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Secteur du travail
Repenser l’accueil des travailleurs étrangers
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Secteur du travail
Repenser l’accueil des travailleurs étrangers

■ Les travailleurs étrangers n’ont pas d’intimité dans les dortoirs qu’ils occupent car les lits se chevauchent dans les chambres.
Le logement des travailleurs étrangers s’apprête à entrer dans une nouvelle ère. Le ministre du Travail, Reza Uteem, a annoncé qu’un nouveau règlement encadrant les dortoirs sera bientôt présenté au Conseil des ministres. L’objectif affiché : créer des espaces de vie dignes, répondant aux normes internationales, loin des conditions précaires souvent dénoncées ces dernières années.
Selon Reza Uteem, ce nouveau cadre réglementaire – baptisé Central Lodging Regulation – permettra de délivrer des licences à des opérateurs spécifiques pour la construction de dortoirs adaptés. Ces infrastructures devront répondre à des critères précis : superficie minimale des chambres, installations sanitaires adéquates, équipements de cuisine, etc. «Une fois que le permis a été donné à ce dortoir, le propriétaire peut alors louer les chambres ou un étage à différentes compagnies. Et quand une entreprise recherche un travailleur étranger, celui-ci n’a plus besoin de loger sur le site même de son employeur ou dans une maison mal adaptée. Il va dans ce dortoir», explique Reza Uteem. Une solution qui entend à la fois répondre aux difficultés des employeurs – souvent incapables de trouver un hébergement convenable – et aux revendications en matière de conditions de vie décentes pour les travailleurs.
Des normes, oui… mais lesquelles ?
Mais cette volonté de moderniser ne convainc pas totalement le syndicaliste Fayzal Ally Beegun. «Sait-on ce que veut dire des normes internationales ?», s’interroge-t-il. Ayant siégé sur le board chargé des dortoirs, il remet en question les critères actuels utilisés pour qualifier un logement de «conforme». «Quand on visite certains dortoirs et que l’on demande pourquoi les lits sont aussi rapprochés, on vous répond qu’on a mesuré la distance. Mais une personne a besoin de bouger librement. Il ne faut pas que ces dortoirs ressemblent à des poulaillers humains», martèle-t-il.
Au-delà de l’aspect réglementaire, le syndicaliste redoute une dérive commerciale. «Est-ce que l’on ne va pas vers un business de dortoirs ? Que deviendront ces structures dans trois ou cinq ans ? Va-t-on changer les matelas, les armoires ou laisser tout se dégrader ?», questionne-t-il, citant en exemple le cas du dortoir de Star Knitwear où «les lockers étaient pourris et le frigo dans un état lamentable». Pour Fayzal Ally Beegun, tous les bâtiments ne peuvent pas être reconvertis en dortoirs. «J’ai vu un garage, voire une ancienne étable, transformés pour loger des travailleurs. Ce sont des humains, pas du bétail.»
Il préconise qu’une chambre ne contienne pas plus de six lits, avec suffisamment d’espace, d’aération et d’intimité. Il va jusqu’à faire une comparaison provocante : «Même les cellules de prison à l’étranger ont un lit, un lavabo, une table. Certaines ont même des télévisions. À Melrose, les dortoirs des détenus sont parfois mieux entretenus que ceux des travailleurs étrangers.»
Le syndicaliste propose des mesures simples mais essentielles pour améliorer le quotidien de ces travailleurs : embaucher des Mauriciens pour assurer l’entretien des dortoirs, garantir la sécurité des effets personnels laissés durant les heures de travail et surtout, rendre les lieux accessibles aux inspections syndicales. «Il ne faut pas avoir peur de montrer la réalité. On ne doit pas cacher ce qui se passe derrière les murs.» Il insiste également sur la nécessité de renouveler régulièrement les équipements: matelas, ustensiles de cuisine, électroménagers… «Chaque groupe de travailleurs mérite un dortoir propre, fonctionnel, avec un minimum de confort. Il ne s’agit pas seulement de mettre des briques et des lits, mais de créer des espaces de vie plus humains.»
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