Publicité

Relance d’enquêtes sensibles

Quand Scotland Yard entre en scène pour fouiller ce que la police locale a laissé dans l’ombre

20 juin 2025, 14:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Quand Scotland Yard entre en scène pour fouiller ce que la police locale a laissé dans l’ombre

C’est une visite qui marque un tournant dans plusieurs enquêtes criminelles restées sans réponse. Deux officiers du prestigieux Scotland Yard sont à Maurice pour une mission cruciale de coopération avec les autorités locales. Leur arrivée coïncide avec la relance d’affaires emblématiques, longtemps considérées comme sensibles et controversées, à commencer par celle de Soopramanien Kistnen, dont la mort en octobre 2020 continue de susciter de profondes interrogations.

Dès leur arrivée dans l’île, mardi, les deux experts britanniques ont entamé une série de réunions stratégiques avec les responsables du Central Criminal Investigation Department (CCID), dont Daniel Monvoisin, ancien haut gradé de la police, aujourd’hui conseiller spécial auprès de cette unité. Aux côtés de l’ACP Rajaram, du SP Vikash Seeboruth et d’autres enquêteurs de la Major Crime Investigation Team (MCIT), ils ont commencé à passer en revue plusieurs dossiers classés mais non élucidés.

Même si le temps de leur mission est limité, les policiers britanniques comptent apporter un regard neuf et des recommandations techniques sur trois dossiers prioritaires : le meurtre de Soopramanien Kistnen, ancien agent politique dont la mort avait été, dans un premier temps, qualifiée de suicide ; le décès de la styliste Vanessa Lagesse en 2001 ; l’assassinat de l’Irlandaise Michaela Harte dans une chambre d’hôtel en 2011. Le cas de Nadine Dantier, également classé dans la catégorie des morts suspectes, pourrait aussi être réexaminé.

Ces affaires, qui ont marqué l’opinion publique mauricienne, sont au cœur d’une nouvelle volonté politique de faire la lumière là où l’ombre a longtemps dominé. Lors d’une récente intervention parlementaire, le Premier ministre Navin Ramgoolam avait dénoncé «une tentative délibérée d’étouffer l’affaire Kistnen» sous l’ancien régime, soulignant l’importance de rendre justice à toutes les familles laissées dans le doute. Il ne s’agit pas pour les officiers britanniques de résoudre directement les enquêtes, mais plutôt d’apporter leur expertise en matière de méthodologie d’investigation, d’analyse de preuves et d’approches modernes en criminalistique.

Des zones d’ombre qui persistent

On apprend qu’au fil de leur mission, qui durera quelques jours, les deux officiers de Scotland Yard prévoient de rencontrer une série d’acteurs clés liés aux enquêtes relancées. Parmi eux : des membres des familles des victimes, d’anciens enquêteurs, des médecins légistes ainsi que d’autres témoins jugés essentiels à la reconstitution des faits. Leur objectif est d’obtenir une compréhension plus fine des zones d’ombre qui persistent dans ces dossiers sensibles.

Les enquêteurs comptent également se rendre sur les lieux où les corps ont été découverts, afin d’appréhender l’environnement physique des crimes et tenter de déceler d’éventuelles incohérences. Mais cet exercice s’annonce difficile : dans certains cas, comme celui de Michaela Harte, la scène de crime – une chambre d’hôtel – a été modifiée, voire détruite, rendant toute reconstitution complexe, sinon impossible. Un rapport détaillé sera remis au CCID et à la MCIT à l’issue de leur mission. Ce document comprendra des recommandations concrètes, tant sur le plan technique que stratégique, ainsi qu’un partage des dernières avancées scientifiques en matière d’enquête utilisées au Royaume-Uni.

Cette relance d’enquêtes avec la collaboration d’experts étrangers avait été annoncée depuis mars dernier par le Premier ministre, en réponse à une question parlementaire du député Franco Quirin. Il avait alors évoqué le renforcement du CCID par un enquêteur d’élite à la retraite – référence à peine voilée à Daniel Monvoisin – et la mobilisation d’experts internationaux. Une promesse qui se concrétise aujourd’hui. «Il faut que justice soit rendue, non seulement à la famille Kistnen, mais aussi à tous ceux qui ont perdu un proche dans des circonstances douteuses», avait insisté Navin Ramgoolam à l’Assemblée.

La venue des officiers de Scotland Yard, symbole d’intégrité et de compétence, représente donc une étape importante. Elle est perçue par de nombreuses familles de victimes comme un signe d’espoir, celui que la vérité finira par éclater, même des années plus tard.

Publicité