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Rencontre
Nina Hellis: singing djette
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Nina Hellis: singing djette

Métier: djette. Mais elle ne joue pas que la musique des autres. Elle la chante aussi, en revisitant des tubes «à sa sauce», tout en s’accompagnant au clavier. Nina Hellis a plus d’un tour de platine dans son sac. Après une fin d’année chargée, elle peaufinera ses propres compositions musicales.
À quel moment – alors qu’elle est djette – Nina Hellis se met-elle à chanter ? «J’ai été forcée.» On peut forcer une «tête dure» (c’est ainsi qu’elle se décrit) ? Flashback. À l’époque, elle travaille dans l’animation, dans un hôtel. «On savait que je pouvais mixer. Je n’avais jamais précisé que je pouvais jouer de la musique en acoustique et chanter.»
Mais à l’hôtel, on se rend compte que Nina Hellis en a plus dans le ventre que ce qu’elle veut bien dire. Elle est mise devant le fait accompli. «Tu dois chanter ce soir.» Elle se braque ; souligne qu’elle a une grippe ; qu’elle n’a rien préparé; que ce n’est pas possible pour elle de chanter. En face, on lui répond : «Tu mets le soundtrack sur l’ordinateur et tu chantes avec, en mode karaoke». Aucune protestation n’est admise. Fin de la discussion. «À mes yeux, c’était nul. J’étais malade et le stress est mon plus grand ennemi. Mais tout le monde a trouvé que c’était bien.» Nina Hellis se rend alors compte qu’«on veut vraiment que je chante».
De fil en aiguille, la voilà à la plage de The Ravenala Attitude, à Balaclava, pour la soirée Dreamers, qui était sold out. C’était le 29 novembre dernier. En format piano-voix, Nina Hellis s’empare d’une chanson connue qu’elle «aime bien» et la transforme en une matière sensible et poétique. Un style personnel qu’elle qualifie de «emotional lounge». Aboutissement des cours de piano commencés au conservatoire FrançoisMitterand, continués dans des cours particuliers. «Je n’ai pas fini les cours, j’ai continué par moi-même en allant plus vers le contemporain plutôt qu’en restant dans le classique.»
Au cours de précédentes soirées Dreamers ainsi qu’une édition du festival La Isla 2068, Nina Hellis avait mixé et chanté en même temps. Le mois dernier, elle a dit oui à une demande spécifique pour une prestation piano-voix. «Victor (NdlR: Victor Genestar, organisateur de Dreamers et La Isla) m’a vue à l’hôtel. Il ne savait pas que je chantais. Je le cache par manque de confiance en moi.» Prochaine étape logique : produire des sons originaux, de l’«électro mélangé à de l’africain très roots et des percussions».
Quand Nina Hellis ne chante pas, comme djette, son «style de prédilection», c’est toutes les formes de house music, surtout ce qui est «un peu funky». Mais dans le travail, la djette passe de tout sur ses consoles: de la musique commerciale aux rythmes de Bollywood, à des sons plus électro. «J’aime tout expérimenter.»
Comment est-elle devenue djette ? En riant, Nina Hellis se souvient que dans sa jeunesse (elle ne dit pas son âge), lors des sorties en boîte de nuit, comme Les enfants terribles, le «Queens de l’époque, qui n’est pas comme celui d’aujourd’hui», elle n’était «pas trop danseuse». Cela la branchait plus d’observer le DJ. «Essayer de savoir ce qu’il faisait derrière cet appareil que je ne comprenais pas encore. Je me demandais surtout comment il arrivait à mélanger les sons pour faire danser.»
Pour passer de l’observation à l’action, Nina Hellis reconnaît d’emblée que «c’est bien d’avoir un voisin qui était déjà dans le domaine. C’était DJ Lorven». Musicalement, elle a une grande soif d’apprendre. «Ah, si je pouvais maîtriser tous les instruments», rêve-t-elle. «Mais faute de temps, et de patience aussi, ce n’est pas possible.» Ce n’est pas sur des platines qu’elle fait son apprentissage, mais sur des logiciels, derrière un écran d’ordinateur branché à des enceintes. Elle s’exerce d’abord sur Atomic Sample Mp3 puis sur Virtual DJ.
C’est une passion à laquelle elle s’adonne à côté de ses petits boulots «normaux». Du travail de bureau comme assistante commerciale ou assistante administrative. «Je n’étais pas très heureuse. Cela ne me convenait pas, mais je ne le savais pas encore.» Quand Nina Hellis apprend le deejaying, «il y a très peu de filles. Il y en avait une, qui était la sœur d’un DJ. Ca fait quelque chose à l’ego de se dire que l’on va être parmi les rares filles DJ dans le pays. Même à l’international, il n’y en avait pas autant qu’aujourd’hui».
La tendance est aux «models DJ», des djettes mannequins, qui jouent autant de leur physique que de la musique. «Ce que je ne suis absolument pas», souligne Nina Hellis. «Bien sûr, il faut avoir une présentation soignée. Sur scène ou en boîte, la djette ne va pas débarquer en pyjama. Mais quand il s’agit d’une fille, on accorde beaucoup d’importance à l’apparence.» Ne pas correspondre à certains canons ou codes esthétiques a-t-il joué contre Nina Hellis ? A-t-elle eu moins de contrats à cause de cela ? «Je ne connais pas l’expérience d’autres djettes, mais heureusement, non. Je veux surtout montrer mon art, ce que je sais faire.»
De la passion pratiquée dans son temps libre, le deejaying prend de plus en plus de place dans sa vie. Elle finit par faire le day job et le deejaying en même temps, «un moment de transition qui a été très bref». Jusqu’à ce qu’elle soit engagée tous les weekends comme djette. «L’une de mes premières fois, c’était à Ebène, dans une boite qui s’appelait Le Kheops. Je tremblais. Je ne regardais pas du tout devant moi. C’était le stress total.» Au début, elle ne travaille pas beaucoup. Elle n’a pas encore de réseau. Elle est une djette invitée, «pas le DJ régulier d’un lieu en particulier. J’étais invitée à faire un passage pendant des fêtes, par exemple». Ce n’est pas bien payé. «Je ne savais pas combien était payé un DJ. Avec le cachet que je demandais, je ne savais pas me mettre en valeur.»
L’expérience et le temps se chargent de lui apprendre les réalités du métier. Renforçant aussi sa conviction que sa voie est dans la musique. Elle postule un emploi de prof, comme sa maman, mais ne se présente pas à l’entretien. «Pour ma maman, le monde de la nuit est dangereux. J’allais travailler seule en voiture. C’était un peu compliqué pour elle. Ce qui est compréhensible. Moi-même j’avais des appréhensions en allant seule dans des endroits que je ne connaissais pas. Il y a la pression d’être devant des gens, parmi des gens. La nuit, il y a ceux qui sont ivres, cela peut être imprudent.»
Nina Hellis a-t-elle vécu de mauvaises expériences ? «Une fois, on a arraché le rétroviseur de ma voiture, mais cela n’avait rien à voir avec moi. J’ai de la chance.» Est-ce de la chance ou savoir où l’on met les pieds quand on va travailler? «Un peu des deux», affirme-t-elle. «Je suis une femme. Je suis obligée de faire attention à beaucoup plus de choses qu’un homme ne le ferait.» Nina Hellis a entrepris de former une jeune djette. «Je suis à fond girl power. Cela donnera possiblement un duo.»
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