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Site historique en peril

Le Morne : un patrimoine sacré malmené au sommet

16 avril 2025, 16:00

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Le Morne : un patrimoine sacré malmené au sommet

Des visiteurs perchés sur la croix métallique au sommet du Morne Brabant, un acte jugé irrespectueux envers ce monument symbolique de la résistance à l’esclavage.

Le Morne Brabant, majestueuse montagne située au sud-ouest de Maurice, attire chaque année des milliers de randonneurs, de touristes et d’amoureux de la nature. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008, ce site emblématique est bien plus qu’un paysage à couper le souffle : il incarne la résistance à l’esclavage, un lieu de mémoire empreint d’émotion et de respect.

Pourtant, malgré cette reconnaissance internationale, un constat préoccupant s’impose : Le Morne est aujourd’hui victime de comportements irrespectueux, parfois choquants. En février, un acte de vandalisme a suscité une vague d’indignation : un visiteur a tagué un rocher au sommet avec de la peinture fluorescente. Ce geste, perçu comme une véritable profanation, a profondément choqué les défenseurs du patrimoine mauricien. Car pour beaucoup, ce n’est pas qu’un simple graffiti : c’est une atteinte à un lieu de souffrance, de sacrifice et de lutte pour la liberté.

Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé. Une autre pratique, de plus en plus courante, inquiète : des visiteurs escaladent la croix en métal érigée au sommet pour y prendre des selfies. Or, cette croix, bien qu’elle ne soit pas un symbole religieux, est un mémorial : elle marque le lieu où, selon la légende, plusieurs esclaves marrons se seraient donné la mort, croyant à tort que l’abolition de l’esclavage avait été annulée. Grimper sur cette croix, c’est piétiner une mémoire collective douloureuse, celle de femmes et d’hommes ayant sacrifié leur vie dans leur quête de liberté.

Zia Durgahee, directeur de Vertex Exploration, exprime son désarroi :«C’est un manque total de respect envers la croix. Quand je dis aux gens de ne pas monter, ils me répondent: Où est-ce que c’est écrit ? Il est urgent que les autorités agissent, qu’elles installent des panneaux clairs et prennent des mesures légales contre ces comportements. C’est une violation complète du respect.»

Si certains visiteurs ignorent peut-être la portée symbolique de leurs gestes, c’est aussi parce que les panneaux d’information installés auparavant ont été arrachés ou sont difficilement visibles. Le Morne Heritage Trust Fund (LMHTF), chargé de la préservation du site, confirme leur disparition : «De nouveaux panneaux sont en cours d’installation, mais le travail en hauteur est difficile, car peu de prestataires acceptent cette mission.»

Autre difficulté majeure : le LMHTF fonctionne actuellement sans conseil d’administration, ce qui freine ses capacités d’action. Sur le site internet du LMHTF, des recommandations précises existent pourtant: il est clairement indiqué qu’il est interdit de monter sur la croix. Mais peu de randonneurs prennent le temps de le consulter avant leur ascension. Certains guides locaux, conscients de l’importance du lieu, s’efforcent de sensibiliser les touristes, et d’expliquer la portée historique et symbolique du Morne. Mais tous les visiteurs ne sont pas encadrés et les dérives se multiplient.

Un randonneur s’interroge :«Ces mêmes personnes grimperaient-elles sur une croix dans un cimetière pour prendre une photo ? Alors pourquoi le font-elles ici ?» Cette comparaison met en lumière un manque criant de sensibilité envers la valeur mémorielle du site. Au-delà du non-respect, ces comportements présentent aussi un risque concret : la croix n’a pas été conçue pour supporter le poids de plusieurs personnes. Elle pourrait être endommagée, voire s’effondrer, mettant en danger la sécurité des visiteurs.

Le Morne n’est pas qu’un lieu de randonnée : c’est un sanctuaire, un témoin de notre histoire, porteur des douleurs, des luttes et des espoirs de ceux qui ont refusé l’esclavage. Sa préservation est une responsabilité collective. Autorités, guides, habitants et visiteurs doivent unir leurs efforts pour garantir le respect de ce site sacré. Car si l’irrespect devient la norme au sommet du Morne, c’est une part de notre identité que nous risquons de voir s’effacer.

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