne le regard

Plus que le manque de moyens, c’est le regard de la société qui pèse. «Quand je monte dans le métro, les sièges jaunes censés être réservés aux personnes en situation de handicap sont souvent occupés par des personnes valides. Personne ne se lève. On fait comme si on n’existait pas», déplore-til. Il évoque aussi les voitures stationnées sur les trottoirs, les nids-de-poule non signalés et les accidents évitables. «À Beau Bassin, une dame est tombée dans un trou béant. Il n’y avait aucun panneau, aucune alerte.»

Le manque d’accessibilité dans les infrastructures publiques est criant. Et lorsqu’il s’agit d’emploi, le constat est tout aussi accablant :«Pour travailler sur un ordinateur, il faut un logiciel adapté, comme un lecteur d’écran. Mais ces logiciels coûtent entre Rs 60 000 et Rs 70 000. Quel employeur va investir autant, alors qu’on ne propose pas de vraie inclusion ?»

Il souligne aussi le manque d’empathie. «La semaine dernière, une personne m’est rentrée dedans et au lieu de s’excuser, elle m’a reproché de “ne pas voir clair”. Quand je lui ai montré ma canne blanche, elle est partie sans un mot.»

🟦Parcours personnel et avenir de l’association

Robin Baboolall n’est pas né avec une déficience visuelle. Son histoire, il la raconte avec pudeur : «En 2012, à cause d’une hypertension sévère – ma tension est montée à 25/15 –, mes nerfs optiques ont été irrémédiablement endommagés. J’ai perdu la vue du jour au lendemain.» Trois ans de silence, d’isolement, de remise en question ont suivi. Jusqu’à ce qu’un ami lui propose de s’impliquer dans la BAVIA.

Depuis, il s’est reconstruit à travers le service aux autres. «J’ai compris qu’on pouvait encore être utile, encore rêver.» Prochainement, la BAVIA lancera un projet d’agriculture adaptée aux non-voyants, en collaboration avec le Food & Agricultural Research & Extension Institute. Des formations ont déjà été suivies. «C’est une manière de redonner confiance, d’ouvrir de nouvelles portes.»

Et si le quotidien reste semé d’embûches, Robin Baboolall garde la tête haute :«On nous met à l’écart, mais nous ne sommes pas invisibles. On existe, on avance. Avec un peu d’écoute, beaucoup de respect et quelques adaptations, on pourrait tous vivre mieux.» Un message d’espoir, mais aussi un appel à la conscience collective. Parce que dans une société véritablement inclusive, la lumière ne devrait jamais s’éteindre pour personne.

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