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Ashok Subron face à la PNQ
Pension : beaucoup de passé, peu de réponses
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Ashok Subron face à la PNQ
Pension : beaucoup de passé, peu de réponses

C’est un long plaidoyer, presque une leçon d’histoire sociale, qu’a livré le ministre de l’Intégration sociale, de la sécurité sociale et de la solidarité nationale, en réponse à la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, mercredi 18 juin, à l’Assemblée nationale. Au cœur de l’interpellation : la décision controversée de relever progressivement l’âge d’éligibilité à la Basic Retirement Pension (BRP) de 60 à 65 ans, mesure annoncée dans le Budget 2025-2026.
Pendant 25 minutes, le ministre Ashok Subron a retracé l’histoire du système de pension mauricien, avant de répondre, dans les dernières minutes, aux questions posées, non sans des interventions répétées de la speaker, qui l’a exhorté à plus de concision. Il a d’abord campé le décor : «La pension de vieillesse à Maurice est bien plus qu’un revenu mensuel ; c’est un pilier du contrat social, une reconnaissance du travail d’une vie.»
Le ministre est remonté jusqu’à l’époque de l’esclavage, où il n’existait aucun filet social. Le concept de pension est né dans le sillage des luttes ouvrières, notamment après les troubles dans les plantations sucrières dans les années 1930. Il a évoqué le rapport Hooper de 1979, qui a recommandé la mise en place d’un régime de pension pour tous. Les premiers paiements ont été effectués en 1950, à partir de 65 ans. En 1953, l’âge a été abaissé à 60 ans pour les femmes. En 1957, le means test a été aboli, marquant l’universalité du régime.
Le ministre a dénoncé la décision de l’ancien ministre des Finances, en 2020, d’abolir le National Pension Fund (NPF) pour le remplacer par la Contribution sociale généralisée (CSG). «Ce fut une rupture, une trahison, un crime contre les travailleurs», accusant l’ancien gouvernement d’avoir utilisé la pension comme outil électoral, au détriment de la pérennité du système.
🔷 «Un changement difficile mais nécessaire»
Bien que la réforme actuelle soit «sérieuse et difficile», Ashok Subron affirme qu’elle est dictée par des réalités démographiques et budgétaires. «Aujourd’hui, l’espérance de vie a grimpé à 74 ans. Nous devons assurer la viabilité du système.» La réforme vise à construire un régime «équitable, durable et fondé sur la responsabilité partagée entre employeurs et employés», mentionnant que son propre parti, Rezistans ek Alternativ, a soumis des propositions au gouvernement à ce sujet.
🔷 A-t-il été consulté ? La réponse en fin de discours
À la question directe de Joe Lesjongard sur sa propre implication dans cette décision, Ashok Subron a finalement répondu : «Oui, j’ai été consulté en tant que ministre du cabinet. Mon ministère a soumis des propositions dans le cadre du Budget.» Il a confirmé que le cabinet a pris une décision le lundi 16 juin, après discussions avec les ministres. Pour la deuxième partie de la question, relative à une étude sur l’impact social, le ministre a admis qu’aucune étude préalable n’a été réalisée avant l’annonce de la réforme. Toutefois, deux comités interministériels ont été mis en place pour en examiner les effets. L’un est présidé par le Premier ministre, l’autre par Ashok Subron lui-même.
Interrogé sur la possibilité d’introduire un système de pension basé sur des critères de ciblage, le ministre a répondu que toutes les options sont sur la table. Il a toutefois précisé que certaines dérogations existeront pour les travailleurs de secteurs pénibles, tels que la canne, la construction, le transport, le sel et la sécurité. Le comité qu’il préside devra, entre autres, réformer l’ensemble du système d’évaluation médicale des travailleurs âgés ou souffrant d’un handicap, une réforme qu’il qualifie d’«historique».
«Notre objectif est de tout finaliser avant la mise en œuvre de la mesure, c’est-à-dire le 1er septembre…», a-til précisé, en réponse à une question supplémentaire du leader de l’opposition. Ce dernier a également interpellé Ashok Subron sur la promesse électorale relative à la double pension pour les veuves. Le ministre lui a sèchement répondu : «Un mandat dure cinq ans. Ce que nous avons à accomplir, nous le ferons dans ce délai. Nous n’avons aucune leçon à recevoir du MSM.»
🔷 Subron, le syndicaliste devenu ministre
Ashok Subron n’a pas manqué de rappeler son passé militant. «Je suis un gauchiste, et je mourrai gauchiste. Mais des faits objectifs doivent être pris en compte. Je suis entré au Parlement pour changer les choses, pas pour les enterrer.» Il a évoqué sa lutte syndicale en 2008 pour maintenir l’âge de la pension à 60 ans tout en relevant l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. Aujourd’hui au gouvernement, il dit rester fidèle à ses convictions. «Mon engagement dans ce gouvernement n’est pas différent de celui que j’avais quand je défendais les travailleurs dans la rue.»
La réforme annoncée continue à provoquer des remous dans le pays. La levée de boucliers des syndicats, des ONG et de la population ne faiblit pas. Si Ashok Subron tente d’expliquer la démarche sur le fond historique et la nécessité d’une réforme, ses adversaires politiques dénoncent une décision brutale, sans préparation, ni consultation publique. Le débat autour de l’âge de la pension risque donc de dominer encore longtemps l’actualité politique et sociale de Maurice.
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