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Star Knitwear : une fermeture qui expose un scandale et la vulnérabilité des travailleurs
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Star Knitwear : une fermeture qui expose un scandale et la vulnérabilité des travailleurs

■ Le syndicaliste Fayzal Ally Beegun a rendu visite aux travailleurs étrangers de Star Knitwear et a alerté l’opinion publique sur leurs conditions.
La fermeture définitive de l’usine textile Star Knitwear laisse 470 travailleurs licenciés – 312 Mauriciens et 158 étrangers – ainsi que des questions troublantes sur la gestion des fonds publics, la responsabilité patronale et la protection des travailleurs. Entre choc social et crise de confiance, les syndicats dénoncent un système à bout de souffle.
Lors d’un point de presse mercredi dernier, le ministre du Travail, Reza Uteem, a confirmé que Star Knitwear aurait bénéficié de plusieurs centaines de millions de roupies de la Mauritius Investment Corporation (MIC) et de la MauBank, sans transparence sur l’usage de ces fonds. «Tou dimounn kinn fote bizin pran zot responsabilite. Zot bizin reponn divan Financial Crimes Commission», a-t-il martelé. Une enquête est réclamée. Si des malversations sont avérées, les coupables devront répondre devant les instances compétentes. L’enjeu est de taille, d’autant que des fonds publics sont en cause.
La situation des travailleurs étrangers, notamment leur hébergement dans des dortoirs insalubres, a porté un coup à l’image du pays à l’international. Le ministre a indiqué que les receiver managers ont reçu pour instruction de veiller aux conditions sanitaires et il a annoncé la construction de dortoirs centralisés respectant les normes. Des inspections régulières seront menées. Autre réforme annoncée : désormais, toute entreprise souhaitant employer des étrangers devra démontrer sa capacité à payer les salaires et offrir des conditions de travail dignes. Une tentative de mieux encadrer un secteur souvent opaque. Mais les promesses du gouvernement ne suffisent pas à calmer l’inquiétude croissante sur le terrain.
🟦 Reeaz Chuttoo : «Un flou juridique et une société à risque»
Le président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) déplore d’abord la situation des travailleurs licenciés. «Ils ont tout perdu et attendent toujours leurs salaires. Même avec la vente des actifs, il n’est pas sûr qu’ils obtiennent grand-chose.» Il pointe une faille juridique autour du seek capital – dispositif censé permettre à l’État de verser les années de service – qui reste ambigu. «Ce droit ne s’active qu’à la retraite. Mais parle-t-on de 60 ou 65 ans ? Et Star Knitwear a fermé bien avant la réforme. On ne peut pas appliquer une mesure rétroactivement.»
Il alerte également sur les risques liés à la réforme du recrutement étranger. «Demander aux employeurs de prouver qu’ils ne trouvent pas de Mauriciens ? C’est laisser le loup dans la bergerie. Il faut un système centralisé, un pôle emploi pour canaliser les offres et les candidatures. Cela permettrait de savoir qui a refusé quoi, et dans quelles conditions.» Pour le président de la CTSP, la situation est explosive : «On risque de creuser le fossé social, de générer la xénophobie. Il faut un véritable due diligence sur les droits du travail, la santé, la sécurité.»
Reeaz Chuttoo s’insurge également contre un double discours du gouvernement : «On dit vouloir encourager les jeunes à travailler à Maurice, mais on repousse l’âge de la retraite à 65 ans. On veut faire revenir les femmes sur le marché du travail, alors que 45 % d’entre elles sont au chômage. Il faut une vraie politique de formation et d’insertion.» Enfin, il déplore que les syndicats n’aient aucun droit devant le Redundancy Board. «Si un travailleur n’a pas d’argent pour un avocat, il est abandonné. On espérait que cela changerait via le Finance Bill, mais rien ne bouge.»
🟦 Fayzal Ally Beegun : «Les travailleurs ne doivent pas tout perdre»
Le syndicaliste Fayzal Ally Beegun, également très actif sur ce dossier, alerte : «Les travailleurs licenciés en janvier attendent toujours deux semaines de salaire. Ils sont dans le flou complet.» Il lance un appel au Premier ministre, également ministre des Finances : «Il faut write off les dettes de Star Knitwear. Si MauBank ou le CEB réclament leur dû, les travailleurs n’auront rien. Le terrain et le bâtiment valent Rs 600 millions, alors que la dette dépasse le milliard.» Il attend une décision du Redundancy Board, mais envisage une manifestation pacifique devant le Parlement si aucune réponse concrète n’est apportée.
Sur la protection des travailleurs étrangers, le syndicaliste plaide pour un fonds spécial, géré par l’État, alimenté par les entreprises – grandes ou petites – pour couvrir les salaires impayés et financer les retours en cas de faillite. «Ce n’est pas possible de laisser les travailleurs dormir au poste de police ou au centre de Chaland.» Il appelle à un meilleur filtrage : «Avant de recruter, il faut s’assurer que l’entreprise a des commandes suffisantes. Il faut éviter de rabaisser les étrangers à des tâches qui ne sont pas les leurs. Certains sont machinistes qualifiés, pas nettoyeurs de toilettes.»
Fayzal Ally Beegun observe toutefois une solidarité qui émerge : une boulangerie à Plaine-Verte, un supermarché ou encore un collège ont manifesté leur intérêt à embaucher des travailleurs étrangers. Une compagnie textile veut leur fournir des repas. «Cela montre qu’il y a de la place pour la dignité et la solidarité. Mais il faut une volonté politique ferme.» Alors que le gouvernement annonce des Assises du travail, la CTSP entend soumettre une série de propositions concrètes. Mais le temps presse : les travailleurs attendent des réponses, pas des discours.
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