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Théâtre de Port-Louis: quand le ciel en cache un autre
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Théâtre de Port-Louis: quand le ciel en cache un autre

■ Cette déchirure de la grande toile de la coupole du théâtre de Port-Louis laisse apparaître une œuvre antérieure. Photos: © Vashish Sookrah
Belle découverte sur le chantier de restauration de la coupole du théâtre de Port-Louis. La grande toile du dôme cache en réalité une autre œuvre plus ancienne. Alix Laveau et Eve Froidevaux, les deux consultantes françaises recrutées par le cabinet d’architecture Morphos, sont venues établir un diagnostic pour cette partie spécifique située tout en haut du théâtre. En insistant sur le respect maximal des éléments existants.
Monter jusqu’au ciel, grâce aux échafaudages. Arriver plus haut que le troisième balcon. Tomber nez à nez avec le lustre que nous avions toujours vu d’en bas. Dans la lumière des projecteurs qui éclairent la coupole du théâtre de Port-Louis, Alix Laveau, restauratrice spécialisée dans la peinture, et Eve Froidevaux, restauratrice spécialisée en support toile, quadrillent chaque centimètre de la grande toile qui habille le dôme du théâtre de Port-Louis.
■ Reshmi Nundloll du cabinet Morphos examinant le lustre du théâtre de Port-Louis.
C’est l’étape de l’étude. Après soumission du rapport de ces deux consultantes recrutées par Morphos, le cabinet d’architecture qui agit comme consultant pour la rénovation du théâtre de PortLouis, il sera alors temps de constituer l’équipe qui assurera la restauration de la grande toile de la coupole.
Alix Laveau et Eve Froidevaux sont arrivées au chevet du théâtre le lundi 12 mai, pour une semaine de consultation. Le premier challenge, c’est un «gros accident». La grande toile est déchirée. Oh surprise ! Le trou béant laisse apparaître un décor antérieur. «Nous sommes sur deux périodes historiques distinctes. Il y a une coque extérieure qui est la structure de maintien de la première œuvre peinte par le peintre belge Vandermeersch. Elle aurait été recouverte très probablement parce qu’elle a été abîmée par des infiltrations d’eau. On a sans doute voulu cacher l’état de dégradation trop grave de la première peinture. Une grande toile a alors été conçue par un décorateur de théâtre vers 1945.»
Selon Eve Froidevaux, comme la seconde toile a été clouée sur le pourtour d’une nouvelle armature, «c’est pour cela que les toiles du grand décor de la coupole du théâtre de Port-Louis ont des ventres». Pour Alix Laveau, il s’agit ici de restaurer des «couches picturales du 20e siècle et non pas du 19e siècle». Cette grande toile a été restaurée en 1977. La rénovation de 1994 ne concernait pas le grand décor de la coupole.
■ Les restauratrices Alix Laveau et Eve Froidevaux au théâtre de Port-Louis.
Des prélèvements seront analysés en laboratoire. Chacune des modifications successives porte la trace de l’état des connaissances techniques de la période où elle a été réalisée. «C’est en partie l’âme du théâtre», confie Alix Laveau. Eve Froidevaux précise que la peinture utilisée pour la future restauration devra être «réversible pour qu’on puisse l’enlever facilement. Quand on restaure, on ne repeint pas tout le décor. Le but est de conserver le décor existant, de le stabiliser pour qu’il ne s’altère pas et de remettre de la peinture là où il en manque.» La restauration doit tenir compte du climat tropical : forte humidité, chaleur et pluies, avant de choisir les matériaux.
Le processus de sélection
Après avoir constaté l’étendue des dégâts au grand décor, Pritoo Purmanund du cabinet Morphos et ses collaborateurs, Reshmi Nundloll et Vishal Issur, ont cherché des compétences pour les réparer. C’est vers la France que le consultant de la rénovation du théâtre de Port-Louis s’est tournée. Pritoo Purmanund explique qu’un dossier d’appel d’offres a été préparé en deux temps: d’abord pour trouver un cabinet-conseil pour la restauration de cette peinture sur toile. C’est Alix Laveau Restauration Arts Conservation International qui a décroché l’offre. Ce cabinet-conseil va par la suite accompagner l’architecte pour monter l’équipe qui réalisera la restauration.
Le CV des restauratrices est éloquent. Celui d’Alix Laveau, diplômée de l’Istituto Superiore Centrale per il Restauro (ISCR) à Rome, mentionne parmi ses principaux mandats, des contrats au musée du Louvre en 2022 et 2023, au musée de la Marine en 2021, à la Bibliothèque nationale de France, au musée d’Orsay en 2018. Il fait la liste des interventions sur des peintures du 14e au 20e siècle. Le parcours d’Eve Froidevaux indique qu’elle est diplômée de l’Institut national du patrimoine en France. Et qu’elle a fait une série de restauration sur support toile sur des œuvres conservées à la cathédrale Notre Dame de Paris, au musée d’Orsay, au musée Rodin, au Château de Versailles et au ministère des Affaires étrangères français, entre autres.
N’y a-t-il pas de compétences locales pour cette restauration ? Selon Pritoo Purmanund : «Il se peut qu’il y ait des personnes qui peuvent intervenir sur ce type de chantier ici, mais nous avons fait le choix de recruter une expertise internationale. Car il y a eu, par le passé en Europe, des cas de restaurations de peintures sur toile qui se sont mal déroulés. Il n’est pas question de se rater pour la restauration de cet élément du théâtre de Port-Louis.»
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