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Manière de voir
Se fondre dans la masse : shopping ek lepep dan enn métro nommé… désir
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Se fondre dans la masse : shopping ek lepep dan enn métro nommé… désir

Au moment des fêtes, la pub cible surtout ceux qui peuvent se régaler. Des menus coûteux et rares arrosés parfois de champagne. Les mêmes sont attirés par les malls où les enseignes de grandes marques (vêtements, chaussures, montres, foie gras, articles de sport, télés, électroménager…) accrochent l’oeil. Beaucoup devront se contenter de… lécher les vitrines.
Nous avons choisi de bourlinguer avec lepep, ceux-là mêmes qui ont viré le précédent régime malgré les cadeaux pour les appâter. Parmi leurs promesses, celle d’étendre le métro vers l’Est jusqu’à Flacq et vers le Nord jusqu’à Grand-Baie. Avec quel argent ? Entre les deux fêtes, prenons le métro.
● Civilités
Ce métro est un superbe moyen de transport. Quand c’est réussi, il faut aussi le dire. Il est bourré d’un public très varié toutes catégories sociales confondues. Des jeunes femmes en burka intégrale côtoient les mini… shorts ou jupes des jeunes filles. Surprise : quelques jeunes se lèvent pour laisser la place aux personnes âgées ou handicapées. Civilités pas mortes.
En pleine journée, la majorité comprend des femmes mûres lestées de grands sacs. Nous allons essayer de les suivre lors de ce shopping à l’air libre en pleine chaleur. Dans le métro, les annonces sont claires et fréquentes, les poignets pour s’agripper sont solides, pas de papier gras ou chopine en plastique en vue par terre. Pas de resquilleur puisque l’amende s’élève à cinq mille roupies. Là, on pousse le bouchon de la dissuasion très loin.
Certains paysages de l’intérieur de l’île défilent avec nos montagnes dans le lointain horizon. Personne ne branche de la musique mais certaines conversations au portable n’ont pas besoin de Missie Moustass pour se faire entendre. Il ne semble pas que le métro ait eu de grosses conséquences sur les embouteillages. Pourtant, des parkings sont prévus à certaines stations très fréquentées.
● «Lepep» s’habille
Au terminus de Victoria, en dehors du marché aux légumes qui concurrence le bazar central de la capitale ou d’un inévitable food-court sombre et dominé par une musique tonitruante, les échoppes de vêtements (robes en pagaille, shorts, slips, chemises…) s’étalent devant nos yeux. Les vendeurs haranguent surtout les femmes. Un baratin de pro. La Noël est derrière nous, donc pas de jouets. Ces dames marchandent assidûment sans se décider réellement. Elles préfèrent se diriger vers d’autres points de vente à même les trottoirs.
La police est débordée dans le centre-ville, mais elle a reçu des instructions pour ne pas pratiquer une certaine répression en cette période de fêtes. Pour une fois, ce sont les policiers qui se tiennent… à l’ombre.
Rapides escales le long du trottoir de l’avenue John Kennedy dominée par le rectangle d’Air Mauritius (un carré… rondement examiné). On marchande peu en passant devant de petits étalages ou autour du rond-point dominé par la statue à l’entrée du Caudan. Elles savent que des trottoirs de rue plus alléchants les attendent. Malgré chaleur et fatigue, elles arpentent courageusement ces amas de vêtements qui débordent.
Le bouche-à-oreille a circulé. Il est bel et bien fini le temps où pour les fêtes, elles achetaient des tissus pour se faire confectionner robes, jupes, chemisiers chez la… modiste (un joli mot qui disparaît). Les hommes faisaient de même chez des tailleurs, se déplaçant même pour les essayages. De nos jours, c’est le prêt-àporter qui règne en maître. À la suite de longs palabres croustillants, vendeurs et clientes finiront par se mettre d’accord.
Une rumeur circule. C’est à la rue Desforges que l’on fait de bonnes affaires. Les jeunes s’emballent très vite mais les femmes plus mûres tiennent les cordons de la bourse. «Ki ou latay?» ou encore «Ou le X ou XXL? Vini mo mizire.» De temps à autre, des haltes pour étancher la soif car ce parcours peut durer presque deux heures ! C’est la seule grande sortie de l’année !
Les vendeurs nomades devenus sédentaires savent que les temps sont durs. Beaucoup ont raclé les tiroirs surtout pour faire plaisir aux membres de la famille. Un certain sens du partage demeure. Peu d’hommes dans les queues mais ils ne seront pas oubliés. Le mot d’ordre semble être d’acheter moins mais de meilleure qualité. À la rue Sir William Newton, personne ne lève la tête pour jeter un regard à l’imposante Banque de Maurice dont c’est aussi… la fête actuellement. Hum… 2025 ne sera pas une année de bombance. Elles font le tri entre l’essentiel et l’accessoire. Place à l’agréable certes, mais l’utile aussi.
● Rebrousser chemin
Nous regagnons le métro. Les deux mains des femmes sont chargées. Mais oui, on ne chaussera pas une nouvelle paire de baskets ou enfilera cette ravissante robe… ah si, peut-être à la dernière minute, l’envie l’emporte. Au diable, les derniers sous… demain sera un autre jour pour ce lepep qui trime toute l’année.
Dernières haltes pour souffler. Une bonne paire de dholl puri ou un bon verre d’alouda glacé. Les conseils sur l’alimentation passeront après. Nous repartons les poches kanze. On trouve difficilement des places le long des quais. Ce peuple-là n’a pas besoin de grand-chose, du superflu pour déclencher un sourire. Nous nous engouffrons dans le métro à la suite de ces dames qui épatent les touristes. Certaines vont piquer un petit somme réparateur bercé par le léger tangage des rames. Nous sommes au milieu de la masse silencieuse. Celle qui ne lit pas les journaux et se désintéresse des réseaux sociaux.
Le pôle d’intérêt maintenant se fixe sur le dîner du réveillon en famille. Toutes les recettes de la cuisine 100 % mauricienne y passent. On mangera trop autour de la table mais à minuit ils sortiront admirer les feux d’artifice même s’ils habitent loin des côtes. Les chapelets de pétards achetés grâce au providentiel 14e mois se font concurrence. L’ambiance monte crescendo quand on se déhanchera au son du séga. Quelques jeunes corps s’enlacent dans l’ombre. Les plus chanceux iront même camper sur une plage. C’est là que le coeur de lepep battra la chamade. Hélas, tous les chemins mènent parfois trop souvent au… rhum. Dans le métro, nous avons rapidement fait connaissance. Personne ne parle du PIB ou du gouffre financier. Il faut vivre intensément ces rares moments de bonheur populaire au présent.
Bana… né 2025.
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