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Quand Jugnauth profite du vide laissé par Ramgoolam et Bérenger
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Quand Jugnauth profite du vide laissé par Ramgoolam et Bérenger
C’est un retour qui ne doit rien au hasard. Alors que Navin Ramgoolam s’active à Nice, en quête de partenariats ou de répit diplomatique, Pravind Jugnauth refait surface, plus acerbe que jamais, en surfant sur la colère populaire. Sept mois après sa chute électorale, le leader du MSM sent que le moment est propice : l’opinion gronde, les mesures budgétaires font l’effet d’un seau d’eau froide, et Paul Bérenger lui-même, sur la sellette pour sa sortie malheureuse à Camp-Diable, incarne l’arrogance du pouvoir et devient irascible, tel SAJ s’accrochant, malgré son âge, aux attributs du pouvoir.
Face au vide politique, le leader du MSM convoque ses fidèles, rameute les caméras, relance ses arguments. Il parle retraite, il parle justice sociale, il parle des pensions qu’il, lui, n’a jamais touchées. Et surtout, il propose un retour en arrière : restaurer l’âge de la retraite à 60 ans. Il sait que c’est un point de rupture avec le budget Ramgoolam. Il sait aussi que c’est un sujet chargé d’émotion. Et surtout, il sait que l’impopularité de cette réforme peut nourrir son retour. Un retour en force, ou du moins, une tentative de redevenir incontournable.
Mais il ne s’agit pas d’une croisade pour la justice sociale. C’est une manœuvre. Une manœuvre habile. Car s’il faut du courage politique pour repousser l’âge de la retraite dans un pays attaché à ses acquis sociaux, il en faut bien peu pour promettre de les restaurer. Surtout quand on n’est plus au pouvoir.
En somme, Pravind Jugnauth critique aujourd’hui ce qu’il n’a jamais osé faire hier. Il ne l’a pas fait, non pas par grandeur d’âme, mais parce qu’il ne pouvait se le permettre, à quelques mois des élections. Il a gouverné par chèques : CSG, allocations, Duty Free et revenus artificiellement gonflés à la pompe d’un État déjà essoufflé. Le rapport sur The State of the Economy – que Jugnauth rejette aujourd’hui d’un revers de manche sous prétexte qu’il n’est pas signé – est pourtant le fruit d’une décennie de promesses démagogiques.
C’est là que le paradoxe pourrait devenir tragique : celui qui a distribué accuse celui qui tente de réparer. Celui qui a promis accuse celui qui ose déplaire. Ramgoolam est certes revenu au pouvoir sur une vague de changement, mais il découvre que l’exercice du pouvoir, lorsqu’il s’agit de redresser les comptes, n’est ni populaire ni confortable. Il a fait le choix de la rigueur. Et, comme notre journal l’a souligné, il a eu ce rare courage politique : toucher à la pension universelle, ce totem intouchable du contrat social mauricien.
Faut-il lui en vouloir ? Peut-être. Mais que penser, lorsque l’ex-Premier ministre, responsable d’un système à bout de souffle, revient brandir des chiffres flatteurs en omettant la dette publique, le déficit réel ou les allocations rétroactives ? Voilà le théâtre politique mauricien : toujours prompt à l’amnésie, aux raccourcis et aux effets de manche.
Pour autant, cet échange n’est pas inutile. Il rappelle que la démocratie repose sur le va-et-vient entre le pouvoir et l’opposition. Quand l’un gouverne, l’autre observe. Quand l’un réforme, l’autre critique. Mais encore faut-il que les critiques soient crédibles. Et là, le MSM de Jugnauth souffre d’un déficit de cohérence. Car, aussi maladroits soient-ils dans leur communication ou dans la gestion de certains privilèges, les ministres de Ramgoolam n’ont pas encore atteint le niveau d’opacité, de favoritisme ou de clientélisme qui avait marqué la fin du régime précédent.
Le vrai débat, pourtant, ne se situe ni à Nice, ni dans les micros du Sun Trust. Il est ailleurs. Il est dans cette rupture silencieuse, mais brutale, entre un peuple longtemps bercé par les promesses et une classe politique désormais sommée de dire la vérité. Il est dans cette question simple : qui aura le courage de préparer Maurice à son avenir démographique, budgétaire et climatique ? Ramgoolam a commencé à le faire – mal, parfois à contretemps, sans pédagogie. Mais il l’a fait. Jugnauth, lui, choisit de surfer sur la colère. Pas de construire. Du moins, pas encore.
La scène est donc dressée. Un Ramgoolam solitaire, impopulaire, mais conscient de l’Histoire. Et un Jugnauth en embuscade, prêt à redevenir la voix de ceux qui doutent ou qui regrettent. Les rôles sont inversés. Mais le script est connu.
Reste à savoir qui écrira le prochain acte.
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