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Analyse

Pistes de réflexion pour transformer une Constitution «arriérée»

19 juillet 2025, 15:00

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Pistes de réflexion pour transformer une Constitution «arriérée»

© Aurelio Prudence

C’est une promesse. Le 24 janvier de cette année, le discours-programme a annoncé l’intention du nouveau gouvernement de «nommer dans un délai de six mois, une Constitutional Review Commission qui fera des recommandations sur une réforme constitutionnelle et électorale. L’objectif étant une meilleure protection des droits fondamentaux».

Alors que ces amendements cruciaux se font attendre, Amar Mahadew (photo), Senior lecturer de la faculté de droit de l’université de Maurice livre une analyse saisissante de nos lois. Avec en filigrane, ce qu’elles disent de notre héritage colonial. C’était le jeudi 17 juillet dernier, lors de la première activité de la National Human Rights Commission, à l’occasion du Nelson Mandela International Day, au centre Nelson Mandela pour la culture africaine.

Avouons-le. De prime abord, le titre de sa communication : «Le constitutionnalisme transformationnel dans une perspective sud-africaine», nous maintient à distance. Mais ce comparatif entre lois mauriciennes et ce qui se pratique dans une autre nation arc-en-ciel, l’Afrique du Sud, cela en présence de la haut-commissaire d’Afrique du Sud à Maurice, Dr Hlamalani Nelly Manzini invite réflexions et débats.

Première «erreur fondamentale» contre laquelle nous met en garde Amar Mahadew, c’est de considérer la Constitution comme un document, comme la loi suprême, «en oubliant le concept abstrait qui est derrière, le constitutionnalisme». Ce qu’il définit comme la philosophie derrière un engagement, qu’il soit politique ou autre. Il a rappelé que la Constitution de Maurice est un héritage de l’ère coloniale. «Le peuple mauricien n’y a pas contribué. Cette Constitution a été rédigée en même temps que 15 autres Constitutions».

La voix du peuple

En citant la figure tutélaire de Nelson Mandela, l’intervenant rappelle qu’il nous montre que, «la Constitution est le document du peuple». Ce qui signifie que la population doit participer activement à sa rédaction. Amar Mahadew estime que quand la Constitutional Review Commission sera éventuellement nommée, le gouvernement pourrait s’inspirer de ce que l’Afrique du Sud a fait durant le mandat de Mandela entre 1990 à 1993. C’est-à-dire que c’est une assemblée constituante qui rédigera la Constitution. Le Senior lecturer de s’interroger : l’exercice sera-t-il ouvert au peuple ? «Il faudra trouver des moyens de faire entendre les voix de la société civile, de l’homme de la rue». Il a souhaité que cette révision constitutionnelle ne soit pas l’apanage d’une élite, de quelques personnes triées sur le volet, sans tenir compte du vécu de l’ensemble des citoyens.

Laisser l’interprétation aux cours de justice

Amar Mahadew a rappelé que Nelson Mandela brillait par sa simplicité. Ce qui selon lui, «se voit dans le langage simple de la Constitution sud-africaine». Le Senior lecturer a souligné que notre Constitution c’est des dispositions en six à sept lignes qui ne sont pas toujours faciles à comprendre pour le citoyen lambda.

Il a cité l’exemple de la déclaration des droits, «rédigée de manière négative, avec l’accent sur les exceptions plutôt que sur les droits». De préciser que la Constitution sud-africaine, «parle en deux lignes du droit à la vie privée. Point». En laissant à la cour interpréter la loi, au cas par cas.

L’enseignant a rappelé que la Constitution a été héritée du professeur Stanley de Smith, «un juriste euro-centrique. Les gouvernements successifs n’ont pas initié de réels amendements, malgré de nombreux appels. Espérons que le gouvernement actuel va le faire». Et qu’un langage simple sera adopté pour une meilleure compréhension par tous.

Concept d’égalité manquant

L’un des aspects absents de notre Constitution : elle ne comporte pas de préambule et commence directement avec le chapitre premier. Alors qu’un préambule met en contexte et établit les lignes directrices pour l’interprétation de la déclaration des droits. Cela sert à mesurer les valeurs fondamentales intégrées dans la Constitution, a maintenu Amar Mahadew.

Autre concept absent de la Constitution : le principe d’égalité. Il y a les sections qui «protègent contre les discriminations, mais cela ne veut pas dire que l’on vous accorde un traitement égal. Ce sont deux choses différentes».

Où est la dignité humaine ?

L’analyse du Senior lecturer montre qu’un autre concept minoré dans la Constitution, c’est celui de dignité humaine. Simple recherche linguistique sur ordinateur : «en passant en revue une centaine de lois pour trouver le mot dignité, je ne l’ai vu que dans un seul cadre légal, la Mental Health Act». Il en déduit que si ce concept de base est absent, car «si vous êtes traité avec dignité, le reste va suivre, cela montre à quel point notre Constitution est arriérée».

Qui présidera la «Constitutional Review Commission» ?

Autre point-clé soulevé par l’intervenant : qui présidera la commission chargée de faire des recommandations en vue d’une réforme constitutionnelle ? Il a proposé que ce responsable ait droit à un cours d’introduction au «transformative constitutionalism» et la déclaration des droits. «Cela pourra être une source d’inspiration».

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